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01/02/2018 | FRANCE | N°416998

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 01 février 2018, 416998


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française et démocratique du travail demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'article 8 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, en ce qu'il modifie la sous-section 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la

deuxième partie du code du travail en y introduisant les nouveaux articles...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française et démocratique du travail demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'article 8 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, en ce qu'il modifie la sous-section 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la deuxième partie du code du travail en y introduisant les nouveaux articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L. 2232-23 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Confédération française et démocratique du travail soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, les dispositions contestées sont entrées en vigueur et d'application immédiate à la suite de la publication du décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d'approbation des accords dans les très petites entreprises, d'autre part, les accords qui seront ratifiés selon les modalités qu'elles énoncent se substitueront de plein droit aux stipulations contraires des contrats de travail ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de ces dispositions ;

- elles ne correspondent ni au texte du projet soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat, ni au texte résultant de l'avis émis par le Conseil d'Etat ;

- elles méconnaissent le champ du b du 2° de l'article 1er de la loi d'habilitation du 15 septembre 2017 ;

- elles portent atteinte au principe de participation et à la liberté syndicale, constitutionnellement garantis ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 4 de la convention n° 98 et de l'article 5 de la convention n° 135 de l'Organisation internationale du travail ;

- elles méconnaissent la liberté syndicale et le droit à la négociation collective garantis par l'article 11 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 6 de la charte sociale européenne et l'article 28 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- combinées avec les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance contestée, elles méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la liberté contractuelle, constitutionnellement garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 38 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les conventions n° 98 et n° 135 de l'Organisation internationale du travail ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la charte sociale européenne ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 ;

- le décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Confédération française et démocratique du travail, d'autre part, le Premier ministre et la ministre du travail ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 29 janvier 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Confédération française et démocratique du travail ;

- les représentants de la Confédération française et démocratique du travail ;

- les représentants de la ministre du travail ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. La Confédération française et démocratique du travail demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'article 8 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, en ce qu'il introduit dans le code du travail les articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L. 2232-23 relatifs à la ratification des accords par les salariés dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dont l'effectif habituel est inférieur à onze salariés ou compris entre onze et vingt salariés.

3. La circonstance que les dispositions contestées sont entrées en vigueur et applicables depuis l'intervention du décret du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d'approbation des accords dans les très petites entreprises ne saurait suffire, à elle seule, à caractériser l'urgence qu'il y a, pour le juge des référés, à en suspendre l'exécution. Si la requérante soutient également que l'article 1er de l'ordonnance du 22 septembre 2017 permettra aux accords ratifiés selon les modalités fixées par les articles L. 2232-21 à L. 2232-23 du code du travail de déroger aux conventions de branche dans certaines matières, et qu'en vertu de l'article 3 de cette ordonnance, les stipulations de ces accords se substitueront de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, cette argumentation n'est pas non plus de nature à caractériser l'urgence qu'il y aurait à suspendre les dispositions contestées de l'article 8 de l'ordonnance, seules visées par la requête.

4. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence posée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées, la requête présentée par la Confédération française et démocratique du travail doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Confédération française et démocratique du travail est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Confédération française et démocratique du travail, au Premier ministre et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 416998
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2018, n° 416998
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416998.20180201
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