La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2017 | FRANCE | N°397403

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 12 juillet 2017, 397403


Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 29 février, 11 mai et 21 septembre 2016, 3 février et 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1905 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés et l'arrêté du même jour ayant le même objet ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 29 février, 11 mai et 21 septembre 2016, 3 février et 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1905 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés et l'arrêté du même jour ayant le même objet ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son premier protocole additionnel ;

- la directive 96/ 9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- la décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 du Conseil constitutionnel ;

- le code de commerce ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 9 novembre 2004 The British Horseracing Board Ltd e.a. contre William Hill Organization Ltd (C-203/02) ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 123-6 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 60 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Le registre du commerce et des sociétés est tenu par le greffier de chaque tribunal de commerce, sous la surveillance du président ou d'un juge commis à cet effet, qui sont compétents pour toutes contestations entre l'assujetti et le greffier. / Le greffier transmet à l'Institut national de la propriété industrielle, par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés, dans un délai et selon des modalités fixées par décret. / Il lui transmet également, par voie électronique, sans frais ni délai, les résultats des retraitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces mentionnés au deuxième alinéa, dans un format informatique ouvert de nature à favoriser leur interopérabilité et leur réutilisation, au sens du titre II du livre III du code des relations entre le public et l'administration, et à assurer leur compatibilité avec le registre national dont l'Institut national de la propriété industrielle assure la centralisation dans le cadre de sa mission prévue au 2° de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle. Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise également les modalités de cette transmission, notamment le format des données informatiques. " ; qu'aux termes de l'article L. 743-12, les greffiers peuvent " être membres d'un groupement d'intérêt économique " ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, telles que modifiées par l'article 60 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, l'Institut national de la propriété industrielle a notamment pour mission : " 2° D'appliquer les lois et règlements en matière de propriété industrielle et de registre du commerce et des sociétés ; (...) il centralise le registre du commerce et des sociétés, notamment sur la base de données informatiques transmises par les greffiers de tribunal de commerce, et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ; (...) il assure la diffusion et la mise à la disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale, selon des modalités fixées par décret. " ;

3. Considérant que le Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce demande l'annulation du décret 30 décembre 2015 et de l'arrêté du même jour, relatifs aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés pris pour l'application de ces dispositions ;

Sur la légalité du décret et de l'arrêté attaqués en tant qu'ils concernent les greffiers de tribunal de commerce :

En ce qui concerne la légalité du décret en tant qu'il concerne les greffiers de tribunal de commerce :

4. Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué a été pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé de l'économie ; qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant l'intervention d'un tel rapport, le requérant ne peut utilement soutenir que ce décret aurait également dû être pris sur le rapport du ministre chargé de l'outre-mer;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que l'auteur du décret attaqué aurait excédé la compétence qui lui était déléguée par la législateur pour fixer les modalités des transmissions effectuées par le greffier du tribunal de commerce à l'Institut national de la propriété industrielle et méconnu les dispositions législatives analysées ci-dessus ;

6. Considérant, d'une part, que le décret attaqué précise, au II de l'article D. 123-80-1 qu'il ajoute au code de commerce, que la transmission prévue au troisième alinéa de l'article L. 123-6 du code de commerce est réalisée dès le retraitement des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces mentionnés au deuxième alinéa de ce même article et préalablement à toute diffusion ou mise à disposition de ces informations à des tiers, sans préjudice de la communication prévue aux articles R. 123-150 à R. 123-154-1 ; qu'il se borne ainsi à préciser les modalités de la transmission prévue par le législateur " sans frais ni délai ";

7. Considérant, d'autre part, que, en prévoyant, au V de l'article D. 123-80-1 du code de commerce, que, préalablement à la transmission prévue au troisième alinéa de l'article L. 123-6 du même code, les informations sont contrôlées et, le cas échéant, complétées, notamment avec le numéro SIREN, et corrigées, le décret attaqué s'est borné à préciser le contenu des retraitements des informations tels qu'ils sont prévus par les termes mêmes de cette disposition, ces retraitements étant d'ailleurs inhérents à la mission de contrôle qui incombe au greffier dans le cadre de la tenue du registre du commerce et des sociétés ;

