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07/02/2018 | FRANCE | N°406716

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 07 février 2018, 406716


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 janvier 2017 et le 17 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des agents des douanes CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 de l'arrêté du 3 novembre 2016 du ministre de l'économie et des finances, publié au Journal officiel du 8 novembre 2016, portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre d

e l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 janvier 2017 et le 17 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des agents des douanes CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 de l'arrêté du 3 novembre 2016 du ministre de l'économie et des finances, publié au Journal officiel du 8 novembre 2016, portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des douanes, notamment son article 47 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 9 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

- la loi n° 2010 du 5 juillet 2010 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2006-1410 du 21 novembre 2006 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 novembre 2016 du ministre de l'économie et des finances portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects, en tant qu'il prévoit la suppression du bureau des douanes et droits indirects de Tarbes et le transfert de son activité aux bureaux des douanes de Toulouse-Blagnac, Toulouse-Portet et Pau.

Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la consultation du comité technique des services déconcentrés :

2. Les articles 15 et 16 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction applicable à l'espèce, prévoient que, dans toutes les administrations de l'Etat et dans les établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, les comités techniques " connaissent des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services " et les comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail ont " pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières ". L'article 34 du décret du 15 février 2011, pris pour l'application de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984, énumère les questions et projets de textes sur lesquels les comités techniques sont obligatoirement consultés, qui incluent ceux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services. En vertu du même article, d'une part, les comités techniques ne sont consultés sur les questions relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail que lorsqu'aucun comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail n'est placé auprès d'eux, d'autre part, les comités techniques bénéficient du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence, peuvent le saisir de toute question et examinent toute question dont ils sont saisis par le comité d'hygiène. Aux termes de l'article 50 du même décret, les membres du comité doivent avoir communication " de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance ". L'article 47 du décret du 28 mai 1982 pris pour l'application de l'article 16 de la loi du 11 janvier 1984 précise, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail exercent leurs missions " sous réserve des compétences des comités techniques ". Le 1° de l'article 57 du même décret prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est notamment consulté " sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une question ou un projet ne doit être soumis à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet en cause. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne doit ainsi être saisi que d'une question ou projet concernant exclusivement la santé, la sécurité ou les conditions de travail. En revanche, lorsqu'une question ou un projet concerne ces matières et l'une des matières énumérées à l'article 34 du décret du 15 février 2011, seul le comité technique doit être obligatoirement consulté. Ce comité peut, le cas échéant, saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de toute question qu'il juge utile de lui soumettre. En outre, l'administration a toujours la faculté de consulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administration a procédé à la consultation du comité technique des services déconcentrés de Bordeaux, dont relevait alors le bureau de Tarbes, qui a émis un avis relatif à la suppression de ce bureau le 26 mai 2016, ainsi qu'à celle du comité d'hygiène et de sécurité de Haute-Garonne, qui a émis un avis le 11 avril 2016. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des Pyrénées-Atlantiques a par ailleurs été informé de cette mesure à l'occasion de ses séances des 1er avril et 27 septembre 2016. Le comité technique des services déconcentrés et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la Haute-Garonne, dont dépendait le bureau de Tarbes, ont été destinataires, conformément à l'article 50 précité du décret du 15 février 2011, d'un ensemble de documents comportant notamment une fiche d'impact, une description de la démarche entreprise par l'administration, une analyse de la situation sociale et un descriptif des mesures de gestion des ressources humaines et du dispositif financier d'accompagnement social envisagés, ainsi que de l'impact de la mesure envisagée en matière d'environnement, de métiers, d'immobilier, de logistique, de santé, de sécurité et de conditions de travail, d'accessibilité et de risque routier. Par ailleurs, le comité technique des services déconcentrés était compétent pour connaître de la mesure attaquée et la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail revêtait, en application des dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 et des décrets du 28 mai 1982 et 15 février 2011, un caractère facultatif. Par suite, si l'administration a pu néanmoins, ainsi qu'elle en avait la faculté, consulter le comité d'hygiène et de sécurité de Haute-Garonne, dont relevait territorialement le bureau de Tarbes, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas consulté celui des Pyrénées-Atlantiques.

