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08/12/2017 | FRANCE | N°399757

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 08 décembre 2017, 399757


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 12 mai, 26 mai et 9 juin 2016 et les 1er juin, 23 juin et 18 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société de participations financière (SOPARFI) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes nos 1 et 70 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 4 mai 2016 sous la référence BOI-IS-AUT-30, relatifs à la contribution prévue à l'a

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2°) de mettre à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 12 mai, 26 mai et 9 juin 2016 et les 1er juin, 23 juin et 18 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société de participations financière (SOPARFI) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes nos 1 et 70 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 4 mai 2016 sous la référence BOI-IS-AUT-30, relatifs à la contribution prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 62 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 ;

- les décisions n° 399757 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 27 juin 2016 et du 7 juillet 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société SOPARFI demande l'annulation des paragraphes 1 et 70 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 4 mai 2016 sous la référence BOI-IS-AUT-30, relatifs à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts.

2. A l'appui de sa requête, la société SOPARFI soutient, dans un mémoire distinct enregistré le 18 octobre 2017, que le premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA, dans sa rédaction initiale issue de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques découlant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

3. Par l'article 1er de sa décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, selon lesquelles : " Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France, à l'exclusion des organismes de placement collectif mentionnés au II de l'article L. 214-1 du code monétaire et financier ainsi que de ceux qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code ". Il résulte de l'article 2 du dispositif de cette décision, par renvoi au paragraphe 11 de ses motifs, que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de sa publication et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. D'une part, la société SOPARFI demande l'annulation des commentaires administratifs publiés le 4 mai 2016 sous la référence BOI-IS-AUT-30, qui sont relatifs au premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. La version de cet alinéa dont la société SOPARFI conteste la constitutionnalité dans la question prioritaire qu'elle a introduite le 18 octobre 2017 n'est donc pas applicable au présent litige. Cette circonstance fait obstacle à ce que la question soit transmise au Conseil constitutionnel.

6. D'autre part, aux termes de l'article 62 de la Constitution : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application. / Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. / Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ". Eu égard à l'autorité qui s'attache, en vertu de ces dispositions, à la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017, la déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, doit être regardée comme s'appliquant également aux dispositions identiques, dans leur substance et dans leur rédaction, qui figuraient dans les versions successives antérieures de cet alinéa, depuis sa création par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Ce motif fait également obstacle à ce que la question soit transmise au Conseil constitutionnel.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par la société SOPARFI.

Sur la requête :

8. En premier lieu, en vertu du II de l'article 6 de la loi du 16 août 2012, la contribution prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts s'applique " aux montants distribués dont la mise en paiement est intervenue à compter de la date de publication de la présente loi ", soit à compter du 17 août 2012.

9. A l'appui de la contestation de la troisième phrase du paragraphe 1 et du treizième alinéa du paragraphe 70 des commentaires administratifs litigieux, la société SOPARFI soulève un moyen tiré de ce que, en soumettant à la contribution des distributions issues de bénéfices mis en réserve antérieurement au 17 août 2012 et qui ont déjà fait l'objet d'une imposition à l'impôt sur les sociétés, les dispositions législatives citées ci-dessus au point 8 remettent en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de l'imposition à l'impôt sur les sociétés et méconnaissent par suite la garantie des droits découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Une telle contestation ne peut être soulevée que par une question prioritaire de constitutionnalité. Au demeurant, la société SOPARFI a soulevé, le 13 mai 2016, une telle question et, par une décision n° 399757 du 27 juin 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé qu'il n'y avait pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Le moyen soulevé par la société ne peut donc qu'être écarté.

10. Il y a lieu, de même, d'écarter le moyen tiré de ce que les paragraphes 1 et 70 (treizième alinéa) des commentaires administratifs attaqués, en tant qu'ils réitèrent les dispositions citées au point 8, méconnaîtraient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En second lieu, la société SOPARFI est fondée à demander l'annulation des énonciations des paragraphes attaqués qui réitèrent les dispositions du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans leur version issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, ou qui en précisent la portée. Il y a lieu par suite d'annuler la première phrase du paragraphe 1 et le paragraphe 70, à l'exception de son treizième alinéa, des commentaires administratifs attaqués. En revanche, il n'y a pas lieu d'annuler la deuxième phrase du paragraphe 1, qui réitère les dispositions prévues au deuxième alinéa du I de l'article 235 ter ZCA, selon lesquelles le taux de la contribution est de 3 %.

12. Il résulte de ce qui précède que la société SOPARFI est seulement fondée à demander l'annulation de la première phrase du paragraphe 1 et du paragraphe 70, à l'exception de son treizième alinéa, des commentaires administratifs qu'elle attaque.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par la société SOPARFI au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SOPARFI.

Article 2 : La première phrase du paragraphe 1 et le paragraphe 70, à l'exception de son treizième alinéa, des commentaires administratifs publiés le 4 mai 2016 sous la référence BOI-IS-AUT-30, sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à la société SOPARFI la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société SOPARFI est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société de participations financière et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399757
Date de la décision : 08/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2017, n° 399757
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399757.20171208
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