8. Considérant, enfin, qu'en prévoyant, à l'article D. 123-80-2 du code de commerce, la possibilité pour l'Institut national de la propriété industrielle de demander au greffier une extraction des données qu'il lui transmet dans la limite de deux fois par an et sous un délai maximal de six semaines, le décret attaqué a, afin d'assurer la complétude et la cohérence du registre national du commerce et des sociétés, énoncé une disposition qui relève des modalités de transmission de ces données et n'a pas méconnu les dispositions législatives analysées ci-dessus ;

9. Considérant qu'il suit de là que le décret attaqué, en tant qu'il précise les obligations à la charge du greffier de tribunal de commerce, n'excède pas le domaine de compétence délégué par le législateur au pouvoir réglementaire et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 123-6 du code de commerce ;

10. Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que le décret attaqué est, pour les mêmes motifs, en ce qu'il impose des obligations qui vont au-delà de celles qu'a prévues le législateur, contraire à la liberté d'entreprendre ; que dès lors que, ainsi qu'il été dit aux points 6 à 8 ci-dessus, le décret se borne à énoncer les modalités de l'obligation de transmission de données définie par l'article L. 123-6 du code de commerce, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient que les obligations énoncées tant au V de l'article D. 123-80-1 du code de commerce mentionné au point 8 ci-dessus qu'au I de l'article 3, relatif à la transmission par le greffier à l'Institut national de la propriété industrielle de l'intégralité des résultats des retraitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces qui ont été enregistrés et déposés au greffe antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cet article, et au I et au II de l'article 4 du décret attaqué relatifs à l'obligation de transmission de données à des fins d'expérimentation et aux modalités de mise à disposition de celles-ci méconnaissent les articles L. 342-1 et 342-2 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il invoque également les objectifs de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, sans d'ailleurs soutenir que la directive ait fait l'objet d'une transposition inexacte ni que les dispositions issues de la loi du 6 août 2015 dont le décret attaqué fait application seraient contraires aux objectifs de cette directive ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 11 mars 1996 : " Les États membres prévoient pour le fabricant d'une base de données le droit d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif. " ; que l'article L. 341-1, pris pour la transposition de cette directive, dispose que : " Le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel. (...) " ;

13. Considérant qu'il résulte de ces dispositions législatives, comme de celles de l'article 7 de la directive qu'elle transpose, que le bénéfice de la protection par le droit reconnu au producteur de bases de données est réservé aux bases de données qui répondent au critère selon lequel l'obtention, la vérification ou la présentation de leur contenu attestent un investissement substantiel ; que, par son arrêt du 9 novembre 2004 The British Horseracing Board Ltd e.a. contre William Hill Organization Ltd (C-203/02), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que " la notion d'investissement lié à l'obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu d'une base de données doit être comprise, d'une manière générale, comme visant l'investissement consacré à la constitution de ladite base en tant que telle ", et que " la circonstance que la constitution d'une base de données soit liée à l'exercice d'une activité principale dans le cadre de laquelle la personne qui constitue la base est également le créateur des éléments contenus dans cette base n'exclut pas, en tant que telle, que cette personne puisse revendiquer le bénéfice de la protection par le droit sui generis, à condition qu'elle établisse que l'obtention desdits éléments, leur vérification ou leur présentation (...) ont donné lieu à un investissement substantiel sur le plan quantitatif ou qualitatif, autonome par rapport aux moyens mis en oeuvre pour la création de ces éléments. " ;

14. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les obligations énoncées par le décret attaqué portent sur la transmission à l'Institut national de la propriété industrielle de documents et d'informations reçues et traitées par le greffier pour le compte de l'Etat dans l'exercice de sa mission légale de tenue du registre du commerce et des sociétés en qualité d'officier public et ministériel, percevant des droits à ce titre ; que, si le requérant, pour soutenir que le décret attaqué méconnaît la protection due au droit des producteurs de bases de données, invoque les investissements réalisés par les greffiers dans les bases de données contenant ces documents et informations, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dépenses, qui correspondent essentiellement à des moyens mis en oeuvre, dans l'accomplissement de la mission rappelée ci-dessus, pour la création et la mise à jour des éléments du registre dont ils ont la charge, aient constitués des investissements, dont ils auraient pris " l'initiative et le risque ", réalisés pour l'obtention, la vérification et la présentation d'une base distincte de ce registre ; que le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué des articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle ne peut dès lors qu'être écarté ;

15. Considérant, en cinquième lieu, qu'il est soutenu que le décret attaqué porterait une atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, les dispositions contestées mentionnées au point 13 ci-dessus ont pour seul objet de réglementer les conditions dans lesquelles le greffier du tribunal de commerce doit s'acquitter de ses obligations de transmission par voie électronique à l'Institut national de la propriété industrielle des documents et résultats des retraitements définis par le législateur ; que les éléments sur lesquels portent les obligations de transmission à l'Institut national de la propriété industrielle, reçus et traités par le greffier pour le compte de l'Etat dans l'exercice de sa mission légale de tenue du registre du commerce et des sociétés en qualité d'officier public et ministériel, percevant des droits à ce titre, ne sont pas, ni en eux mêmes ni compte tenu des précisions apportées par le décret attaqué et exposées aux points 6 à 8, des biens dont il puisse revendiquer la propriété ; que les dispositions contestées ne portent ainsi pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni ne constituent une réglementation de l'usage d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

16. Considérant, en sixième lieu, que le décret attaqué impose, au I de son article 3 et au I de son article 4, des obligations de transmission par les greffiers à l'Institut national de la propriété industrielle portant respectivement sur le stock de données enregistrées au greffe à la date d'entrée en vigueur du décret et sur une partie de celui-ci dans le cadre d'un dispositif d'expérimentation ; que, si l'obligation qu'il instaure porte sur des données détenues par les greffiers à la date de son entrée en vigueur, il n'est cependant pas entaché de rétroactivité illégale ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en tant qu'il concerne les greffiers de tribunal de commerce :

17. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui définit les formats de fichiers transmis à l'Institut national de la propriété industrielle par les greffiers des tribunaux de commerce et le contenu des informations accompagnant la transmission de ces fichiers, a été pris pour l'application du décret du même jour relatif aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés, qui donne compétence à ses signataires pour l'adopter ; que, en vertu de son article 9, son entrée en vigueur est prévue à la même date que celle qui est prévue pour le décret par l'article 7 ; que le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté ne peut dès lors qu'être écarté ;

18. Considérant, en second lieu, que l'arrêté attaqué se borne à préciser le contenu des informations devant être transmises par les greffiers de tribunaux de commerce en application des dispositions législatives et du décret attaqué ; que par suite, il n'est pas susceptible de porter par lui même atteinte au droit de propriété ni au droit au respect des greffiers de tribunaux de commerce ni aux droits qu'ils invoquent en qualité de producteurs de bases de données ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les moyens tirés de ce qu'il devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation du décret et au motif qu'il serait entaché des mêmes illégalités ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la légalité du décret et de l'arrêté en tant qu'ils ont prévu des obligations à la charge de personnes autres que les greffiers de tribunal de commerce :

