Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le président du conseil général du Rhône a confirmé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 14 542,95 euros pour la période de septembre 2010 à juillet 2013 et a rejeté sa demande de remise gracieuse et, d'autre part, de le décharger du paiement de la somme correspondante. Par un jugement n° 1407997 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge du département du Rhône la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de sécurité sociale ;
- l'arrêté du 30 juillet 2004 fixant les conditions d'agrément des agents des organismes de sécurité sociale chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.B..., et à Me Le Prado, avocat de la métropole de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) " Selon le premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire ". Les conditions d'agrément des agents des caisses d'allocations familiales exerçant une mission de contrôle sont définies par un arrêté du ministre de la santé et de la protection sociale et du ministre de la famille et de l'enfance du 30 juillet 2004, qui renvoie aux dispositions de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les conditions d'assermentation.
2. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que tant l'absence d'agrément que l'absence d'assermentation des agents de droit privé désignés par les caisses d'allocations familiales pour conduire des contrôles auprès des bénéficiaires du revenu de solidarité active sont de nature à affecter la validité des constatations des procès-verbaux qu'ils établissent à l'issue de ces contrôles et à faire ainsi obstacle à ce qu'elles constituent le fondement d'une décision déterminant pour l'avenir les droits de la personne contrôlée ou remettant en cause des paiements déjà effectués à son profit en ordonnant la récupération d'un indu. En outre, la valeur probante attachée par les dispositions précitées de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale aux procès-verbaux dressés par ces agents ne saurait s'étendre aux mentions qu'ils comportent quant à l'agrément et à l'assermentation de leur auteur.
3. Par suite, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision qui, à la suite d'un contrôle de l'organisme chargé du versement du revenu de solidarité active, a pour objet soit de mettre fin au droit de l'allocataire soit d'ordonner la récupération d'un indu de prestation et que le requérant soulève un moyen tiré du défaut d'agrément ou d'assermentation de l'agent chargé du contrôle, le juge ne saurait se fonder sur les seules mentions du procès-verbal relatives à la qualité de son signataire pour écarter cette contestation. Dans un tel cas, l'administration étant seule en mesure d'établir l'agrément et l'assermentation des agents qu'elle désigne pour effectuer les contrôles, il appartient au juge, si cette qualité ne ressort pas des éléments produits en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.
4. Le tribunal administratif de Lyon, saisi d'une contestation de la qualité de l'agent de la caisse d'allocations familiales du Rhône qui a procédé en juillet 2013 au contrôle de la situation de M.B..., bénéficiaire depuis octobre 2009 du revenu de solidarité active, s'est fondé, pour écarter ce moyen, sur ce que la mention par l'auteur du rapport de contrôle de sa qualité de contrôleur assermenté faisait foi jusqu'à preuve du contraire. Si le tribunal pouvait, en l'absence de toute contestation par M. B...des énonciations de l'attestation du responsable du département " contrôle et contentieux " de la caisse d'allocations familiales du Rhône certifiant que le contrôleur signataire du procès-verbal en cause était assermenté par le tribunal d'instance de Lyon depuis le 21 janvier 1998, écarter sans erreur de droit, ainsi qu'il l'a fait à titre surabondant, les simples allégations contraires du requérant et juger que l'assermentation de l'agent était établie, il lui appartenait en revanche, s'agissant de son agrément également contesté par le requérant et en l'absence de tout élément produit en défense sur ce point, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction en invitant l'administration à compléter ses production.
5. M. B...est, en conséquence, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à soutenir que le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole de Lyon, qui vient aux droits du département du Rhône, une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 février 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : La métropole de Lyon versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la métropole de Lyon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la métropole de Lyon.
Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales du Rhône et au département du Rhône.