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21/09/2017 | FRANCE | N°414259

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 septembre 2017, 414259


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° D. 2017-57 du 6 juillet 2017 par laquelle de la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organi

sées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° D. 2017-57 du 6 juillet 2017 par laquelle de la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation en ce que, d'une part, elle lui interdit de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et que, d'autre part, elle est de nature à mettre un terme à sa carrière sportive ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'est pas établi que les agents ayant procédé au contrôle anti-dopage et rédigé les rapports de contrôle disposaient d'un agrément en cours de validité et qu'ils ont régulièrement prêté serment, conformément aux dispositions des articles L. 232-11, R. 232-68 et R. 232-70 du code du sport ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que les propos et le comportement de M. B...ne caractérisaient pas une tentative de se soustraire au contrôle anti-dopage en ce que, d'une part, le requérant n'y avait pas intérêt, n'ayant usé d'aucune substance prohibée et, au regard des circonstances, n'avait pas non plus intérêt à mettre en péril sa carrière sportive, que, d'autre part, les propos de M. B...étaient dénués de tout caractère sérieux et que, enfin, le requérant connaît la liste des substances prohibées ainsi que les données relatives à leur détection et n'avait donc pas lieu de s'inquiéter de sa consommation de cocaïne la veille du contrôle ;

- la décision de sanction contestée est disproportionnée dès lors que, d'une part, la tentative de soustraction au contrôle anti-dopage n'est pas caractérisée et que, d'autre part, ce même contrôle a fait ressortir un résultat négatif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2017, l'Agence française de lutte contre le dopage conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.B..., d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 19 septembre 2017 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

- les représentants de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 232-22, 3° " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : [...]3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées ". L'article L. 232-10 prévoit quant à lui qu' " il est interdit à toute personne de : [...] 3° S'opposer par quelque moyen que ce soit aux mesures de contrôle prévues par le présent titre ".

3. Il résulte de l'instruction que, le 5 octobre 2016, alors que M. A...B...participait, en sa qualité de sportif rugbyman professionnel, à un stage d'entraînement de l'équipe de France masculine de rugby à XIII à Barcarès, il a fait l'objet d'un contrôle de l'Agence française de lutte contre le dopage. Il ressort des deux rapports complémentaires rédigés les 10 et 13 octobre 2016 par M. C...D..., préleveur urinaire et par le docteur Guy-Alphonse Foucade, que l'intéressé, qui ne conteste pas les termes de ces rapports, a interrogé les agents de contrôle sur la possibilité que leurs investigations révèlent les traces de la cocaïne qu'il avait consommée la veille, puis a demandé que l'un d'eux se soumette au contrôle à sa place, ou qu'ils le fassent porter sur un autre joueur présent, indiquant par ailleurs qu'il disposait d'argent liquide dans sa voiture et renouvelant sa demande qu'un des agents falsifie le contrôle en s'y soumettant à sa place. M B...s'est finalement soumis au contrôle, qui, ne portant pas sur la recherche de drogues, n'a pu en révéler la consommation.

4. Par une décision du 28 décembre 2016, la commission disciplinaire de lutte contre le dopage de première instance de la Fédération française de rugby à XIII a suspendu à titre provisoire M.B.... Par une décision du 1er février 2017, la même autorité a prononcé à son encontre une sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII. M. B...a relevé appel de cette décision. Par une décision du 4 avril 2017, la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage a rejeté son recours et prononcé la même sanction assortie d'une mesure de sursis d'une durée de vingt-et-un mois. Par une décision n° D. 2017-57 du 6 juillet 2017, la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a annulé partiellement la décision du 4 avril 2017, puis a prononcé à l'encontre de M. B... une sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII. Par la présente requête, l'intéressé conteste cette décision dont il demande la suspension.

5. En premier lieu, M. B...soutient qu'il n'est pas établi que les agents ayant procédé au contrôle anti-dopage et rédigé les rapports de contrôle disposaient d'un agrément en cours de validité et qu'ils ont régulièrement prêté serment, ainsi que le prévoient les dispositions des articles L. 232-11, R. 232-68 et R. 232-70 du code du sport. Toutefois, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant de le considérer comme articulé autrement qu'à titre de pure précaution. Il ne saurait, alors au surplus que l'Agence française de lutte contre le dopage a en défense établi qu'il était dénué de tout fondement, être en rien considéré comme sérieux.

6. En deuxième lieu, M. B...soutient que son comportement et ses propos, bien qu'ils aient été inappropriés, ne caractérisaient pas une tentative de soustraction au contrôle anti-dopage, et avaient été tenus à titre humoristique. Des attestations générales de trois de ses collègues tendent à confirmer le comportement facétieux de l'intéressé, sans toutefois comporter de précisions utiles ou concrètes qui porteraient sur les propos tenus lors du contrôle. De la part d'un sportif professionnel expérimenté et ayant déjà subi de nombreux contrôles, la persistance de propositions de falsification et de corruption, résultant de sa crainte de voir détecter la consommation de drogue dont il connaissait parfaitement le caractère pénalement répréhensible et les conséquences sur son contrat de travail, indépendamment d'éventuelles conséquences résultant de la lutte contre le dopage, n'apparaît pas, alors qu'aucun élément de l'instruction n'a permis de corroborer l'allégation du caractère humoristique des propos tenus, comme résultant de plaisanteries.

7. Au regard de la gravité des faits, et alors que la sanction encourue est en principe de quatre ans de suspension, la suspension pour deux ans ne paraît pas disproportionnée. La circonstance qu'en raison de l'âge du demandeur elle puisse être regardée comme risquant de mettre un terme à sa carrière ne résulte pas de l'appréciation portée par l'Agence sur les faits et est donc dénuée d'incidence sur la proportionnalité de la sanction. L'agence n'avait pas plus à prendre en compte, pour décider de la sanction, de l'intérêt que présenterait, pour l'équipe à laquelle appartient l'intéressé, sa participation à de prochaines compétitions internationales. Les moyens tirés de l'erreur de qualification entachant la sanction ou de sa disproportion n'apparaissent donc pas plus sérieux.

8. La demande de suspension de M. B...ne peut donc, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, qu'être rejetée, ainsi que, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante, ses conclusions de versement de la somme qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à l'agence la somme dont elle demande sur le fondement des mêmes dispositions qu'elle soit mise à la charge de M. B....

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Agence française de lutte contre le dopage sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 414259
Date de la décision : 21/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2017, n° 414259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:414259.20170921
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