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20/12/2017 | FRANCE | N°414935

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 20 décembre 2017, 414935


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 150 des commentaires administratifs publiés le 4 mars 2016 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 150 des commentaires administratifs publiés le 4 mars 2016 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts, notamment son article 150-0 B ter, et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du 2ème alinéa du I. de l'article 150-0 B ter du code général des impôts : " I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus)(... ". Le requérant conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions, au motif qu'elles instaureraient une présomption irréfragable de fraude en prévoyant l'imposition de la totalité de la plus-value résultant d'un échange de titres lorsque la valeur de la soulte perçue par l'apporteur en complément des titres reçus est supérieure à 10 % de la valeur nominale de ces même titres, sans que celui-ci ait la possibilité de bénéficier du report d'imposition en établissant que la perception d'une telle somme n'avait ni pour objet, ni pour effet, de lui permettre de contourner la loi fiscale.

3. En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.

4. En instaurant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Il a cependant limité le champ de ce régime aux seules opérations pour lesquelles l'échange de titres n'est accompagné du versement de liquidités que dans une faible proportion, ce pour éviter, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017 à propos du mécanisme du sursis d'imposition, notamment au titre de la lutte contre l'évasion fiscale, que des opérations puissent en bénéficier alors qu'elles ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également une proportion significative de liquidités.

5. En réservant ainsi le champ de ce régime de faveur aux seules opérations qui donnent lieu au versement d'une soulte d'un montant inférieur ou égal à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange de l'apport, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les objectifs poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Est à cet égard sans incidence la circonstance que l'opération d'échange de titres considérée n'ait ni pour objet ni pour effet de contourner la loi fiscale, dès lors qu'ayant donné lieu au versement d'une soulte d'un montant qui dépasse le seuil fixé, elle n'entre plus dans le champ des opérations que ces dispositions entendent favoriser.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur la requête :

7. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que les commentaires attaqués réitèreraient des dispositions législatives portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, M. B...fait valoir qu'en autorisant l'imposition de la totalité de la plus-value résultant de l'échange de titres, ces mêmes énonciations seraient incompatibles avec les objectifs du paragraphe 1. de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions des sociétés d'Etats membres différents, dont les dispositions ont été reprises à l'article 8 de la directive 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, aux termes desquelles : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé (...) ".

9. Toutefois, l'intérêt dont se prévaut M. B...pour contester la légalité des énonciations réitérant les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts tient à l'application qui lui a été faite de ces dispositions à l'occasion d'une opération d'échange de titres entre les sociétés Digital Local et Foule Access, qu'il contrôle. Ces sociétés étant toutes deux établies en France, cet intérêt ne lui donne qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs qu'il attaque qu'en tant que ceux-ci concernent les situations internes, à l'exclusion des opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles entrent seules dans le champ de la directive qu'il invoque. Le requérant ne peut, par suite, utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles il est recevable à agir, de ce que les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive.

10. Il résulte de ce qu'il précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'instruction attaquée. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B.soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus)

Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414935
Date de la décision : 20/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - LÉGALITÉ ET CONVENTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS FISCALES - INSTRUCTIONS - INTÉRÊT D'UN CONTRIBUABLE À CONTESTER UNE INSTRUCTION FISCALE TENANT À L'APPLICATION QUI LUI A ÉTÉ FAITE DES DISPOSITIONS DU CGI COMMENTÉES PAR CETTE DERNIÈRE À L'OCCASION D'UNE SITUATION PUREMENT FRANÇAISE - INTÉRÊT NE LUI DONNANT QUALITÉ POUR DEMANDER L'ANNULATION DE CETTE INSTRUCTION QU'EN TANT QU'ELLE CONCERNE LES SITUATIONS PUREMENT INTERNES - CONSÉQUENCE - INOPÉRANCE DU MOYEN TIRÉ DE CE QUE LES DISPOSITIONS COMMENTÉES SERAIENT INCOMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS D'UNE DIRECTIVE RÉGISSANT SEULEMENT LES OPÉRATIONS INTÉRESSANT DES SOCIÉTÉS D'ETATS MEMBRES DIFFÉRENTS.

