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25/10/2017 | FRANCE | N°397231

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 25 octobre 2017, 397231


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 397231, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 février, 29 août et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. F...A...demande au Conseil d'État :

1°) de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si l'article 5 de la directive n° 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualificat

ion a été acquise, peut, sans qu'il en résulte une méconnaissance du traité sur le...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 397231, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 février, 29 août et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. F...A...demande au Conseil d'État :

1°) de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si l'article 5 de la directive n° 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, peut, sans qu'il en résulte une méconnaissance du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, être interprété comme permettant de réserver aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation la possibilité de prendre la parole devant le Conseil d'Etat ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation des articles R. 432-1, R. 613-5 et R. 733-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'abrogation de ces articles.

2° Sous le n° 413979, par une requête, enregistrée le 4 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. F...A...demande au Conseil d'État de faire droit à sa demande de récusation des membres de la 4ème chambre de la section du contentieux devant laquelle l'instance n° 397231 le concernant est instruite, au profit d'une chambre où ne siège aucun des membres ayant délibéré sur la décision n° 397231 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 28 septembre 2016.

Par un mémoire distinct, enregistré le 3 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. A...demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 721-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 56 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance royale du 10 septembre 1817 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision n° 397231 du 28 septembre 2016 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

Sur la requête enregistrée sous le n° 413979 :

1. Considérant que la présente décision a été portée devant une chambre dans laquelle ne siège aucun des membres du Conseil d'Etat ayant délibéré sur la décision n° 397231 du 28 septembre 2016 ; que, par suite, la requête de M. A...tendant à la récusation des membres de la formation de jugement ayant délibéré sur cette décision est devenue sans objet ;

2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée sous le n° 413979 ;

Sur la requête enregistrée sous le n° 397231 :

3. Considérant que l'ordre des avocats au barreau de Marseille, ainsi que, en leur qualité d'avocats à la cour, M. E...et M.D..., justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;

4 Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'État (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-5 du même code : " Devant le Conseil d'Etat, l'instruction est close soit après que les avocats au Conseil d'Etat ont formulé leurs observations orales, soit, en l'absence d'avocat, après appel de l'affaire à l'audience " ; qu'enfin, selon l'article R. 733-1 de ce code : " Après le rapport, les avocats au Conseil d'Etat représentant les parties peuvent présenter leurs observations orales. Le rapporteur public prononce ensuite ses conclusions. / Les avocats au Conseil d'Etat représentant les parties peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public " ; que M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du 23 février 2016 par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger ces dispositions ;

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation " ; que le premier alinéa de l'article 5 de la même loi dispose : " Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l'article 4 " ; que ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, ont pour effet de réserver aux seuls avocats de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation la représentation des parties devant le Conseil d'Etat lorsque le ministère d'avocat est rendu obligatoire par les règles de procédure applicables, ainsi que la faculté de plaider à l'audience devant le Conseil d'Etat ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 721-1 du code de justice administrative portent sur la procédure de demande de récusation ; que le litige soulevé par M. A... sous le n° 397231 a trait aux règles réservant la représentation des parties et la prise de parole devant le Conseil d'Etat aux seuls avocats de l'ordre des avocats aux Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; que la disposition contestée au regard de la Constitution n'est, par conséquent, pas applicable au présent litige ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 721-1 du code de justice administrative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions dont M. A...demande l'abrogation se bornent à faire application des dispositions législatives citées ci-dessus ; que, par suite, il ne peut utilement soutenir qu'en réservant la représentation des parties et la prise de parole devant le Conseil d'Etat aux seuls avocats de l'ordre des avocats aux Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, elles seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ou méconnaîtraient le principe d'égalité ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions législatives de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit sous la dénomination d'ordre des avocats aux conseils du Roi et à la cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la cour de cassation, fixe irrévocablement le nombre des titulaires et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'ordre, sont relatives à l'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, aux conditions générales de son exercice et aux règles de fonctionnement de l'ordre ; qu'elles ne constituent pas la base légale des dispositions dont le requérant a demandé l'abrogation et que ces dernières n'ont pas été prises pour leur application ; que, par suite, les moyens tirés de ce qu'elles méconnaîtraient les principes de libre concurrence, de liberté d'établissement et de libre prestation de service résultant du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne sont inopérants ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions citées ci-dessus des articles 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre les conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, sont indistinctement applicables à tous les avocats quel que soit leur lieu d'exercice ou leur nationalité et poursuivent un objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice ; qu'elles ne sont ainsi, contrairement à ce que soutient M. A...et sans qu'il soit besoin de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle qu'il soulève, contraires ni aux stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatives à la liberté d'établissement, ni à celles de l'article 56 du même traité, relatives à la libre prestation de services ; qu'au demeurant, aux termes de l'article 5 de la directive n° 98/5 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 : " (...) dans le but d'assurer le bon fonctionnement de la justice, les États membres peuvent établir des règles spécifiques d'accès aux cours suprêmes, telles que le recours à des avocats spécialisés " ;

11. Considérant, enfin, qu'eu égard à la possibilité offerte à toutes les parties de recourir, pour être représentées devant le Conseil d'Etat, à l'office d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, en bénéficiant le cas échéant de l'aide juridictionnelle prévue par l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991, ni les dispositions dont M. A...demande l'abrogation, ni celles, citées ci-dessus, des articles 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne sauraient être regardées comme susceptibles de porter atteinte au droit à un recours effectif, aux droits de la défense, ou au caractère équitable du procès ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, de l'article 13 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 413979.

Article 2 : Les interventions de M.E..., de M. D...et de l'ordre des avocats au barreau de Marseille sont admises.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...sous le n° 397231.

Article 4 : La requête n° 397231 de M. A...est rejetée.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. F...A..., au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice, à M. C...E..., à l'ordre des avocats au barreau de Marseille et à M. B...D....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 397231
Date de la décision : 25/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2017, n° 397231
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure DURAND-VIEL
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397231.20171025
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