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08/11/2017 | FRANCE | N°410805

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 08 novembre 2017, 410805


Par un jugement n° 1600351 du 18 mai 2017, enregistré le 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la demande de la commune de Païta tendant à l'annulation de la délibération de l'assemblée de la province Sud n° 27/2016/APS du 22 juillet 2016 relative au régime général d'aménagement et d'urbanisme et au plan d'urbanisme directeur en province Sud, et à celles des dispositions annexées constituant le Titre I de la Partie II du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, a transmis, en appl

ication des dispositions de l'article 205 de la loi organique du...

Par un jugement n° 1600351 du 18 mai 2017, enregistré le 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la demande de la commune de Païta tendant à l'annulation de la délibération de l'assemblée de la province Sud n° 27/2016/APS du 22 juillet 2016 relative au régime général d'aménagement et d'urbanisme et au plan d'urbanisme directeur en province Sud, et à celles des dispositions annexées constituant le Titre I de la Partie II du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, a transmis, en application des dispositions de l'article 205 de la loi organique du 19 mars 1999, le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir quelle est l'autorité compétente, de la Nouvelle-Calédonie ou de la province, pour imposer lorsqu'il est sursis à statuer, en application de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution d'un plan d'urbanisme directeur dont la décision d'élaboration a été publiée, que la décision de sursis mentionne la durée du sursis ainsi que le délai dans lequel le pétitionnaire peut confirmer sa demande d'autorisation d'occupation du sol, à peine d'inopposabilité de ce dernier.

Des observations, enregistrées le 16 octobre 2017, ont été présentées par la province Sud de Nouvelle-Calédonie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

- La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la commune de Paita ;

Rend l'avis suivant :

1. Aux termes de l'article 204 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " I. Les actes (...) de l'assemblée de province, de son bureau et de son président mentionnés au II sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu'à leur transmission au haut-commissaire ou à son représentant dans la province, (...) par le président de l'assemblée de province. (...) / II. Sont soumis aux dispositions du I les actes suivants : (...) / D. Pour les assemblées de province : (...) / 1° Leurs délibérations ou les décisions prises par délégation de l'assemblée en application de l'article 168 ; (...) ". Aux termes de l'article 205 de la même loi : " Lorsque le tribunal administratif est saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes mentionnés aux (...) 1° à 3° du D du II de l'article 204 et que ce recours est fondé sur un moyen sérieux invoquant l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes ou que ce moyen est soulevé d'office, il transmet le dossier sans délai pour avis au Conseil d'Etat, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours. Le Conseil d'Etat examine la question soulevée dans un délai de trois mois et il est sursis à toute décision sur le fond jusqu'à son avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'avis au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie ou de l'expiration du délai imparti au Conseil d'Etat ".

2. En application de ces dispositions, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a sursis à toute décision au fond sur la demande de la commune de Païta tendant à l'annulation de la délibération de l'assemblée de la province Sud n° 27/2016/APS du 22 juillet 2016 relative au régime général d'aménagement et d'urbanisme et au plan d'urbanisme directeur en province Sud, ainsi qu'à celles des dispositions annexées constituant le Titre I de la Partie II du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie et a transmis le dossier au Conseil d'Etat en lui posant la question de la légalité de cette délibération au regard de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et la province pour imposer, lorsqu'il est sursis à statuer, en application de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution d'un plan d'urbanisme directeur dont la décision d'élaboration a été publiée, que la décision de sursis mentionne la durée du sursis ainsi que le délai dans lequel le pétitionnaire peut confirmer sa demande d'autorisation d'occupation du sol, à peine d'inopposabilité de ce délai.

3. Aux termes de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, issu de la " loi du pays " n° 2015-1 du 13 février 2015 : " A compter de la publication de la décision d'élaborer un plan d'urbanisme directeur, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan./Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans./ Lorsqu'une décision de sursis a été prise, l'autorité compétente ne peut, à l'expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d'autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial./ Si des motifs différents rendent possible l'intervention d'une décision de sursis à statuer par application d'une disposition autre que celle qui a servi de fondement au sursis initial, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans./ A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l'intéressé de sa demande, être prise par l'autorité compétente chargée de la délivrance de l'autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis à statuer./ Une décision définitive doit alors être prise par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l'autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée ". La délibération de l'assemblée de la province Sud dont il est demandé au Conseil d'Etat d'apprécier si elle relève des compétences de la province ou de celles de la Nouvelle-Calédonie crée, dans le même code, un article PS. 112-14 qui prévoit que : " En cas de sursis à statuer sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan, la décision indique la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur pourra, en application du cinquième alinéa de l'article R. 112-2, confirmer sa demande./ En l'absence d'une telle indication, aucun délai n'est opposable au demandeur ".

