Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature émettant un avis défavorable sur sa candidature à un recrutement direct dans la magistrature en qualité d'auditeur de justice ;
2°) d'enjoindre à la commission de réexaminer sa candidature en qualité d'auditeur de justice, en rendant un avis motivé sur celle-ci dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 70 000 euros, 40 000 euros et 5 000 euros au titre des préjudices économique, de perte de chance et moral ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n° 378158 du 24 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B...a présenté sa candidature à une nomination directe en qualité d'auditeur de justice au titre du deuxième alinéa de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; que la commission d'avancement instituée par l'article 34 de cette ordonnance a déclaré, le 5 décembre 2013, cette candidature irrecevable, au motif que Mme B...ne justifiait pas être titulaire d'une maîtrise en droit ; que, sur demande de MmeB..., la présidente de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, par une ordonnance du 24 février 2015, annulé la décision de la commission d'avancement du 5 décembre 2013 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la candidature de Mme B...dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'ordonnance ; que, par un courrier du premier président et de la procureure générale de la cour d'appel de Lyon du 16 septembre 2016, Mme B...a été informée de ce que la commission d'avancement, qui s'est réunie du 23 au 26 novembre 2015 et du 30 novembre au 3 décembre 2015, avait émis un avis défavorable sur sa candidature ; que Mme B...demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son illégalité ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la commission d'avancement :
2. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommées directement auditeurs de justice, si elles sont titulaires d'une maîtrise en droit et si elles remplissent les autres conditions fixées à l'article 16, les personnes que quatre années d'activité dans le domaine juridique, économique ou social qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires. / Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures, ainsi que les personnes ayant exercé des fonctions d'enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d'enseignement supérieur pendant trois ans après l'obtention de la maîtrise en droit et possédant un diplôme d'études supérieures dans une discipline juridique. " ; qu'aux termes du dernier aliéna du même article : " Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34 " ;
3. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux procédures de recrutement dans la fonction publique ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la commission d'avancement, saisie de nouveau de la candidature de la requérante du fait de l'annulation, par la décision susvisée du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 24 février 2015, de sa précédente décision la déclarant à tort irrecevable, avait la faculté de procéder à une nouvelle audition de la candidate ; que la circonstance que la commission d'avancement n'a de nouveau examiné la candidature de Mme B... qu'à l'occasion des séances qu'elle a tenues du 23 au 26 novembre 2015 et du 30 novembre au 3 décembre 2015, alors que la décision du Conseil d'Etat du 24 février 2015 lui avait enjoint de procéder au réexamen de la candidature dans un délai de trois mois à compter de sa notification, est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'avis adopté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dont les dispositions ont été codifiées à l'article L. 211-2 du code des relations entre l'administration et les administrés : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir " ; que les avis défavorables rendus par la commission d'avancement sur une candidature à un recrutement direct, sur titre, en qualité d'auditeur de justice en application de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne sauraient être regardés comme le refus d'une autorisation ou d'un avantage dont l'attribution constitue un droit au sens de ces dispositions ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation d'une telle décision ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;
6. Considérant en quatrième lieu, que l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, prévoit que toute décision prise par une autorité administrative comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ; que, s'agissant d'un organisme collégial, il est satisfait aux exigences en découlant dès lors que la décision prise comporte la signature de son président, accompagnée des mentions prévues par cet article ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que le document transmis par la lettre du 16 septembre 2016, relatif aux travaux de la commission d'avancement statuant en matière d'intégration directe dans le corps judiciaire, lors de ses séances du 23 au 26 novembre 2015 et du 30 novembre au 3 décembre 2015, et qui doit être regardé comme une décision rendue par cette commission, ne comporte pas les mentions requises par les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que toutefois, s'agissant de la commission d'avancement, les dispositions de l'article 35 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, qui fixent sa composition et prévoient qu'elle est présidée par le doyen des présidents de la Cour de cassation, permettent par là-même d'en identifier avec certitude le président ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce magistrat ne présidait pas aux travaux de la commission d'avancement lorsqu'elle a rendu la décision litigieuse ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que l'avis litigieux mentionne que la requérante avait la qualité d'étudiante alors qu'elle serait employée depuis le 1er septembre 2015 dans un cabinet d'avocats est sans incidence sur la légalité de l'avis rendu par la commission d'avancement statuant sur le fondement de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme B...tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la garde des sceaux, ministre de la justice ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Madame B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.