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21/07/2017 | FRANCE | N°410691

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 juillet 2017, 410691


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 410691, la société Nouvelle clinique de l'Union, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la directrice générale de l'agence régionale de santé d'Occitanie fixant le montant des sommes dues par son établissement au titre de la dégressivité tarifaire prévue à l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale, a produit un mémoire, enregistré le 13 mars 2017 au greffe du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58

-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 410691, la société Nouvelle clinique de l'Union, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la directrice générale de l'agence régionale de santé d'Occitanie fixant le montant des sommes dues par son établissement au titre de la dégressivité tarifaire prévue à l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale, a produit un mémoire, enregistré le 13 mars 2017 au greffe du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2016-31-4 du 11 mai 2017, enregistrée le 19 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Nouvelle clinique de l'Union, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale.

2° Sous le n° 410789, la société Clinique Saint-Jean, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la directrice générale de l'agence régionale de santé d'Occitanie fixant le montant des sommes dues par son établissement au titre de la dégressivité tarifaire prévue à l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale, a produit un mémoire, enregistré le 26 avril 2017 au greffe du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2016-34-2 du 11 mai 2017, enregistrée le 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Clinique Saint-Jean, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 162-22-9-2 ;

- la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les sociétés Nouvelle clinique de l'Union et Clinique Saint-Jean portant sur la conformité à la Constitution des mêmes dispositions législatives, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article L. 162-22-9-2 inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 41 de la loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 : " L'État peut fixer, pour tout ou partie des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22, des seuils exprimés en taux d'évolution ou en volume d'activité. / Lorsque le taux d'évolution ou le volume d'activité d'une prestation ou d'un ensemble de prestations d'hospitalisation d'un établissement de santé soumis aux dispositions du premier alinéa du présent article est supérieur au seuil fixé en application du même alinéa, les tarifs mentionnés au 1° du I de l'article L. 162-22-10 applicables à la prestation ou à l'ensemble de prestations concernés sont minorés pour la part d'activité réalisée au-delà de ce seuil par l'établissement. / Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article, notamment les critères pris en compte pour fixer les seuils, les modalités de mesure de l'activité et de minoration des tarifs ainsi que les conditions de mise en oeuvre des minorations après constatation du dépassement des seuils. La mesure de l'activité tient compte des situations de création ou de regroupement d'activités ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 23 décembre 2013, que, dans l'objectif de maîtrise des dépenses de santé, le législateur a entendu permettre l'instauration d'une dégressivité tarifaire pour des catégories de prestations précisément identifiées connaissant, au sein d'un établissement de santé, un taux d'évolution ou un volume d'activité importants, afin, d'une part, de tenir compte de la décroissance corrélative du coût marginal de ces prestations et, d'autre part, d'inciter les établissements concernés à maîtriser cette croissance.

4. Les cliniques requérantes soutiennent, en premier lieu, que le mécanisme de dégressivité tarifaire instauré par l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale porte atteinte au principe de la protection de la santé découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, dès lors qu'il pourrait placer certains établissements dans l'impossibilité d'effectuer des interventions supplémentaires au-delà des seuils fixés. Toutefois, il ne résulte pas de ces dispositions qui, ainsi qu'il a dit au point 3, visent à mieux adapter la tarification au volume d'activité des établissements de santé, que la mesure de dégressivité tarifaire qu'elles prévoient, bien que présentant pour les établissements concernés un caractère restrictif, remette en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les cliniques requérantes, les dispositions de l'article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale, qui n'interdisent aucunement aux établissements de pratiquer les actes considérés au-delà des seuils définis, ne font pas obstacle au libre choix par l'assuré social de son médecin. Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ce principe revêt un caractère constitutionnel, l'invocation de sa méconnaissance ne peut qu'être écartée.

6. Si les cliniques requérantes invoquent, en troisième lieu, une atteinte à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il est loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Ainsi qu'il a été dit, les dispositions relatives à la dégressivité tarifaire ont pour but de contribuer à la maîtrise de l'évolution des dépenses de santé supportées par la collectivité, eu égard à l'exigence constitutionnelle d'équilibre financier de la sécurité sociale qui découle de l'article 34 de la Constitution, en corrigeant les effets inflationnistes de la tarification à l'activité. Les minorations tarifaires qui en résultent pour les établissements de santé ne portent pas à la liberté d'entreprendre une atteinte contraire à la Constitution.

7. Les cliniques requérantes soutiennent, en quatrième lieu, qu'en traitant de manière indifférenciée les établissements de santé, l'article L. 162-22-9-1 du code de la sécurité sociale méconnaît le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Toutefois, le mécanisme de dégressivité tarifaire ainsi défini a vocation à s'appliquer aux seuls établissements concernés par un volume important de prestations ou une augmentation importante ou atypique de leur activité, pour certains actes précisément définis, et doit tenir compte des situations de création ou de regroupement d'activités, qui induisent des modifications structurelles. Le législateur a ainsi fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le principe d'égalité ne l'obligeait pas à prévoir une modulation de la dégressivité par territoire non plus qu'une modulation par établissement en fonction de la pertinence des actes de soins qui y sont accomplis.

8. En dernier lieu, les cliniques requérantes soutiennent que le législateur n'a pas exercé pleinement sa compétence, dans des conditions propres à porter atteinte au principe de la protection de la santé et au principe d'égalité. Toutefois, ni la détermination des autorités compétentes au sein de l'Etat pour fixer la valeur des seuils d'activité et des minorations tarifaires, ni les critères de fixation de ces seuils, les modalités de mesure de l'activité et les conditions de mise en oeuvre de la minoration des tarifs ni, enfin, les conditions de l'information des praticiens et de leurs patients, à la supposer nécessaire, ne mettent en cause les principes fondamentaux de la sécurité sociale ou aucun autre des principes fondamentaux ou règles que la Constitution place dans le domaine de la loi. Par suite, en ne fixant pas lui-même ces différentes modalités, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

9. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA Nouvelle clinique de l'Union, à la SAS Clinique Saint-Jean et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, ainsi qu'au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 410691
Date de la décision : 21/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 410691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sabine Monchambert
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:410691.20170721
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