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20/12/2017 | FRANCE | N°406729

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 20 décembre 2017, 406729


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 janvier et 6 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des agents des douanes-CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 8 et 9 de l'arrêté du 3 novembre 2016 du ministre de l'économie et des finances portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati

ve.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des douanes, notammen...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 janvier et 6 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des agents des douanes-CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 8 et 9 de l'arrêté du 3 novembre 2016 du ministre de l'économie et des finances portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des douanes, notamment son article 47 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 9 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

- la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2006-1410 du 21 novembre 2006 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 1 de l'article 47 du code des douanes : " Les bureaux de douane sont établis et supprimés par des arrêtés du ministre de l'économie et des finances sur la proposition du directeur général des douanes et droits indirects ". Les dispositions attaquées de l'arrêté ministériel du 3 novembre 2016, prises sur le fondement des dispositions précitées, s'inscrivent dans le cadre d'un projet de réorganisation de l'administration des douanes engagé en 2013 et prévoient la suppression des recettes locales des douanes et droits indirects de Gignac et d'Olonzac et le transfert de leur activité, respectivement, aux centres de viticulture et des contributions indirectes de Montpellier et de Béziers.

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité technique des services déconcentrés :

2. Les articles 15 et 16 de la loi du 11 janvier 1984 prévoient, respectivement et dans leur rédaction issue des lois n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 et n° 2010-751 du 5 juillet 2010, que, dans toutes les administrations de l'Etat et dans les établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, les comités techniques " connaissent des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services " et les comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail ont " pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières ". L'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, pris pour l'application de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984, énumère les questions et projets de textes sur lesquels les comités techniques sont obligatoirement consultés, qui incluent ceux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services. En vertu du même article, d'une part, les comités techniques ne sont consultés sur les questions et projets de textes relatifs à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail que lorsqu'aucun comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail n'est placé auprès d'eux, d'autre part, les comités techniques bénéficient du concours du comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, peuvent le saisir de toute question et examinent toute question que lui soumet ce comité. L'article 47 du décret du 28 mai 1982 pris pour l'application de l'article 16 de la loi du 11 janvier 1984, précise, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-774 du 28 juin 2011, que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail exercent leurs missions " sous réserve des compétences des comités techniques ". Le 1° de l'article 57 du même décret prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est notamment consulté " sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une question ou un projet de disposition ne doit être soumis à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet de disposition en cause. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne doit ainsi être saisi que d'une question ou projet de disposition concernant exclusivement la santé, la sécurité ou les conditions de travail. En revanche, lorsqu'une question ou un projet de disposition concerne ces matières et l'une des matières énumérées à l'article 34 du décret du 15 février 2011, seul le comité technique doit être obligatoirement consulté. Ce comité peut, le cas échéant, saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de toute question qu'il juge utile de lui soumettre. En outre, l'administration a toujours la faculté de consulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

4. Dans le cas où, sans y être légalement tenue, elle sollicite l'avis d'un organisme consultatif au sujet, notamment, d'un projet de réorganisation des services, l'administration doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières.

5. Aux termes de l'article 55 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut demander au président de faire appel à un expert agréé conformément aux articles R. 4614-6 et suivants du code du travail : / (...) 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article 57. (...) / La décision de l'administration refusant de faire appel à un expert doit être substantiellement motivée. Cette décision est communiquée au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel. / En cas de désaccord sérieux et persistant entre le comité et l'autorité administrative sur le recours à l'expert agréé, la procédure prévue à l'article 5-5 peut être mise en oeuvre ". L'article 5-5 du même décret dispose que : " (...) en cas de désaccord sérieux et persistant entre l'administration et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le chef de service compétent ainsi que le comité d'hygiène et de sécurité compétent peuvent solliciter l'intervention de l'inspection du travail. Les inspecteurs santé et sécurité au travail, peuvent également solliciter cette intervention. / Dans le cas d'un désaccord sérieux et persistant, l'inspection du travail n'est saisie que si le recours aux inspecteurs santé et sécurité au travail n'a pas permis de lever le désaccord (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a inscrit le projet de fermeture des recettes locales de Gignac et d'Olonzac - qui comportaient respectivement deux agents et un agent - et de transfert des activités concernées, respectivement, aux centres de viticulture et des contributions indirectes de Montpellier et de Béziers à l'ordre du jour de plusieurs réunions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Hérault. Les débats ayant donné lieu à un désaccord sérieux et persistant relatif à l'opportunité de procéder à une expertise en application des dispositions de l'article 55 du décret du 28 mai 1982, la procédure prévue à l'article 5-5 du même décret a été engagée. L'inspection du travail a estimé, par un courrier du 11 avril 2014, que la réorganisation envisagée ne constituait pas un projet important autorisant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à obtenir l'intervention d'un expert agréé. L'administration a alors sollicité l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Hérault le 24 juillet 2014, mais les représentants du personnel ont refusé de prendre part au vote au motif, notamment, qu'un recours hiérarchique devait, au préalable, être exercé contre l'avis susmentionné de l'inspection du travail et que la mise aux voix des mesures de fermeture en litige n'était pas expressément annoncée à l'ordre du jour de la réunion. L'administration a ensuite procédé à la consultation du comité technique des services déconcentrés de la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Montpellier, dont relevaient les recettes locales des douanes et droits indirects d'Olonzac et de Gignac, et considéré l'avis comme ayant été rendu bien que les représentants du personnel n'aient pas pris part au vote au motif que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'avait pas été valablement consulté.

