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08/11/2017 | FRANCE | N°397560

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 08 novembre 2017, 397560


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Centre chirurgical des Princes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 130 des commentaires administratifs publiés le 4 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10, les paragraphes 40 à 48 des commentaires administratifs publiés le 5 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques -

Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 et le paragraphe 100 des ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Centre chirurgical des Princes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 130 des commentaires administratifs publiés le 4 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10, les paragraphes 40 à 48 des commentaires administratifs publiés le 5 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 et le paragraphe 100 des commentaires administratifs publiés le 4 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-20, en ce que ces commentaires indiquent que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie bénéficient de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

2°) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du paragraphe n° 7 du préambule de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et des paragraphes 1, sous b) et c) de l'article 132 de cette directive ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- la directive 2011/24/UE du 9 mars 2011 ;

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2014-1525 du 17 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

2. La société Centre chirurgical des Princes demande l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe 130 des commentaires administratifs publiés le 4 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10, des paragraphes 40 à 48 des commentaires administratifs publiés le 5 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 et du paragraphe 100 des commentaires administratifs publiés le 4 février 2015 au Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-20, en ce que ces commentaires indiquent, directement ou par renvoi les uns aux autres, qu'en application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, " les seuls actes qui bénéficient de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sont ceux qui sont pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie, c'est-à-dire notamment les actes de chirurgie réparatrice et certains actes de chirurgie esthétique justifiés par un risque pour la santé du patient ou liés à la reconnaissance d'un grave préjudice psychologique ou social ".

3. En premier lieu, il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point 1, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va nécessairement de même des actes médicaux, tels que l'anesthésie, matériellement et économiquement indissociables de la prestation de soins médicaux principale exonérée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

4. En vertu, d'autre part, des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

5. Il en résulte qu'en subordonnant le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique à la condition qu'ils soient pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie et en précisant que l'ensemble des prestations nécessaires à la réalisation de cet acte figurant sur le devis remis au patient obéissent aux mêmes règles d'assujettissement ou d'exonération que l'acte principal, les commentaires attaqués explicitent, sans les méconnaître, pour les actes de chirurgie et de médecine esthétique, la portée des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, lesquelles sont compatibles avec les objectifs de la directive telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne et ne portent pas atteinte au principe de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, ils ne sont entachés d'aucune incompétence.

6. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu'en ce qu'ils subordonneraient l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique à leur remboursement effectif, en tout ou partie, par les régimes français de sécurité sociale, les commentaires attaqués donneraient de la loi une interprétation ayant pour conséquence d'exclure du bénéfice de l'exonération les patients non couverts par ces régimes, et en particulier les personnes de nationalité étrangère ou résidant hors de France, en méconnaissance des principes généraux du droit communautaires de non-discrimination et d'égalité de traitement, réaffirmés à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de la liberté de prestation de services. Il ressort toutefois des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et que les commentaires se bornent à expliciter sans s'en écarter, que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique est subordonnée non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Il en résulte que les moyens ne peuvent qu'être écartés.

7. En troisième lieu, si la société requérante soutient que les commentaires attaqués méconnaitraient, d'une part, la définition de l'acte de soins telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la mise en oeuvre du droit à réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices du patient et de ses ayants droit en cas d'accident médical directement imputable à un tel acte, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement médical n'est pas engagée ainsi que, d'autre part, la définition d'un tel acte donnée par le décret du 17 décembre 2014 relatif à la reconnaissance des prescriptions de dispositifs médicaux établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne, pris pour la transposition la directive 2011/24/UE du 9 mars 2011, ces moyens, qui procèdent de l'invocation de législations distinctes de celle relative à la taxe sur la valeur ajoutée, sont sans incidence sur la légalité des commentaires attaqués. Ils ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

8. En quatrième lieu, si la société requérante soutient que l'interprétation donnée par les commentaires attaqués des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts méconnaîtrait les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2 du Protocole n° 4 annexé à cette convention, qui garantit à quiconque se trouvant régulièrement sur le territoire d'un Etat le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence, les restrictions alléguées au droit à exonération de taxe sur la valeur ajoutée des prestations de médecine et de chirurgie esthétique effectuées en France ne sont pas de celles qui sont visées par les dispositions de l'article 2 du Protocole n° 4. Le moyen doit donc être écarté.

9. Enfin, si la société requérante soutient que les commentaires attaqués méconnaissent les principes d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, ceux-ci se bornent, ainsi qu'il a été dit, à expliciter sans les méconnaître les dispositions législatives du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Le moyen de la société doit ainsi être regardé comme dirigé contre ces dispositions elles-mêmes. En dehors des cas et conditions dans lesquels il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité à la Constitution de dispositions législatives. Par suite, le moyen soulevé par la société ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des commentaires administratifs attaqués.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Centre chirurgical des Princes est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Centre chirurgical des Princes et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 397560
Date de la décision : 08/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2017, n° 397560
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397560.20171108
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