Vu la procédure suivante :
Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 6 octobre 2016, 28 décembre 2016, 6 avril 2017 et 4 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 septembre 2016 par laquelle la présidente de la Haute Autorité de santé a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de la prise de position adoptée par cette autorité, aux termes de son avis du 21 juillet 2010 intitulé " conditions de réalisation de la chirurgie de la cataracte : environnement technique ", en tant qu'il énonce que " la chirurgie de la cataracte ne peut être réalisée qu'en établissement de santé " ;
2°) d'enjoindre à la Haute Autorité de santé de procéder à l'abrogation de la prise de position contestée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A...demande l'annulation de la décision du 26 septembre 2016 par laquelle la présidente de la Haute Autorité de santé a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation du rapport d'évaluation approuvé par le collège de cette autorité, le 21 juillet 2010, en tant qu'il a, à cette occasion, indiqué que la chirurgie de la cataracte ne peut être réalisée qu'en établissement de santé.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de l'acte attaqué, la Haute Autorité de santé est chargée de : " 1° Procéder à l'évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu'ils rendent, et contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives à l'inscription, au remboursement et à la prise en charge par l'assurance maladie des produits, actes ou prestations de santé ainsi qu'aux conditions particulières de prise en charge des soins dispensés aux personnes atteintes d'affections de longue durée. A cet effet, elle émet également un avis sur les conditions de prescription, de réalisation ou d'emploi des actes, produits ou prestations de santé et réalise ou valide des études d'évaluation des technologies de santé./ (...) ".
3. Les évaluations auxquelles la Haute Autorité de santé procède et les avis qu'elle rend, en application de ces dispositions, sont des éléments de la procédure d'élaboration de la décision qu'il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre concernant soit l'inscription, le remboursement et la prise en charge par l'assurance maladie des produits, actes ou prestations de santé, soit les conditions de prescription, d'utilisation ou de réalisation de ces actes, produits et prestations auxquelles leur inscription sur les listes prévues par les articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 du code de la sécurité sociale peut être subordonnée. Les autorités compétentes ne sont pas liées par les positions prises par la Haute Autorité de santé, dans ses évaluations et avis, et le bien-fondé de ces positions peut être discuté à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les décisions ainsi prises ou, le cas échéant, contre le refus qui serait opposé à une demande tendant à ce qu'une telle décision soit prise. Par suite, ces évaluations et avis ne constituent pas par eux-mêmes des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que la Haute Autorité de santé a été saisie par le ministre des affaires sociales et de la santé, en application du 1° de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, afin de procéder à une évaluation des différentes modalités de réalisation de l'anesthésie dans la chirurgie de la cataracte. Cette demande était motivée par la novation médicale que constitue l'anesthésie dite " topique " et avait pour objet d'éclairer les autorités administratives compétentes sur les conséquences qui pouvaient en être tirées en matière de tarification de l'acte d'anesthésie, d'une part, et d'organisation du système de soins, d'autre part. En réponse à cette demande, la Haute Autorité de santé a conclu, selon les termes de la synthèse de son rapport d'évaluation, que " la chirurgie de la cataracte doit s'effectuer au sein d'un bloc opératoire, seul environnement technique à l'heure actuelle qui garantisse un niveau d'asepsie adaptée à cette chirurgie " et a préconisé " de disposer au sein de cette structure d'un recours possible à un médecin anesthésiste, y compris lors d'une anesthésie locale ou topique ". Elle en a déduit que " l'environnement adapté à la chirurgie de la cataracte pourrait correspondre à une structure de type centre de chirurgie ambulatoire, autonome ou non, avec présence d'un anesthésiste sur site, telle que prévue dans les futurs décrets sur la médecine et la chirurgie " et que " cette organisation nécessiterait de reconnaître une activité de recours anesthésique et de la rémunérer ". Si la Haute Autorité de santé a jugé utile d'exposer, au préalable, son interprétation des dispositions législatives et réglementaires alors applicables à la pratique de la chirurgie de la cataracte, cette interprétation, quel qu'en soit le bien-fondé, ne saurait revêtir le caractère de dispositions générales et impératives, eu égard à la nature de l'évaluation ainsi faite et à l'office de la Haute Autorité de santé dans ce cadre. De même, les considérations médicales sur lesquelles elle s'est fondée pour motiver ses préconisations d'évolution ne sauraient davantage être regardées comme des recommandations de bonnes pratiques susceptibles d'être opposées à des tiers, et notamment à des professionnels de santé.
5. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Haute Autorité de santé, la requête de M. A...est entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance et ne peut, dès lors, qu'être rejetée par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative.
Sur l'intervention de l'association de chirurgie en soins externes :
6. En conséquence, l'intervention présentée à l'appui de la requête par l'association de chirurgie en soins externes est, elle-même, irrecevable et ne peut être admise.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la Haute Autorité de santé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il résulte de ces mêmes dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En l'espèce, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 par la Haute Autorité de santé, qui ne se prévaut d'aucun frais particulier, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de l'association de chirurgie en soins externes n'est pas admise.
Article 2 : La requête de M. A...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Haute Autorité de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'association de chirurgie en soins externes et à la Haute Autorité de santé.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.