19. Considérant que le décret attaqué prévoit, au VI de l'article D. 123-80-1 que son article 1er ajoute au code de commerce, que, " lorsque les greffiers se sont associés au sein d'un groupement conformément à l'article L. 743-12 du code de commerce, ou lorsqu'ils ont confié à un tiers l'exécution de leurs obligations de diffusion des données des registres de publicité légale dont ils ont la charge, ce groupement ou ce tiers est chargé de l'application des dispositions " prévues à cet article ; que son article 3, relatif à la transmission du stock des résultats de retraitement des inscriptions, actes et pièces enregistrées et déposées auprès des greffes avant l'entrée en vigueur du décret, prévoit, au deuxième alinéa de son II, que, par dérogation au principe selon lequel ses dispositions ne sont pas applicables aux greffiers tenant le registre du commerce et des sociétés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et dans les départements et régions d'outre-mer, " lorsqu'un accord a été conclu entre l'Institut national de la propriété industrielle et le groupement visé à l'article L. 743-12 aux fins de retraitement " de ces informations, " le groupement transmet les résultats des retraitements dont il dispose à la date d'entrée en vigueur " de cet article ; que le III de son article 4, relatif à la transmission à titre d'expérimentation, avant l'entrée en vigueur du surplus des dispositions du décret, des résultats des retraitements des informations, prévoit que, " lorsque les greffiers se sont associés au sein d'un groupement conformément à l'article L. 743-12, ou lorsque ceux-ci ont confié à un tiers l'exécution de leurs obligations de diffusion des données des registres de publicité légale dont ils ont la charge, ce groupement ou ce tiers est chargé de l'application des dispositions " prévues à cet article ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'auteur du décret attaqué a ainsi entendu viser le groupement d'intérêt économique Infogreffe, constitué par les greffiers sur le fondement des dispositions de l'article L. 743-12 ;

20. Considérant que les dispositions rappelées ci-dessus du code de commerce issues de la loi du 6 août 2015 imposent aux greffiers des tribunaux de commerce une obligation de transmission de documents et d'informations contenues dans le registre de commerce et des sociétés dont ils ont la charge ; que, si ceux-ci ne sauraient s'exonérer de cette obligation de transmission au motif qu'ils auraient confié le soin d'exploiter ces informations à un tiers, y compris au groupement d'intérêt économique prévu à l'article L. 743-12 du code de commerce, le décret ne pouvait sans méconnaître tant l'étendue de sa compétence que les termes de la loi, mettre à la charge de tiers les obligations instituées par le législateur à la seule charge des greffiers de tribunal de commerce ; que, par suite, le décret attaqué doit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, être annulé en tant que, par le VI de l'article D. 123-80-1 du code de commerce issu de son article 1er, par le 2e alinéa du II de son article 3 et par le III de son article 4, il a institué des obligations à la charge de personnes autres que les greffiers de tribunal de commerce ;

21. Considérant que l'arrêté attaqué se borne à définir le contenu des informations devant être transmises par les greffiers de tribunaux de commerce et le format de fichiers à utiliser sans imposer par lui-même d'obligations à des personnes autres que les greffiers ; que les moyens tirés de ce qu'il doit être annulé, d'une part, en ce qu'il porterait atteinte au droit de propriété du groupement d'intérêt économique Infogreffe, à son droit au respect de ses biens, au droit qu'il invoque en qualité de producteur de base de donnée et, d'autre part, par voie de conséquence de l'annulation du décret en tant qu'il prévoit des obligations à la charge de personnes autres que les greffiers de tribunaux de commerce, doit, par suite, être écarté ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce n'est fondé à demander l'annulation du décret attaqué qu'en tant que, par le VI de l'article D. 123-80-1 du code de commerce issu de son article 1er, par le 2e alinéa du II de son article 3 et par le III de son article 4, il a institué des obligations à la charge de personnes autres que les greffiers de tribunal de commerce ; que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 30 décembre 2015 est annulé en tant que, par le VI de l'article D. 123-80-1 du code de commerce issu de son article 1er, par le 2e alinéa du II de son article 3 et par le III de son article 4 il a institué des obligations à la charge de personnes autres que les greffiers de tribunal de commerce.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce, au ministre de l'économie et des finances, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DÉCRET PRIS SUR LE RAPPORT D'UN MINISTRE - MOYEN TIRÉ DE CE QUE LE DÉCRET AURAIT DÛ ÉGALEMENT ÊTRE PRIS SUR LE RAPPORT D'UN AUTRE MINISTRE - MOYEN INOPÉRANT - EN L'ABSENCE DE TEXTE PRÉVOYANT UN TEL RAPPORT [RJ1].