19-01-01-01-03 Recours pour excès de pouvoir dirigé contre une instruction fiscale réitérant les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts (CGI).... ,,L'intérêt dont se prévalait le requérant pour contester la légalité des énonciations contenues dans cette instruction tenait à l'application qui lui avait été faite de ces dispositions à l'occasion d'une opération d'échange de titres entre deux sociétés qu'il contrôlait. Ces sociétés étant toutes deux établies en France, cet intérêt ne lui donnait qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs attaqués qu'en tant que ceux-ci concernaient les situations internes, à l'exclusion des opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles entraient seules dans le champ de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 qu'il invoquait. Il ne pouvait, par suite, utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles il était recevable à agir, de l'incompatibilité des dispositions de l'article 150-0 B ter du CGI avec les objectifs de cette directive.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - INTÉRÊT D'UN CONTRIBUABLE À CONTESTER UNE INSTRUCTION FISCALE TENANT À L'APPLICATION QUI LUI A ÉTÉ FAITE DES DISPOSITIONS DU CGI COMMENTÉES PAR CE TEXTE À L'OCCASION D'UNE SITUATION PUREMENT INTERNE - INTÉRÊT NE LUI DONNANT QUALITÉ POUR DEMANDER L'ANNULATION DE CETTE INSTRUCTION QU'EN TANT QU'ELLE CONCERNE LES SITUATIONS PUREMENT INTERNES - CONSÉQUENCE - INOPÉRANCE DU MOYEN TIRÉ DE CE QUE LES DISPOSITIONS COMMENTÉES SERAIENT INCOMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS D'UNE DIRECTIVE RÉGISSANT SEULEMENT LES OPÉRATIONS INTÉRESSANT DES SOCIÉTÉS D'ETATS MEMBRES DIFFÉRENTS.

54-01-04-02 Recours pour excès de pouvoir dirigé contre une instruction fiscale réitérant les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts (CGI).... ,,L'intérêt dont se prévalait le requérant pour contester la légalité des énonciations contenues dans cette instruction tenait à l'application qui lui avait été faite de ces dispositions à l'occasion d'une opération d'échange de titres entre deux sociétés qu'il contrôlait. Ces sociétés étant toutes deux établies en France, cet intérêt ne lui donnait qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs attaqués qu'en tant que ceux-ci concernaient les situations internes, à l'exclusion des opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles entraient seules dans le champ de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 qu'il invoquait. Il ne pouvait, par suite, utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles il était recevable à agir, de l'incompatibilité des dispositions de l'article 150-0 B ter du CGI avec les objectifs de cette directive.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - MOYEN TIRÉ DE CE QUE LES DISPOSITIONS COMMENTÉES PAR UNE INSTRUCTION FISCALE SERAIENT INCOMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS D'UNE DIRECTIVE RÉGISSANT SEULEMENT LES OPÉRATIONS INTÉRESSANT DES SOCIÉTÉS D'ETATS MEMBRES DIFFÉRENTS - SOULEVÉ PAR UN CONTRIBUABLE N'AYANT INTÉRÊT À DEMANDER L'ANNULATION DE CETTE INSTRUCTION QU'EN TANT QU'ELLE CONCERNE LES SITUATIONS PUREMENT INTERNES.

54-07-01-04-03 Recours pour excès de pouvoir dirigé contre une instruction fiscale réitérant les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts (CGI).... ,,L'intérêt dont se prévalait le requérant pour contester la légalité des énonciations contenues dans cette instruction tenait à l'application qui lui avait été faite de ces dispositions à l'occasion d'une opération d'échange de titres entre deux sociétés qu'il contrôlait. Ces sociétés étant toutes deux établies en France, cet intérêt ne lui donnait qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs attaqués qu'en tant que ceux-ci concernaient les situations internes, à l'exclusion des opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles entraient seules dans le champ de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 qu'il invoquait. Il ne pouvait, par suite, utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles il était recevable à agir, de l'incompatibilité des dispositions de l'article 150-0 B ter du CGI avec les objectifs de cette directive.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2017, n° 414935
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:414935.20171220
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