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07/02/2018 | FRANCE | N°412027

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 07 février 2018, 412027


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 412027, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 juin, 28 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme E... D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes nos 60, 70 et 210 des commentaires administratifs publiés le 8 mars 2017 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-20-30 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.

2° Sous le n° 412031, par une requête et deux no...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 412027, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 juin, 28 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme E... D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes nos 60, 70 et 210 des commentaires administratifs publiés le 8 mars 2017 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-20-30 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 412031, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 juin, 28 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F...-E... C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les mêmes paragraphes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 412412, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 juillet et 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les mêmes paragraphes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts, notamment ses articles 885 G ter et 990 J ;

- la décision n° 412031 du 25 septembre 2017 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ;

- les décisions n°412027 et 412412 du 29 septembre 2017 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-679 QPC du 15 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre les mêmes paragraphes des commentaires administratifs publiés le 8 mars 2017 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-20-30. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des paragraphes nos 60 et 70 des commentaires administratifs attaqués :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 885 G ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue du V de l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les biens ou droits placés dans un trust défini à l'article 792-0 bis ainsi que les produits qui y sont capitalisés sont compris, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l'année d'imposition, selon le cas, dans le patrimoine du constituant ou dans celui du bénéficiaire qui est réputé être un constituant en application du II du même article 792-0 bis (...) ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-679 QPC du 15 décembre 2017, que le constituant d'un trust, ou le bénéficiaire réputé constituant, est, sous réserve que la valeur nette de l'ensemble de son patrimoine excède le seuil d'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune, redevable de cet impôt à raison des biens ou droits placés dans ce trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés, lesquels sont, pour l'établissement de cet impôt, présumés être rattachés à son patrimoine en application de la loi. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant du trust prouve que les biens, droits et produits en cause ne lui confèrent aucune capacité contributive, résultant notamment des avantages directs ou indirects qu'il en tire, une telle preuve ne pouvant résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur.

3. Les paragraphes 60 et 70 des commentaires administratifs attaqués énoncent : " 60. L'article 885 G ter du CGI prévoit le rattachement des biens et droits placés dans un trust, y compris les produits capitalisés correspondants, au patrimoine du constituant (ou, le cas échéant, du ou des bénéficiaires devenus constituants à la suite du décès du constituant initial ou d'un précédent bénéficiaire réputé constituant et par détermination de la loi) pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l'année d'imposition et dans les mêmes conditions que les autres biens, notamment en ce qui concerne le champ d'application, les règles d'évaluation et les exonérations applicables en matière d'ISF. / 70. Cette règle rend l'assiette de l'impôt indépendante du contenu de l'acte de trust et donc de la nature de ce dernier (notamment, révocable ou irrévocable, discrétionnaire ou non.). En présence de plusieurs bénéficiaires réputés constituants et en l'absence de répartition expresse de l'actif du trust dans l'acte de trust (" trust deed ") ou de ses éventuelles stipulations complémentaires annexes, l'actif du trust sera réputé réparti à parts égales entre chacun des bénéficiaires réputés constituants ".

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en interprétant la loi fiscale comme prévoyant, pour la détermination de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'inclusion des biens et droits placés dans un trust dans le patrimoine, selon les cas, du constituant ou du bénéficiaire réputé constituant de ce trust indépendamment du contenu de l'acte de trust et de la nature de celui-ci, alors que si le caractère irrévocable du trust ou le pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur ne sauraient suffire à démontrer, à eux seuls, que les biens, droits et produits placés dans le trust ne confèrent aucune capacité contributive au constituant ou au bénéficiaire réputé constituant, les caractéristiques de l'acte de trust ou ses stipulations annexes peuvent contribuer à une telle démonstration, les énonciations des paragraphes 60 et 70 des commentaires administratifs attaqués ont méconnu les dispositions de l'article 885 G ter du code général des impôts. Il y a lieu, par suite, de les annuler.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du paragraphe n° 210 des commentaires administratifs attaqués :

5. Aux termes de l'article 990 J du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des commentaires administratifs attaqués : " I. - Les personnes physiques constituants ou bénéficiaires d'un trust défini à l'article 792-0 bis sont soumises à un prélèvement fixé au tarif le plus élevé mentionné au 1 de l'article 885 U. (...) III. - (...) Toutefois, le prélèvement n'est pas dû à raison des biens, droits et produits capitalisés lorsqu'ils ont été : a. Inclus dans le patrimoine, selon le cas, du constituant ou d'un bénéficiaire pour l'application de l'article 885 G ter et régulièrement déclarés à ce titre par ce contribuable (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 duquel elles sont issues, que, pour l'application du a. précité, le prélèvement se substitue à l'impôt de solidarité sur la fortune en l'absence de déclaration régulière à ce titre sans se cumuler avec lui. Il en résulte que, dans le cas où un contribuable omet de déclarer régulièrement des biens, droits et produits placés dans un trust qui doivent être inclus dans son patrimoine, en vertu de l'article 885 G ter du code général des impôts, pour l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune, ces biens, droits et produits capitalisés sont pris en compte pour déterminer si ce contribuable, eu égard à la valeur nette de son patrimoine, entre dans le champ de l'impôt de solidarité sur la fortune mais sont soumis, si tel est le cas, au seul prélèvement prévu au I de l'article 990 J précité du code général des impôts sans être pris en compte pour le calcul de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par le contribuable. Par suite, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par ses décisions des 25 et 29 septembre 2017 statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les requérants dans les présentes instances, ces dispositions ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'elles n'excluraient pas la possibilité d'une application cumulée de l'impôt de solidarité sur la fortune et du prélèvement prévu à l'article 990 J du code général des impôts.

6. Le paragraphe 210 des commentaires administratifs attaqués, par lequel l'administration fiscale donne son interprétation des alinéas 4 et 5 du III de l'article 990 J du code général des impôts, énonce que : " Le prélèvement n'est pas dû à raison des biens, droits et produits capitalisés (...) inclus dans l'assiette de l'ISF d'un constituant ou d'un bénéficiaire réputé constituant (BOI-DJCTRUST) redevable de l'ISF ayant déposé sa déclaration et s'étant acquitté de l'impôt dans la situation où il est imposable " et que " le prélèvement sui generis n'a vocation à s'appliquer que lorsque des biens, droits ou produits placés en trust et effectivement taxables à l'ISF n'auront pas été régulièrement déclarés à l'administration au titre de l'ISF (...) ".

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces énonciations, qui ne donnent pas de la disposition qu'elles ont pour objet de commenter une interprétation qui méconnaîtrait sa portée, seraient entachées d'illégalité en ce qu'elles réitèreraient des dispositions portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

8. Par suite, les conclusions des requérants tendant à l'annulation de ce paragraphe doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M.C..., à M. et Mme D...et à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les paragraphes nos 60 et 70 des commentaires administratifs publiés le 8 mars 2017 au BOFiP-impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-20-30 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera, à M.C..., à M. et Mme D...et à M.A..., une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. F...-E...C..., à M. et Mme E...D..., à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 412027
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 412027
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412027.20180207
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