Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 575 000 francs CFP en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ses mauvaises conditions de détention pendant son incarcération au centre pénitentiaire de Nuutania à Faa'a. Par une ordonnance n° 1600241 du 30 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française a condamné l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 280 000 francs CFP et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par une ordonnance n° 16PA02332 du 08 août 2016, enregistrée le 11 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 20 juillet 2016 au greffe de cette cour, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice. Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire enregistré au secrétariat du contentieux le 29 août 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600241 du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le juge des référés de ce tribunal.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 541-2 du code de justice administrative, notification de la requête présentée au juge des référés en application de l'article R. 541-1 du même code " est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d'un délai de réponse " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-3 du même code : " Lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti en exécution des articles R. 611-10, R. 611-17 et R. 611-26, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure " ; qu'aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ainsi que la prévention de la récidive ; que les conditions de détention s'apprécient au regard de l'espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du respect de l'intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l'accès à la lumière, de l'hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage ; que seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351 relatifs à la salubrité et à la propreté des locaux, révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ;
4. Considérant que le juge des référés a relevé, sans entacher son ordonnance d'une erreur de droit, que la garde des sceaux, ministre de la justice, faute d'avoir répondu dans le délai imparti à la mise en demeure de produire son mémoire en défense devait être réputé avoir acquiescé aux faits en application des dispositions précitées de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ; que toutefois, il ressort des écritures de M. A...devant le juge des référés que les faits en cause portaient sur la situation générale du centre pénitentiaire de Nuutania à Faa'a ; que, par suite, en regardant comme non sérieusement contestable l'obligation invoquée par M.A..., alors que l'acquiescement aux faits portait sur le caractère général de la situation du centre pénitentiaire et que l'intéressé, ainsi qu'il ressort des pièces de la procédure, n'avait produit aucun élément personnalisé et précis au soutien de sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de ses conditions personnelles de détention pendant son incarcération au centre pénitentiaire de Nuutania à Faa'a, le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française a entaché son ordonnance d'une erreur de qualification juridique des faits ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 1600241 du 30 juin 2016 du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de la Polynésie française.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B...A....