01-03-01 En l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant l'intervention d'un tel rapport, un requérant ne peut utilement soutenir qu'un décret aurait également dû être pris sur le rapport du ministre chargé de l'outre-mer.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - DROIT DE PROPRIÉTÉ - OBLIGATION FAITE AUX GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE DE TRANSMETTRE À L'INPI DES DONNÉES AVANT TOUTE DIFFUSION OU MISE À DISPOSITION DE TIERS - 1) PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - DROIT DES PRODUCTEURS DE BASES DE DONNÉES (ART - L - 341-1 ET L - 341-2 DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE) - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - À DÉFAUT D'INITIATIVE ET DE RISQUE D'INVESTISSEMENT POUR LES GREFFIERS [RJ2] - 2) PROPRIÉTÉ DES GREFFIERS SUR LES DONNÉES REÇUES ET TRAITÉES DANS LE CADRE DE LEUR MISSION LÉGALE - ABSENCE.

26-04 Obligation faite par le décret n° 2015-1905 aux greffiers des tribunaux de commerce de transmettre à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) des documents et informations reçus et traités par les greffiers pour le compte de l'Etat dans l'exercice de leur mission légale de tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité d'officiers publics et ministériels, percevant des droits à ce titre.... ,,1) Les dépenses réalisées par les greffiers, qui correspondent essentiellement à des moyens mis en oeuvre, dans l'accomplissement de la mission légale mentionnée ci-dessus pour la création et la mise à jour des éléments du registre dont ils ont la charge, ne constituent pas des investissements dont ils auraient pris l'initiative et le risque, réalisés pour l'obtention, la vérification et la présentation d'une base de données distincte de ce registre. Par suite, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le droit du producteur d'une base de données à bénéficier d'une protection, garanti par les articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle.... ,,2) Les éléments reçus et traités par le greffier pour le compte de l'Etat dans l'exercice de sa mission légale de tenue du RCS en qualité d'officier public et ministériel, percevant des droits à ce titre, ne sont pas, ni en eux-mêmes, ni compte tenu des obligations de retraitement et de transmission par voie électronique à l'INPI prévues par le décret n° 2015-1905, des biens dont il peut revendiquer la propriété. Par suite, absence d'atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LES PROTOCOLES - DROIT AU RESPECT DE SES BIENS (ART - 1ER DU PREMIER PROTOCOLE ADDITIONNEL) - OBLIGATION FAITE AUX GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE DE TRANSMETTRE À L'INPI DES DONNÉES AVANT TOUTE DIFFUSION OU MISE À DISPOSITION DE TIERS - PROPRIÉTÉ DES GREFFIERS SUR LES DONNÉES REÇUES ET TRAITÉES DANS LE CADRE DE LEUR MISSION LÉGALE - ABSENCE - CONSÉQUENCE - ATTEINTE AU DROIT AU RESPECT DE SES BIENS - ABSENCE.

26-055-02-01 Obligation faite par le décret n° 2015-1905 aux greffiers des tribunaux de commerce de transmettre à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) des documents et informations reçus et traités par les greffiers pour le compte de l'Etat dans l'exercice de leur mission légale de tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité d'officiers publics et ministériels, percevant des droits à ce titre.... ,,Les éléments reçus et traités par le greffier pour le compte de l'Etat dans l'exercice de sa mission légale de tenue du RCS en qualité d'officier public et ministériel, percevant des droits à ce titre, ne sont pas, ni en eux-mêmes, ni compte tenu des obligations de retraitement et de transmission par voie électronique à l'INPI prévues par le décret attaqué, des biens dont il peut revendiquer la propriété. Par suite, le décret n° 2015-1905 ne constitue pas une réglementation de l'usage d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - DÉCRET PRIS SUR LE RAPPORT D'UN MINISTRE - MOYEN TIRÉ DE CE QUE LE DÉCRET AURAIT DÛ ÉGALEMENT ÊTRE PRIS SUR LE RAPPORT D'UN AUTRE MINISTRE - EXISTENCE - EN L'ABSENCE DE TEXTE PRÉVOYANT UN TEL RAPPORT [RJ1].

