Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 24 février et 29 novembre 2017, M. B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant d'abroger les dispositions de l'article 42 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et l'arrêté interministériel du 14 décembre 2014 fixant le modèle de l'attestation de non-prise en charge des frais de procédure délivrée par l'assureur, en application du 9° de l'article 34 du décret du 19 décembre 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
1. Considérant que, par une lettre du 2 novembre 2016, M. B...a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande tendant à l'abrogation des dispositions de l'article 42 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'arrêté interministériel du 14 décembre 2014 fixant le modèle de l'attestation de non-prise en charge des frais de procédure délivrée par l'assureur, en application du 9° de l'article 34 du décret du 19 décembre 1991 ; que M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de faire droit à cette demande ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense du garde des sceaux, ministre de la justice :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de cette disposition que le mémoire en défense du garde des sceaux, ministre de la justice devrait être écarté des débats au motif qu'il a été produit postérieurement au délai fixé par la mise en demeure qui lui a été adressée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection. " ; qu'en vertu du second alinéa de l'article 22 de la même loi : " Le président ou, le cas échéant, le vice-président peut, en outre, procéder aux mesures d'investigation nécessaires et rejeter la demande si le demandeur, sans motif légitime, ne communique pas dans le délai imparti les documents ou les renseignements demandés. " ; que l'article 23 de la même loi précise que " les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, de la section du bureau ou de leur premier président peuvent être déférées, selon le cas, au président de la cour d'appel ou de la Cour de cassation, au président de la cour administrative d'appel, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, au président du Tribunal des conflits, au président de la Cour nationale du droit d'asile ou au membre de la juridiction qu'ils ont délégué. Ces autorités statuent sans recours. / Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. / (...) " ; que le premier alinéa de l'article 25 de la même loi dispose que : " Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours. " ;
4. Considérant qu'en vertu de l'article 33 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande d'aide juridictionnelle est déposée ou adressée par l'intéressé ou par tout mandataire au bureau d'aide juridictionnelle. / (...) / En outre, le requérant doit préciser : / a) S'il dispose d'un ou plusieurs contrats d'assurance de protection juridique ou d'un autre système de protection couvrant la rémunération des auxiliaires de justice et les frais afférents au différend pour lequel le bénéfice de l'aide est demandé ; / (...) " ; que l'article 34 du même décret, dans sa version alors en vigueur, précise que : " Le requérant doit joindre à cette demande : / (...) / 9° S'il a déclaré disposer d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un autre système de protection en application du a de l'article 33, l'attestation de non-prise en charge délivrée selon le cas par l'employeur ou l'assureur, lorsque ce dernier ne prend pas en charge le litige ou le différend. En cas de prise en charge partielle des frais de procédure, le demandeur doit joindre la justification fournie par l'employeur ou l'assureur précisant le montant des plafonds de garantie et de remboursement des frais, émoluments et honoraires couverts. / (...) " ; que l'article 42 du même décret dispose que : " Le bureau peut faire recueillir tous renseignements et faire procéder à toutes auditions. / Il peut entendre ou faire entendre les intéressés. / Si le requérant ne produit pas les pièces nécessaires, le bureau ou la section du bureau peut lui enjoindre de fournir, dans un délai qu'il fixe et qui ne saurait excéder deux mois à compter de la réception de la demande qui lui est faite, tout document mentionné à l'article 34, même en original, ou tout renseignement de nature à justifier qu'il satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. À défaut de production dans ce délai, la demande d'aide est caduque. Il en est de même lorsque le requérant demeure hors de France ou est de nationalité étrangère, sous réserve des conventions internationales. / La décision constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle n'est pas susceptible de recours. (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, d'une part, que la caducité de la demande d'admission à l'aide juridictionnelle, prévue par l'article 42 du décret du 19 décembre 1991, ne peut être constatée par le bureau d'aide juridictionnelle que dans le cas où le demandeur a omis de communiquer à ce bureau, dans le délai qui lui a été imparti, un des documents mentionnés à l'article 34 du même décret ou les seuls renseignements qui sont nécessaires pour justifier qu'il satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle et qui lui ont été demandés ; que cette mesure est ainsi destinée à tirer les conséquences de la négligence du demandeur de l'aide juridictionnelle et répond à un objectif de bonne administration de la justice ; que si, à la différence d'une décision de rejet d'une demande d'aide juridictionnelle, elle n'est pas susceptible de recours, elle ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle demande soit immédiatement et utilement présentée ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions citées au point 3 que si le demandeur de l'aide juridictionnelle déclare qu'il ne dispose pas d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un autre système de protection couvrant la rémunération des auxiliaires de justice et les frais afférents au différend pour lequel le bénéfice de l'aide est demandé, il n'a pas à fournir au bureau d'aide juridictionnelle l'attestation, prévue à l'article 34, de non-prise en charge délivrée, selon le cas, par l'employeur ou l'assureur et le bureau ne peut, dans ce cas, solliciter la production d'une telle attestation à peine de caducité de la demande ; qu'en revanche, il demeure loisible au bureau d'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article 42, de recueillir les seuls renseignements permettant d'établir de façon certaine l'absence de tout mécanisme de garantie pouvant assurer la prise en charge des frais de procédure ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M.B..., l'article 42 du décret du 19 décembre 1991 ne méconnaît, par lui-même, ni le droit à l'assistance d'un avocat, ni le droit d'accès à un tribunal ;
8. Considérant, en second lieu, que si le demandeur de l'aide juridictionnelle déclare disposer d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un autre système de protection, il appartient, le cas échéant, à l'assureur du demandeur d'attester sur le formulaire cerfa n° 15173*01 annexé à l'arrêté du 12 décembre 2014, qu'il ne prend pas en charge le litige ou le différend mentionné par le demandeur ; que le formulaire précise qu'il doit être joint à la demande d'aide juridictionnelle ; que l'assureur est informé, par cette mention, que l'attestation qu'il produit est destinée à garantir le respect du principe de subsidiarité de l'aide juridictionnelle énoncé à l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'une telle mention n'a ni pour objet, ni pour effet de dévoiler le niveau des ressources du demandeur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté du 12 décembre 2014 des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que sa requête doit donc être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.