5. En deuxième lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. En l'espèce, le requérant fait valoir que l'arrêté attaqué ne prévoit aucun transfert en faveur du bureau de Pau s'agissant de l'activité de dédouanement auparavant effectuée par le bureau de Tarbes alors que le projet soumis au comité technique des services déconcentrés prévoyait sa répartition entre les bureaux de Pau et de Toulouse-Blagnac. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'activité de dédouanement exercée par le bureau de Tarbes antérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué était d'une importance limitée, certaines activités afférentes au dédouanement, telles que la " veille-écran ", l'activité de pôle de gestion des procédures et la programmation des contrôles, étant déjà exercées par d'autres bureaux. La modification sur ce point du projet initialement soumis au comité technique des services déconcentrés n'était pas de nature à exercer une influence sur le sens de la décision adoptée, ni à priver les agents concernés d'une quelconque garantie.

7. En troisième lieu, la circonstance que le représentant de l'Etat dans le département des Hautes-Pyrénées ait été informé du projet de fermeture du bureau de Tarbes avant que le comité technique des services déconcentrés ait lui-même été consulté sur ce projet est sans incidence sur la régularité de cette consultation.

8. Il résulte de ce qui précède, alors même que les représentants du personnel n'ont pas estimé devoir prendre part au vote, que les moyens tirés de l'irrégularité de la consultation du comité technique des services déconcentrés ne peuvent qu'être écartés.

Sur les autres moyens de la requête :

9. En premier lieu, le syndicat requérant soutient que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du II de l'article 29 de la loi du 4 février 1995, qui prévoit que le représentant de l'Etat dans le département est informé de tout projet de réorganisation des services publics susceptible d'affecter de manière significative les conditions d'accès à ces services, transmet cette information, notamment, au président du conseil départemental et, peut, à son initiative ou à la demande du président du conseil départemental, mener une concertation locale sur tout projet de réorganisation.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision de fermer le bureau de Tarbes, auquel ne sont affectés que trois agents, résulte du constat d'une faible activité de dédouanement, de l'importance de l'utilisation de procédures dématérialisées, que ce soit pour les déclarations en douane ou le traitement des impositions indirectes, dont la télé-déclaration est appelée à devenir obligatoire en 2019, du transfert déjà effectif des missions liées à la viticulture au bureau de Tarbes, de la centralisation prochaine au bureau de Toulouse-Portet de la gestion des débitants de tabac, ainsi que de la création prochaine à Metz d'un service assurant pour l'ensemble du territoire national le traitement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Le projet de fermeture du bureau de Tarbes ne peut ainsi être regardé comme susceptible d'affecter de manière significative les conditions d'accès aux services publics D'autre part et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hautes-Pyrénées a été informé du projet litigieux par le directeur régional des droits et droits indirects de Bordeaux et il n'est pas établi que le président du conseil départemental n'en aurait pas eu connaissance et n'aurait ainsi pas été mis à même de demander l'organisation d'une concertation.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée n'aurait été précédée d'aucun dialogue social véritable, en méconnaissance de dispositions au demeurant non précisées de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, ne peut, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il résulte également de ce qui a été dit au point 3 que la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 9 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires du 13 juillet 1983.

13. En quatrième lieu, si le syndicat requérant soutient que le bureau de Tarbes joue un rôle crucial dans le maillage douanier et en matière de dédouanement, il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'eu égard au caractère réduit et décroissant de l'activité de ce bureau, la décision de le fermer n'est entaché ni d'erreur matérielle, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

14. En dernier lieu et pour les mêmes motifs, la fermeture du bureau de Tarbes n'est, en tout état de cause, pas susceptible de porter atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.

15. Il résulte de tout de ce qui précède que la requête du Syndicat national des agents des douanes, Confédération générale du travail ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat national des agents des douanes CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des agents des douanes, Confédération générale du travail et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 406716
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 406716
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Liza Bellulo
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406716.20180207
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