54-07-01-04-03 En l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant l'intervention d'un tel rapport, un requérant ne peut utilement soutenir qu'un décret aurait également dû être pris sur le rapport du ministre chargé de l'outre-mer.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE - GREFFIERS - OBLIGATION FAITE AUX GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE DE TRANSMETTRE À L'INPI DES DONNÉES AVANT TOUTE DIFFUSION OU MISE À DISPOSITION DE TIERS - 1) PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - DROIT DES PRODUCTEURS DE BASES DE DONNÉES (ART - L - 341-1 ET L - 341-2 DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE) - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - À DÉFAUT D'INITIATIVE ET DE RISQUE D'INVESTISSEMENT POUR LES GREFFIERS [RJ2] - 2) PROPRIÉTÉ DES GREFFIERS SUR LES DONNÉES REÇUES ET TRAITÉES DANS LE CADRE DE LEUR MISSION LÉGALE - ABSENCE - 3) TRANSFERT PAR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE À DES TIERS DE L'OBLIGATION FAITE PAR LE LÉGISLATEUR AUX SEULS GREFFIERS - ILLÉGALITÉ.

55-03-05-04 Obligation faite par le décret n° 2015-1905 aux greffiers des tribunaux de commerce de transmettre à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) des documents et informations reçus et traités par les greffiers pour le compte de l'Etat dans l'exercice de leur mission légale de tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité d'officiers publics et ministériels, percevant des droits à ce titre.... ,,1) Les dépenses réalisées par les greffiers, qui correspondent essentiellement à des moyens mis en oeuvre dans l'accomplissement de la mission légale mentionnée ci-dessus pour la création et la mise à jour des éléments du registre dont ils ont la charge ne constituent pas des investissements dont ils auraient pris l'initiative et le risque, réalisés pour l'obtention, la vérification et la présentation d'une base de données distincte de ce registre. Par suite, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le droit du producteur d'une base de données à bénéficier d'une protection, garanti par les articles L. 342-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle.... ,,2) Les éléments reçus et traités par le greffier pour le compte de l'Etat dans l'exercice de sa mission légale de tenue du RCS en qualité d'officier public et ministériel, percevant des droits à ce titre, ne sont pas, ni en eux-mêmes, ni compte tenu des obligations de retraitement et de transmission par voie électronique à l'INPI prévues par le décret attaqué, des biens dont il peut revendiquer la propriété. Par suite, absence d'atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.... ,,3) Le décret n° 2015-1905 ne pouvait, sans méconnaître tant l'étendue de sa compétence que les termes de la loi, mettre à la charge de tiers, notamment du groupement d'intérêt économique Infogreffe constitué par les greffiers sur le fondement des dispositions de l'article L. 743-12 du code de commerce, les obligations instituées par le législateur à la seule charge des greffiers des tribunaux de commerce.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. CE, Assemblée, 14 mai 1995, Caisse autonome de retraite des médecins français, n°s 148379, 148380, p. 181., ,

[RJ2]

Rappr. CJUE, Grande chambre, 9 novembre 2004, The Bristish Horseracing Board Ltd e.a. c/ William Hill Organization Ltd, aff. C-203/02, Rec. p. I-10415.


Publications
Proposition de citation: CE, 12 jui. 2017, n° 397403
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Date de la décision : 12/07/2017
Date de l'import : 07/08/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 397403
Numéro NOR : CETATEXT000035179867 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2017-07-12;397403 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award