Vu la procédure suivante :
M. B...A..., à l'appui de sa demande tendant à obtenir une pension en application de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963, a produit un mémoire, enregistré le 6 avril 2016 au greffe du tribunal des pensions de Bordeaux, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par un jugement n° 15/00006-16/00001 du 28 juin 2017, enregistré le 19 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal des pensions de Bordeaux, avant qu'il soit statué sur la demande de M.A..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963.
La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963, notamment son article 13 ;
- la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 ;
- la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 novembre 2017, présentée par la ministre des armées.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, dans sa version applicable à la date de la demande de M. A..., issue de l'article 12 de la loi du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des français ayant résidé en Algérie : " Sous réserve de la subrogation de l'Etat dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française à la même date, droit à pension. (...) / Des règlements d'administration publique (...) fixeront (...) les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice des dispositions du présent article ". Dans sa décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots " à la date de la promulgation de la présente loi " et les mots " à la même date ". La déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la date de la publication de la décision et peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.
3. M.A..., qui est de nationalité algérienne, soutient, à l'appui de sa demande tendant à obtenir une pension sur le fondement des dispositions précitées, qu'en instituant une différence de traitement en fonction de la nationalité, celles-ci méconnaissent le principe d'égalité devant la loi qui résulte de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'aucune raison d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi ne permet de justifier cette différence.
4. Les dispositions précitées sont applicables au litige dont est saisi le tribunal des pensions de Bordeaux en tant qu'elles réservent le bénéfice de la pension qu'elles créent aux personnes de nationalité française et à certaines personnes de nationalité étrangère seulement. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au principe d'égalité devant la loi soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 13 de loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 modifiée en tant qu'elles réservent le bénéfice de la pension qu'elles créent aux personnes de nationalité française et à certaines personnes de nationalité étrangère seulement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Premier ministre et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée au tribunal des pensions de Bordeaux.