La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2018 | FRANCE | N°416799

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 05 janvier 2018, 416799


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner qu'il soit mis fin à la procédure d'éloignement en cours dont il faisait l'objet et à son placement en rétention administrative et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte. Par une ordonnance n° 1701259 du 7 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administra

tif de la Guyane a rejeté la demande de M.A....

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner qu'il soit mis fin à la procédure d'éloignement en cours dont il faisait l'objet et à son placement en rétention administrative et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte. Par une ordonnance n° 1701259 du 7 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de M.A....

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance contestée est irrégulière en la forme dès lors que la minute de cette décision n'a pas été signée par le magistrat qui l'a rendue ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le juge des référés a rejeté les conclusions en annulation de la mesure de placement de rétention, alors qu'une telle mesure peut être déférée à la censure de la juridiction administrative ;

- elle est entachée d'une seconde erreur de droit en ce que le juge des référés a retenu que l'urgence à suspendre une interdiction de retour sur le territoire français n'était caractérisée que lorsque l'étranger se trouvait en dehors du territoire national, alors qu'une telle mesure constitue une base légale suffisante à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement ;

- le préfet de la Guyane a porté une atteinte grave et manifestement illégale, d'une part, à son droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que ses attaches familiales sont nombreuses, stables et intenses en France, d'autre part, à sa liberté d'aller et venir et, enfin, au droit de ne pas être soumis à la torture et à des traitements inhumains et dégradants à raison du risque des persécutions dont il serait victime en rentrant en Haïti.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut, à titre principal, à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à la suspension du placement en rétention et au non lieu à statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'interdiction du territoire et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête au motif que l'urgence n'est pas caractérisée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.A..., d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 3 janvier 2018 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., ressortissant haïtien, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 24 mars 2016 ; qu'après l'intervention de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile, le préfet de la Guyane, par un arrêté du 16 février 2017, a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que, par deux décisions du 24 avril 2017, le préfet, constatant que l'intéressé n'avait pas quitté le territoire, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a placé en rétention administrative ; que, par une ordonnance du 27 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A...et a enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation ; que M. A... n'a fait l'objet d'aucune décision préfectorale nouvelle relative à sa situation jusqu'au 6 décembre 2017, date à laquelle le préfet l'a, une nouvelle fois, placé en rétention administrative en vue de préparer son éloignement, en se fondant sur l'arrêté du 24 avril 2017 portant interdiction de retour de l'intéressé sur le territoire français ; que M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de conclusions tendant, d'une part, à ce qu'il soit mis fin à la procédure d'éloignement en cours et à son placement en rétention et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, et ce sous astreinte ; que par une ordonnance du 7 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane a rejeté sa demande ; que M. A...relève appel de cette ordonnance ;

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant que le moyen tiré de ce que la minute de l'ordonnance attaquée n'aurait pas été signée par le magistrat qui l'a rendue manque en fait ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de placement en centre de rétention :

4. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en Guyane en vertu de l'article L. 514-1 du même code : " (...) La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1 " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas au juge administratif, y compris s'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de connaître de conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté les conclusions de la requête de M. A...dirigées contre la décision de placement en rétention dont celui-ci faisait l'objet comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

En ce qui concerne les autres conclusions de la requête :

5. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que M. A...a fait l'objet d'une mesure de placement en rétention administrative, le 6 décembre 2017, afin de permettre à l'administration de préparer son éloignement du territoire français, sur le fondement de l'interdiction de retour sur le territoire dont il avait fait l'objet le 24 avril 2017, alors que l'arrêté du 16 février 2017 l'obligeant à quitter le territoire français avait été suspendu par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 27 avril 2017 et que le préfet n'avait ni fait appel de cette décision, ni demandé au juge qu'il la modifie ou y mette fin en application de l'article L. 521-4 du code de justice administrative ; que, dès lors, et en l'absence d'intervention d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français, l'interdiction de retour sur le territoire français prise le 24 avril 2017 ne pouvait légalement fonder une mesure d'éloignement ; que l'éloignement imminent de M. A...était de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et à justifier que le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane prenne une mesure de sauvegarde sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, toutefois, que le ministre de l'intérieur a reconnu, dans ses écritures devant le Conseil d'Etat et lors de l'audience publique, que la tentative de procéder à l'éloignement de M. A...résultait d'une erreur commise par les services de la préfecture de la Guyane et que l'interdiction de retour sur le territoire ne pouvait, en l'espèce, fonder une telle mesure, dès lors que les effets de l'obligation de quitter le territoire avaient été suspendus ; que le préfet de la Guyane a d'ailleurs abrogé l'arrêté de placement en rétention de M. A...et convoqué celui-ci, le 5 janvier 2018, dans ses services, afin qu'il soit procédé à un réexamen de sa situation ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de la mesure d'éloignement de l'intéressé, qui sont devenues sans objet ; que, par ailleurs, si M. A... demande la suspension de l'exécution de son interdiction de retour sur le territoire français, de telles conclusions ne satisfont pas, en l'espèce, à la condition d'urgence requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, puisque la mesure contestée ne peut légalement fonder son éloignement du territoire ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A... dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur son placement en rétention et son interdiction de retour sur le territoire français ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions de sa requête ; qu'il y a lieu d'admettre provisoirement M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Masse-Dessein, Thouvenin et Coudray d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : M. A...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. A...dirigées contre l'ordonnance du 7 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'elle statue sur son placement en rétention et son interdiction de retour sur le territoire français sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Masse-Dessein, Thouvenin et Coudray, avocat de M.A..., une somme de 3 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions de la requête.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 416799
Date de la décision : 05/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jan. 2018, n° 416799
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416799.20180105
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award