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18/12/2017 | FRANCE | N°408713

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 18 décembre 2017, 408713


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, d'annuler la décision par laquelle il a retiré six points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 8 mars 2016 et d'enjoindre au ministre de lui restituer ces points. Par un jugement n° 1603060 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 7 ma

rs 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, d'annuler la décision par laquelle il a retiré six points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 8 mars 2016 et d'enjoindre au ministre de lui restituer ces points. Par un jugement n° 1603060 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 7 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que le tribunal administratif d'Orléans :

- a dénaturé les pièces du dossier en faisant droit à l'argumentation tirée de ce que M. B... avait formé opposition à l'ordonnance pénale du 21 avril 2016 du tribunal de grande instance de Saumur, alors qu'il ressortait des pièces produites que cette opposition était tardive et par suite irrecevable ;

- a commis une erreur de droit en annulant la décision de retrait de points consécutive à l'infraction du 8 mars 2016 sans rechercher si l'intéressé justifiait des suites données à son opposition, alors qu'une telle preuve lui incombait.

Le pourvoi du ministre de l'intérieur a été communiqué à M.B..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison d'une infraction commise le 8 mars 2016, le tribunal de grande instance de Saumur, statuant en matière correctionnelle, a prononcé contre M. B...une amende de 500 euros et la peine complémentaire de la suspension du permis de conduire pour une durée de quatre mois par une ordonnance pénale du 21 avril 2016 ; que, le 22 juillet 2016, le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de six points du permis de conduire de l'intéressé en raison de la même infraction et a constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul ; qu'à l'appui du recours qu'il a présenté contre ces décisions devant le tribunal administratif d'Orléans, M. B... a justifié avoir formé contre l'ordonnance pénale du 21 avril 2016 l'opposition prévue par l'article 495-3 du code de procédure pénale et a soutenu, en conséquence, que cette ordonnance n'était pas devenue définitive et que, par suite, la réalité de l'infraction du 8 mars 2016 ne pouvait pas être regardée comme établie ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire ; qu'en particulier, le 6° de cet article prévoit l'enregistrement dans ce système " de toutes décisions judiciaires à caractère définitif en tant qu'elles portent restriction de validité, suspension, annulation et interdiction de délivrance du permis de conduire, ou qu'elles emportent réduction du nombre de points du permis de conduire ainsi que de l'exécution d'une composition pénale " ; qu'en vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°), devenu l'article L. 225-1 (3°, 4°, 5° et 6°), du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 225-1 de ce code sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 3 que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention d'une condamnation pénale devenue définitive ; que le titulaire d'un permis de conduire n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire, l'inexactitude d'une telle mention en se bornant à justifier qu'il a présenté un recours contre une condamnation à une date postérieure à celle à laquelle, selon le relevé intégral d'information relatif à son permis, elle a acquis un caractère définitif ; que, dans l'hypothèse où la juridiction pénale, statuant sur le recours ainsi introduit, le jugerait recevable et annulerait la condamnation postérieurement au rejet par le juge administratif du recours dirigé contre la décision de retrait de points ou celle constatant la perte de validité du permis, il appartiendrait à l'administration de retirer cette décision ;

5. Considérant, par suite, qu'en retenant que la réalité de l'infraction du 8 mars 2016 ne pouvait être regardée comme établie, au seul motif que M. B...justifiait avoir formé le 15 septembre 2016 contre l'ordonnance pénale du 21 avril 2016 du tribunal de grande instance de Saumur l'opposition prévue par l'article 495-3 du code de procédure pénale, alors que, selon le relevé intégral d'information le concernant, cette ordonnance pénale avait acquis un caractère définitif le 13 juin 2016, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit ; que cette erreur justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de son jugement ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il ressort du relevé intégral d'information de M. B...que l'ordonnance pénale du 21 avril 2016 du tribunal de grande instance de Saumur a acquis un caractère définitif le 13 juin 2016 ; qu'en se bornant à soutenir qu'il a formé le 15 septembre 2016 l'opposition prévue par l'article 495-3 du code de procédure pénale contre cette ordonnance, M. B... n'établit pas que cette mention serait inexacte ; que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 22 juillet 2016 portant retrait de six points de son permis de conduire et constatant la perte de validité de ce titre pour solde de points nul ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui restituer les points en cause ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; que les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif d'Orléans doivent, dès lors, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 5 janvier 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif d'Orléans sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...et par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408713
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LE JUGE JUDICIAIRE - JUGE PÉNAL - RETRAIT DE POINTS OU INVALIDATION D'UN PERMIS DE CONDUIRE LORSQUE LE TITULAIRE A COMMIS UNE INFRACTION - ANNULATION DE LA CONDAMNATION PAR LA JURIDICTION PÉNALE POSTÉRIEUREMENT AU REJET PAR LE JUGE ADMINISTRATIF DU RECOURS CONTRE LA DÉCISION DE RETRAIT DE POINTS OU CELLE CONSTATANT L'INVALIDITÉ DU PERMIS PROUVANT LA RÉALITÉ DE L'INFRACTION - CONSÉQUENCE - RETRAIT DE CETTE DÉCISION PAR L'ADMINISTRATION.

01-04-04-01-01 Retrait de points ou invalidation d'un permis de conduire lorsque le titulaire a commis une infraction.... ,,Dans l'hypothèse où la juridiction pénale annule la condamnation postérieurement au rejet par le juge administratif du recours dirigé contre la décision de retrait de points ou celle constatant la perte de validité du permis, il appartient à l'administration de retirer cette décision.

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - RETRAIT DE POINTS OU INVALIDATION DU PERMIS DE CONDUIRE - 1) A) PREUVE DE LA RÉALITÉ DE L'INFRACTION - MENTION D'UNE CONDAMNATION PÉNALE DEVENUE DÉFINITIVE DANS LE SYSTÈME NATIONAL DES PERMIS DE CONDUIRE [RJ1] - B) POSSIBILITÉ POUR L'AUTEUR DE L'INFRACTION DE CONTESTER L'EXACTITUDE DE CETTE MENTION - EXISTENCE - PREUVE - 2) ANNULATION DE LA CONDAMNATION PAR LA JURIDICTION PÉNALE POSTÉRIEUREMENT AU REJET PAR LE JUGE ADMINISTRATIF DU RECOURS CONTRE LA DÉCISION DE RETRAIT DE POINTS OU CELLE CONSTATANT L'INVALIDITÉ DU PERMIS - CONSÉQUENCE - RETRAIT DE CETTE DÉCISION PAR L'ADMINISTRATION.

49-04-01-04-025 1) a) Il résulte de l'article L. 225-1 du code de la route et de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°), devenu l'article L. 221-1 (3°, 4°, 5° et 6°) du code de la route, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention d'une condamnation pénale devenue définitive.... ,,b) Le titulaire d'un permis de conduire n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire, l'inexactitude d'une telle mention en se bornant à justifier qu'il a présenté un recours contre une condamnation à une date postérieure à celle à laquelle, selon le relevé intégral d'information relatif à son permis, elle a acquis un caractère définitif.... ,,2) Dans l'hypothèse où la juridiction pénale, statuant sur le recours ainsi introduit, le jugerait recevable et annulerait la condamnation postérieurement au rejet par le juge administratif du recours dirigé contre la décision de retrait de points ou celle constatant la perte de validité du permis, il appartiendrait à l'administration de retirer cette décision.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, CE, 24 juillet 2009,,, n° 312215, T. p. 866.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 408713
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408713.20171218
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