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28/12/2017 | FRANCE | N°407302

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 décembre 2017, 407302


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 27 janvier et 31 juillet 2017, M. B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant d'abroger les dispositions de l'article 79 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préamb

ule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hom...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 27 janvier et 31 juillet 2017, M. B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant d'abroger les dispositions de l'article 79 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

1. Considérant que, par une lettre du 25 octobre 2016, M. B...a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande tendant à l'abrogation des dispositions de l'article 79 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté cette demande ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. "

4. Considérant que M. B...soutient que cette disposition, en permettant au Conseil d'État de se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'interprétation d'une disposition législative qu'il a donnée méconnaît le principe d'impartialité des juridictions découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

5. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2009-95-DC du 3 décembre 2009, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; qu'aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit n'est de nature à justifier que la conformité à la Constitution de ces dispositions soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. " ; que l'article L. 243-2 du même code dispose : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. " ;

7. Considérant que M. B...soutient que les dispositions des articles L. 243-1 et L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, en ne permettant pas à tout justiciable de contester le refus de l'autorité compétente d'abroger un règlement, méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, toutefois, ces dispositions n'ont pas pour objet de fixer des règles ou principes en matière de procédure administrative contentieuse et ne traitent ainsi aucunement de l'intérêt à agir ; qu'il suit de là que la méconnaissance du droit à un recours effectif reconnu à toute personne ayant intérêt à agir et du droit à un procès équitable ne peut être utilement invoquée à leur encontre ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 243-1 et L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration et celles de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur les autres moyens de la requête :

S'agissant de la recevabilité du mémoire du garde des sceaux, ministre de la justice :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de cette disposition que le mémoire en défense du garde des sceaux, ministre de la justice devrait être écarté des débats au motif qu'il a produit ce mémoire postérieurement au délai fixé par la mise en demeure qui lui a été adressée ;

S'agissant de la légalité de la décision attaquée :

10. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 16 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice sont désignés par leurs organismes professionnels. " ; que l'article 25 de la même loi dispose : " Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours. / Les avocats et les officiers publics ou ministériels sont choisis par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Ils peuvent l'être également par l'auxiliaire de justice premier choisi ou désigné. / A défaut de choix ou en cas de refus de l'auxiliaire de justice choisi, un avocat ou un officier public ou ministériel est désigné, sans préjudice de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, par le bâtonnier ou par le président de l'organisme professionnel dont il dépend. / (...) " ;

11. Considérant, d'autre part, que l'article 79 du décret du 19 décembre 1991 dispose que : " Lorsque aucun avocat ou officier public ou ministériel n'a été choisi par le bénéficiaire de l'aide ou n'a été désigné dans les conditions prévues aux articles 76 à 78, le secrétaire du bureau ou de la section du bureau d'aide juridictionnelle adresse, dès l'admission à l'aide, une copie de la décision au bâtonnier et, le cas échéant, au président de chacun des organismes professionnels dont dépendent les divers auxiliaires de justice respectivement compétents pour représenter le bénéficiaire de l'aide, l'assister et procéder aux actes et formalités nécessaires à l'instance, à l'acte conservatoire ou à la procédure d'exécution pour lequel cette aide a été accordée. / Lorsqu'il apparaît nécessaire de recourir à un nouvel avocat ou officier public ou ministériel après admission à l'aide juridictionnelle, le secrétaire du bureau ou de la section du bureau d'aide juridictionnelle, saisi par le bénéficiaire de l'aide, adresse une copie de la décision au bâtonnier et au président de chacun des organismes professionnels décrits à l'alinéa précédent. " ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions des articles 20 et suivants de la loi du 10 juillet 1991 que les décisions en matière d'aide juridictionnelle sont prises par les bureaux d'aide juridictionnelle, leurs sections ainsi que par les présidents et vice-présidents des bureaux ou de leurs sections ; que le second alinéa de l'article 79 du décret du 19 décembre 1991 se borne à confier au secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle ou de sa section le soin de communiquer au bâtonnier de l'ordre des avocats ou au président de l'organisme professionnel concerné une copie de la décision d'admission à l'aide juridictionnelle lorsque le bénéficiaire demande la désignation d'un nouvel avocat ou officier public ou ministériel ; qu'il ne lui confère ainsi aucun pouvoir d'appréciation sur le bien-fondé d'une telle demande ; que, par suite, M.B..., n'est pas fondé à soutenir que cette disposition méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique faute de prévoir la communication au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle de la décision prise par le secrétaire du bureau ou de la section concernant la désignation d'un nouvel auxiliaire de justice ;

13. Considérant, en second lieu, que les dispositions du second alinéa de l'article 79 du décret du 19 décembre 1991, qui se bornent à préciser, ainsi qu'il vient d'être dit, la mission du secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle ou de sa section lorsqu'un bénéficiaire de l'aide juridictionnelle demande la désignation d'un nouvel auxiliaire de justice, ne régissent pas les conditions d'exercice de sa compétence par le bâtonnier ou le président de l'organisme professionnel concerné pour se prononcer sur une telle demande ; que, par suite, M. B...ne saurait utilement soutenir qu'en autorisant les bâtonniers et présidents d'organismes professionnels à rejeter les demandes de désignation d'un nouvel auxiliaire de justice et en ne prévoyant pas de recours contre de telles décisions, le second alinéa de l'article 79 du décret du 19 décembre 1991 méconnaît le droit à l'assistance d'un avocat et le droit d'accès à un tribunal ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 407302
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2017, n° 407302
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:407302.20171228
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