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18/09/2017 | FRANCE | N°414146

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 septembre 2017, 414146


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, d'une part, de la convoquer dans un délai de 48 heures en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de lui proposer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement susceptible de l'accueilli

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Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, d'une part, de la convoquer dans un délai de 48 heures en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de lui proposer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement susceptible de l'accueillir dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance. Par une ordonnance n° 1707846 du 6 septembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'elle est privée, avec ses trois enfants mineurs, d'un hébergement alors même qu'elle sollicite une protection internationale et qu'elle est dans un état de détresse sociale, privée des conditions matérielles d'accueil ;

- elle ne dispose d'aucune ressource et contacte très régulièrement le 115 sans toutefois bénéficier d'aucune prise en charge, l'obligeant à passer la nuit avec ses trois enfants mineurs dans des gares ou au hall des urgences ;

- la carence de l'administration à respecter un délai raisonnable pour l'enregistrement de sa demande d'asile et pour la mise en oeuvre de son droit à l'hébergement d'urgence constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et à son corollaire, le droit de solliciter la qualité de réfugié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le ministre des solidarités et de la santé conclut au non-lieu à statuer dès lors que Mme A...et ses enfants bénéficient d'une place d'hébergement à compter du 13 septembre 2017 et ce, jusqu'au 24 octobre 2017.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 14 septembre 2017, Mme A... acquiesce aux conclusions à fin de non-lieu à statuer seulement en ce qui concerne sa demande tendant à ce qu'on lui propose un hébergement susceptible de l'accueillir dans un délai de 24 heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante à l'appui de son appel n'est fondé.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, MmeA..., d'autre part, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 15 septembre 2017 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Hourdeaux, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de Mme A... ;

- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au vendredi 15 septembre 2017 à 18 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 septembre 2017, par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le septembre 2017, présentée par Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ". Le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'enregistrement de la demande d'asile " a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevés d'étrangers demandent l'asile simultanément ".

2. Il résulte de l'instruction diligentée par le juge de première instance que MmeA..., ressortissante russe, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Toutefois, sa demande a été rejetée par une décision du 20 septembre 2012 de l'Office français de protection des réfugiés, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 19 juin 2013. Selon les déclarations de l'intéressée, elle serait retournée dans son pays d'origine en 2015 avec son mari et ses deux enfants puis serait revenue en France, accompagnée de ses trois enfants mineurs, âgés respectivement de 13 ans, 7 ans et demi et 2 ans, le 2 septembre 2017. En vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, elle a été convoquée au guichet unique asile de la préfecture de Nantes le 24 octobre 2017. En raison de cette convocation qu'elle estime tardive et en l'absence d'hébergement, elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, d'une part, de la convoquer dans un délai de 48 heures en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de 72 heures et, d'autre part, de lui proposer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement susceptible de l'accueillir dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance. Mme A...relève appel de l'ordonnance du 8 septembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

3. Il ressort des écritures d'appel de la ministre des solidarités et de la santé confirmées par la requérante que Mme A...et ses enfants bénéficient, depuis le 13 septembre 2017, d'une place d'hébergement à l'hôtel Le Paris Océan à Châteaubriant (44) et que cette prise en charge se poursuivra jusqu'au 24 octobre 2017, date à laquelle la requérante est convoquée pour enregistrer sa demande d'asile. Il en résulte que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'assurer l'hébergement d'urgence de Mme A...et de ses enfants sont devenues sans objet et qu'il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

4. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique, s'agissant des étrangers qui sont présents sur le territoire français sans avoir déjà été admis à résider en France, l'enregistrement des demandes d'asile par l'autorité compétente, qui doit avoir lieu, selon l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile," au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément ", dès lors que ces demandes sont assorties des indications et documents requis à l'article R. 741-3 du même code.

5. Il résulte par ailleurs des dispositions des articles L. 744-1 à L. 744-9 de ce code que seules les personnes ayant enregistré leur demande d'asile et s'étant vu remettre l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du même code sont susceptibles de bénéficier du dispositif national d'accueil proposé à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, notamment, les prestations d'hébergement, d'information, d'accompagnement social et administratif, ainsi que, sous réserve d'en remplir les conditions, l'allocation pour demandeur d'asile et l'accès au marché du travail. Par suite, la privation du bénéfice de ces dispositions en raison d'un délai d'enregistrement de la demande d'asile qui excède les délais légaux mentionnés au point n° 2 peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L.521-2 précité du code de justice administrative, lorsqu'elle est manifestement illégale et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile. Il lui incombe pour ce faire d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

6. Eu égard au contexte d'extrême tension, qui n'est pas contesté, du dispositif d'enregistrement des demandes d'asile liée à l'afflux des demandeurs d'asile qui, en raison de la saturation de l'application permettant les vérifications dans le fichier Eurodac, contraint la préfecture à traiter en priorité les demandes de personnes particulièrement vulnérables, et compte tenu du fait que la demande présentée par Mme A...est en réalité une demande de réexamen, au sens de l'article L. 723-15 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, du rejet de sa précédente demande de reconnaissance du statut de réfugié mentionnée au point 2 ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de l'administration revêt en l'espèce, compte tenu des moyens dont elle dispose, le caractère d'une carence caractérisée, constitutive d'une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Loire-Atlantique d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de 72 heures.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A...tendant à l'octroi d'un hébergement d'urgence.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A..., à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 414146
Date de la décision : 18/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 sep. 2017, n° 414146
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:414146.20170918
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