Vu la procédure suivante :
La SCI Avenue des Roches a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que de la cotisation de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015. Par un jugement n°s 1502224 et 1601210 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en réduisant la base de ses cotisations pour les années en cause à concurrence de la somme correspondant à la valeur locative des aménagements réalisés par la société Packibox.
Par un pourvoi, enregistré le 7 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, à titre principal, de rejeter la demande de la SCI Avenue des Roches, et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de la société Packibox les impositions afférentes aux aménagements réalisés par cette dernière.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SCI Avenue des Roches ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière Avenue des Roches est propriétaire d'un bâtiment industriel situé à Venizy (Yonne), qu'elle donne en location à la SAS unipersonnelle Packibox en vertu d'un contrat de bail conclu le 22 janvier 2009. Cette dernière y a réalisé des agencements qu'elle a inscrits à son bilan. A l'issue d'un contrôle, l'administration fiscale a inclus ces aménagements effectués par la société locataire du bien dans la base imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la SCI Avenue des Roches. Cette dernière a contesté devant le tribunal administratif de Dijon les cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été, de ce fait, assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que la cotisation primitive établie sur les mêmes bases au titre de l'année 2015. Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif qui a réduit les bases d'imposition de la société Avenue des Roches au titre des années en cause à hauteur de la valeur locative des aménagements réalisés par la société Packibox et l'a déchargée, dans cette mesure, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013 à 2015.
2. Aux termes du I de l'article 1400 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel (...) ". Aux termes de l'article 555 du code civil : " Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit (...) soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. / Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds ".
3. En application des dispositions citées ci-dessus du code civil, l'accession à la propriété des biens construits par un tiers sur le terrain que lui loue son propriétaire ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du bail conclu avec ce tiers, sauf stipulations contraires. Le tribunal administratif a relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'il était de la commune intention des parties au contrat de bail conclu le 22 janvier 2009 que les aménagements fonciers réalisés pour son propre compte par la société Packibox resteraient sa propriété jusqu'à l'expiration du bail la liant à la société Avenue des Roches. Par suite, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les aménagements par la société Packibox n'étaient, ni au 1er janvier 2013, ni au 1er janvier 2014, ni au 1er janvier 2015 la propriété de la société Avenue des Roches et que leur valeur locative ne devait pas être comprise dans les bases d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle cette société a été assujettie au titre des ces années. Le ministre n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué.
4. Aux termes du I de l'article 1404 du code général des impôts : " Lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation est prononcé à condition que les obligations prévues à l'article 1402 aient été respectées. L'imposition du redevable légal au titre de la même année est établie au profit de l'Etat dans la limite de ce dégrèvement ". Alors qu'il avait déchargé la société Avenue des Roches des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 à raison des aménagements réalisés par la société Packibox, le tribunal administratif a méconnu l'obligation qui pèse sur lui, en vertu du I de l'article 1404 du code général des impôts, en s'abstenant de désigner, comme il y était tenu même en l'absence de toute demande des parties, le redevable légal de ces impositions au titre des mêmes années au vu des éléments portés à sa connaissance et après l'avoir mis en cause. Par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'article 2 du jugement qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à verser à la société civile immobilière Avenue des Roches, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2016 est annulé en tant qu'il a omis, après avoir déchargé la SCI Avenue des Roches des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 à raison des aménagements réalisés par la SAS Packibox, de désigner le redevable légal de ces impositions.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er , au tribunal administratif de Dijon.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la SCI Avenue des Roches une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la SCI Avenue des Roches.