Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n°391640, la société anonyme Etablissements Bargibant a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser une indemnité de 20 000 000 de francs CFP au titre du préjudice subi du fait de l'illégalité du refus opposé par le directeur régional des douanes et droits indirects de la Nouvelle-Calédonie à sa demande d'importation de 12 000 tonnes de viande, ainsi qu'une indemnité de 3 780 000 de francs CFP au titre du préjudice découlant de la différence de prix de revient entre son estimation et celle de l'Office de commercialisation et d'entreposage frigorifique (OCEF). Par un jugement n° 10393 du 13 juillet 2011, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande que lui avait présentée la société Etablissements Bargibant.
Par un arrêt n° 11PA03786 du 9 avril 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Etablissements Bargibant contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2015, 9 octobre 2015 et 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Etablissements Bargibant demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt n° 11PA03786 du 9 avril 2015 de la cour administrative d'appel de Paris ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n°391641, la société anonyme Etablissements Bargibant a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser des indemnités de 50 000 000 et 43 460 000 francs CFP en réparation des préjudices subis du fait de l'impossibilité de procéder à des importations de stocks de viande sur ce territoire pour la période du 25 février au 6 octobre 2009. Par un jugement portant sur les requêtes n° 09286 et 09385 du 29 mars 2010, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, faisant partiellement droit à la demande de la société Etablissements Bargibant, a condamné la Nouvelle-Calédonie à verser à cette dernière une indemnité de 20 000 000 de francs CPF et rejeté le surplus des conclusions présentées devant lui.
Par un arrêt n° 10PA03821 du 9 avril 2015, la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a annulé ce jugement du 29 mars 2010 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, a rejeté l'appel incident formé par la société Etablissements Bargibant contre ce jugement et rejeté les demandes présentées en première instance par cette société.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2015, 9 octobre 2015 et 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Etablissements Bargibant demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt n° 10PA03821 du 9 avril 2015 de la cour administrative d'appel de Paris ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la décision n° 2012-258 QPC du 22 juin 2012 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Etablissements Bargibant et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Par un jugement du 29 mars 2010, devenu définitif, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 16 novembre 2009 par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait refusé d'accorder à la société requérante l'autorisation d'importer de Nouvelle-Zélande 100 tonnes de viande d'agneau congelée. Par un jugement du 17 février 2011, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 21 septembre 2010 par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait refusé à la société requérante l'autorisation d'importer de Nouvelle-Zélande 12 tonnes de viande bovine congelée. A la suite de ces jugements, la société requérante a obtenu les licences d'importation qu'elle avait sollicitées le 26 février 2009 et, en mai 2011, la licence d'importation qu'elle avait sollicitée le 23 juillet 2010. Elle a demandé au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'indemnisation des préjudices subis du fait des deux refus illégaux. Elle se pourvoit en cassation contre les arrêts n°10PA03821 et n°11PA03786 du 9 avril 2015 par lesquels la cour administrative de Paris a rejeté ses conclusions d'appel dirigés contre les jugements du 29 mars 2010 et du 13 juillet 2011 par lesquels le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes d'indemnisation.
3. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués que la cour administrative d'appel a jugé que la société requérante n'était pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de l'illégalité de chacune des décisions de refus opposés à ses demandes d'autorisation d'importation dès lors, d'une part, qu'elle avait fini par obtenir ces autorisations et les avait mises en oeuvre et, d'autre part, qu'elle n'avait pas apporté la preuve que ces décisions de refus avaient porté atteinte à sa réputation ou étaient à l'origine d'un préjudice distinct dans la mesure notamment où elle n'avait plus vocation à réaliser à l'avenir d'autres importations de même nature en raison de l'intervention de la loi du pays n°2011-6 du 17 octobre 2011 et de la décision du Conseil constitutionnel n°2012-258 QPC du 22 juin 2012 par laquelle celui-ci l'a jugée conforme à la Constitution. En statuant ainsi, sans rechercher, comme la société requérante l'alléguait, si cette dernière avait subi un préjudice spécifique du fait du retard pris pour réaliser ces importations, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, la société requérante est fondée à demander l'annulation des arrêts du 9 avril 2015.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme globale de 5 000 euros à verser à la société Etablissements Bargibant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Etablissements Bargibant qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les arrêts n°10PA03821 et n°11PA03786 de la cour administrative d'appel de Paris du 9 avril 2015 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera une somme globale de 5 000 euros à la société anonyme Etablissements Bargibant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme des Etablissements Bargibant et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.