4. La commune de Païta soutient devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie que cette délibération méconnaît la compétence de la Nouvelle-Calédonie pour adopter les principes directeurs du droit de l'urbanisme.

5. Aux termes de l'article 20 de la loi organique du 19 mars 1999 : " Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ". Aux termes de l'article 22 de la même loi : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) / 21° Principes directeurs du droit de l'urbanisme ; (...) ". Ces principes directeurs doivent s'entendre non comme correspondant aux principes fondamentaux dont la détermination est réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution, ni aux normes adoptées en métropole par le législateur, mais comme les principes relatifs à l'urbanisme et concernant, sur le fond et quant à la procédure, l'encadrement des atteintes au droit de propriété, la détermination des compétences et la garantie de la cohésion territoriale. Constituent donc des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens de ces dispositions, les règles générales relatives à l'utilisation du sol, aux documents d'urbanisme, aux procédures d'aménagement et au droit de préemption, ainsi que celles relatives à la détermination des autorités compétentes pour élaborer et approuver les documents d'urbanisme, conduire les procédures d'aménagement, délivrer les autorisations d'urbanisme et exercer le droit de préemption. Font également partie de ces principes directeurs les règles générales régissant l'exercice de ces compétences.

6. L'institution par la délibération litigieuse d'une obligation de mentionner dans la décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur d'une autorisation concernant des constructions, installations ou opérations peut, en application du cinquième alinéa de cet article, confirmer sa demande, lequel est fixé par l'article R. 112-2 précité, ne relève pas des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens du 21° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999. En revanche, doivent être regardées comme fixant un principe directeur du droit de l'urbanisme échappant à la compétence de la province Sud les dispositions qui subordonnent l'opposabilité du délai conféré au demandeur pour confirmer sa demande à la mention de la durée du sursis et de ce délai dans la décision par laquelle l'autorité compétente décide de surseoir à statuer.

7. Aussi la province Sud n'était-elle compétente pour prendre la délibération litigieuse que dans la mesure exposée au point 6.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, à la commune de Païta, à la province Sud de Nouvelle-Calédonie, à la Nouvelle-Calédonie, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et au ministre des outre-mer.

Il sera publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410805
Date de la décision : 08/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

46-01-02-01 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE. STATUTS. NOUVELLE-CALÉDONIE. - LOI ORGANIQUE DU 19 MARS 1999 - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LES PROVINCES - COMPÉTENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE POUR DÉFINIR LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DROIT DE L'URBANISME (ART. 22, 21°) - 1) NOTION DE PRINCIPES DIRECTEURS [RJ1] - 2) RÈGLES EN MATIÈRE DE SURSIS À STATUER SUR UNE DEMANDE D'AUTORISATION D'URBANISME - A) MENTIONS QUE DOIT COMPORTER LA DÉCISION EN VERTU DU CODE L'URBANISME DE NOUVELLE-CALÉDONIE - PRINCIPES DIRECTEURS - EXCLUSION - B) EFFET ATTACHÉ À L'ABSENCE DE CES MENTIONS - PRINCIPES DIRECTEURS - INCLUSION.

46-01-02-01 1) Aux termes de l'article 20 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 : Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie. Aux termes de l'article 22 de la même loi : La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (…) / 21° Principes directeurs du droit de l'urbanisme ; (…). Ces principes directeurs doivent s'entendre non comme correspondant aux principes fondamentaux dont la détermination est réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution, ni aux normes adoptées en métropole par le législateur, mais comme les principes relatifs à l'urbanisme et concernant, sur le fond et quant à la procédure, l'encadrement des atteintes au droit de propriété, la détermination des compétences et la garantie de la cohésion territoriale. Constituent donc des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens de ces dispositions, les règles générales relatives à l'utilisation du sol, aux documents d'urbanisme, aux procédures d'aménagement et au droit de préemption, ainsi que celles relatives à la détermination des autorités compétentes pour élaborer et approuver les documents d'urbanisme, conduire les procédures d'aménagement, délivrer les autorisations d'urbanisme et exercer le droit de préemption. Font également partie de ces principes directeurs les règles générales régissant l'exercice de ces compétences.,,,2) a) L'institution d'une obligation de mentionner dans la décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur d'une autorisation concernant des constructions, installations ou opérations peut, en application du cinquième alinéa de cet article, confirmer sa demande, lequel est fixé par l'article R. 112-2 précité, ne relève pas des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens du 21° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999.... ,,b) En revanche, doivent être regardées comme fixant un principe directeur du droit de l'urbanisme échappant à la compétence de la province les dispositions qui subordonnent l'opposabilité du délai conféré au demandeur pour confirmer sa demande à la mention de la durée du sursis et de ce délai dans la décision par laquelle l'autorité compétente décide de surseoir à statuer.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 27 juillet 2012,,, n° 357824, T. p. 874.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2017, n° 410805
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:410805.20171108
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