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 55 du décret du 28 mai 1982 précitées qu'un " projet important " s'entend de tout projet qui affecte de manière déterminante les conditions de santé, de sécurité ou de travail d'un nombre significatif d'agents, le critère du nombre de salariés ne déterminant toutefois pas, à lui seul, l'importance du projet. Par suite, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail a estimé, le 11 avril 2014, que le projet de transfert de recettes locales qui lui était soumis et dont la teneur est rappelée au point 6 ne constituait pas un projet important, au sens de ces dispositions. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Hérault, faute d'avoir procédé à l'expertise demandée par les représentants du personnel, ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Les comités techniques émettent leur avis à la majorité des présents. S'il est procédé à un vote, celui-ci a lieu à main levée. Les abstentions sont admises. L'avis est favorable ou défavorable lorsque la majorité des membres présents s'est prononcée en ce sens. A défaut de majorité, l'avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée ". Aux termes de l'article 50 du même décret, les membres du comité technique doivent avoir communication " de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que des documents décrivant les mesures envisagées, la situation sociale, les mesures de ressources humaines et le dispositif financier d'accompagnement social, ainsi que les enjeux correspondants en termes de métiers, d'immobilier, de logistique, d'hygiène et de sécurité, ont été en temps utile mis à la disposition des membres du comité technique des services déconcentrés de la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Montpellier. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Hérault, le comité a bénéficié d'une information proportionnée aux mesures envisagées et suffisante pour lui permettre d'exprimer utilement un avis et sa consultation a été régulière, alors même que les représentants du personnel n'ont pas estimé devoir prendre part au vote et que les dates de fermeture des recettes locales de Gignac et d'Olonzac ne leur auraient pas été précisées.

9. En troisième lieu, le délai de près de deux ans qui s'est écoulé entre la consultation du comité technique des services déconcentrés et l'intervention de l'arrêté attaqué ne justifiait pas, contrairement à ce qui est soutenu, un renouvellement de cette consultation, dès lors que les circonstances de droit au regard desquelles cet arrêté a été pris ne se sont pas modifiées entre temps et que le syndicat requérant n'allègue pas qu'il y aurait eu un changement dans les circonstances de fait.

Sur les autres moyens de la requête :

10. En premier lieu, l'article 24 du code des douanes dispose que : " Des arrêtés du ministre de l'économie et des finances peuvent : / 1° Limiter la compétence de certains bureaux de douane et désigner ceux par lesquels devront s'effectuer obligatoirement certaines opérations douanières (...) " et le 2 de l'article 47 du même code dispose que : " Lorsque le bureau est situé à l'intérieur du rayon des douanes, l'arrêté qui prescrit sa création ou sa suppression doit être affiché, à la diligence du préfet, dans la commune où se trouve le bureau et dans les communes limitrophes ". L'arrêté attaqué prévoit que les activités des recettes locales des douanes et droits indirects de Gignac et d'Olonzac sont transférées, respectivement, aux centres de viticulture et des contributions indirectes de Montpellier et de Béziers. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les dispositions précitées du code des douanes pour ne pas suffisamment préciser la manière dont seront assurées, postérieurement à la suppression des recettes des douanes de Gignac et d'Olonzac, les services que celles-ci assuraient antérieurement. En outre, la seule circonstance que l'activité de la recette locale de Gignac se serait poursuivie au-delà de la date de fermeture prévue par l'arrêté litigieux n'est pas, par elle-même, de nature à affecter sa légalité.

11. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'affirme le syndicat requérant, ni les dispositions du II de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui ouvrent, dans leur rédaction applicable au litige, au représentant de l'Etat dans le département la faculté de mener, à son initiative ou à la demande du président du conseil général, une concertation locale sur tout projet de réorganisation des services publics, ni celles du décret du 21 novembre 2006 pris pour son application, n'imposaient qu'une concertation soit organisée sur le projet de fermeture des recettes locales de Gignac et d'Olonzac. Il en résulte que ces dispositions n'ont ainsi, en l'espèce, pas été méconnues.

12. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée n'aurait été précédée d'aucun dialogue social véritable et violerait ainsi les dispositions de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

13. En quatrième et dernier lieu, si le syndicat requérant soutient que la tendance à la dématérialisation des procédures et à la diminution de l'activité dans la filière viti-vinicole, invoquée par la direction pour justifier la décision de fermer les recettes locales de Gignac et d'Olonzac, serait contredite par les faits, il ressort des pièces du dossier que cette décision n'est pas, à cet égard, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions du Syndicat national des agents des douanes-CGT tendant à l'annulation des dispositions des articles 8 et 9 de l'arrêté attaqué doivent être rejetées.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat national des agents des douanes-CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des agents des douanes, Confédération générale du travail et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406729
Date de la décision : 20/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2017, n° 406729
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406729.20171220
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