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21/06/2017 | FRANCE | N°397194

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 21 juin 2017, 397194


1°, sous le n° 397194, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 février et 20 mai 2016 et le 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Star Light demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 relatif à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés en tant qu'il conditionne la vente de climatiseurs bi-blocs hermétiquement scellés à leur installation par un professionnel qualifié ;

2°) de

mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

1°, sous le n° 397194, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 février et 20 mai 2016 et le 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Star Light demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 relatif à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés en tant qu'il conditionne la vente de climatiseurs bi-blocs hermétiquement scellés à leur installation par un professionnel qualifié ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°, sous le n° 404444, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 octobre 2016 et 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Star Light demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision implicite de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, rejetant sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité du décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 relatif à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés ainsi que de l'insécurité et de la rupture de la confiance légitime résultant du comportement de l'administration à son égard ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 8 601 146 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le règlement 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le règlement 2015/2067 de la Commission du 17 novembre 2015 ;

- la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 1er juin 2017 sous le n° 397194 et le 6 juin 2017 sous le n° 404444, présentées par la société Star Light ;

1. Considérant que l'article 3 § 4 du règlement 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) 842/2006 prévoit que les personnes physiques et les entreprises qui exécutent les tâches d'installation des équipements de climatisation fixes sont certifiés conformément à l'article 10 du même règlement et prennent des mesures de précaution afin de prévenir les fuites de gaz à effet de serre fluorés ; qu'aux termes de l'article 11 § 5 de ce règlement : " Les équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés ne sont vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée conformément à l'article 10. " ; que le point 20 de l'article 2 de ce règlement définit ainsi l'installation : " l'assemblage d'au moins deux pièces d'équipements ou de circuits contenant ou conçus pour contenir des gaz à effet de serre fluorés, en vue de monter un système sur le lieu même de son utilisation future, et qui implique de connecter les conduites de gaz d'un système pour compléter un circuit, qu'il faille ou non charger le système après l'assemblage " ; que le point 11 du même article 2 définit ainsi un équipement hermétiquement scellé : " un équipement dans lequel toutes les parties contenant des gaz à effet de serre fluorés sont rendues hermétiques par soudure, brasage ou une technique similaire entraînant un assemblage permanent, ce dernier pouvant comporter des valves recouvertes ou des orifices de sortie recouverts qui permettent une réparation ou une élimination dans les règles, et présentant un taux de fuite testé inférieur à 3 grammes par an sous une pression d'au moins un quart de la pression maximale admise " ;

2. Considérant qu'à la suite de l'adoption du règlement 517/2014 du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, le décret du 28 décembre 2015 relatif à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés a modifié notamment les dispositions de la section 6 du chapitre III du titre IV du livre V de la partie réglementaire du code de l'environnement, relative aux fluides frigorigènes utilisés dans les équipements thermodynamiques ; qu'aux termes de l'article R. 543-78 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du 6° de l'article 3 du décret attaqué : " Tout détenteur d'équipement est tenu de faire procéder à sa charge en fluide frigorigène, à sa mise en service ou à toute autre opération réalisée sur cet équipement qui nécessite une intervention sur le circuit frigorifique par un opérateur disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article R. 543-99 ou d'un certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne et traduit en français. / L'assemblage d'un équipement ou des circuits contenant ou conçus pour contenir des fluides frigorigènes, y compris l'opération au cours de laquelle les conduites de fluides frigorigènes sont connectées pour compléter un circuit frigorifique, est effectué par un opérateur disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article R. 543-99 ou d'un certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne et traduit en français ou par une entreprise certifiée pour les opérations de brasage fort, brasage tendre ou soudure sous réserve que son activité soit encadrée par un opérateur disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article R. 543-99 ou d'un certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne. / Toutefois, le recours à un opérateur n'est pas obligatoire pour la mise en service des équipements à circuit hermétique, préchargés en fluide frigorigène, contenant moins de deux kilogrammes de fluide dès lors que leur mise en service consiste exclusivement en un raccordement à des réseaux électrique, hydraulique ou aéraulique. / Le respect des dispositions du présent article est démontré par la remise d'une copie de l'attestation de capacité mentionnée à l'article R. 543-99 ou du certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne. " ; que l'article R. 543-84 du même code, dans sa rédaction issue du 13° de l'article 3 du décret attaqué, dispose que : " (...) Les distributeurs d'équipements ne peuvent céder à titre onéreux ou gratuit des équipements préchargés contenant des fluides frigorigènes et nécessitant pour leur assemblage ou mise en service, en application de l'article R. 543-78, le recours à un opérateur disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article R. 543-99 ou d'un certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne traduit en langue française, qu'aux personnes suivantes : (...) - les personnes justifiant, lors de la cession des équipements, avoir conclu, pour l'assemblage et la mise en service de ces équipements, un contrat auprès d'un opérateur disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article R. 543-99 ou d'un certificat équivalent délivré dans un des États membres de l'Union européenne traduit en langue française. Le contenu du contrat est précisé par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Ce contrat indique notamment le type d'équipement (climatisation ou pompe à chaleur) et la famille du fluide frigorigène employé. " ;

3. Considérant qu'eu égard à la teneur de ses écritures, la société Star Light doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2015 en tant que les dispositions de son article 3 rappelées ci-dessus étendent à la cession des équipements de climatisations hermétiquement scellés dont la mise en service ne consiste pas exclusivement en un raccordement à des réseaux électrique, hydraulique ou aéraulique l'obligation d'attester du recours à un professionnel certifié pour leur installation ; qu'elle recherche également la responsabilité de l'État sur le fondement, d'une part, de l'illégalité de ces dispositions et, d'autre part, de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime résultant de prises de position contradictoires du ministre de l'environnement sur la portée des dispositions du règlement 517/2014 du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés et du code de l'environnement ; que ces deux requêtes présentant à juger des questions connexes, il y a lieu de les joindre afin de statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2015 :

4. Considérant, en premier lieu, que, en vue d'atteindre l'objectif de protéger l'environnement en réduisant les émissions des gaz à effet de serre fluorés, les dispositions, citées au point 1, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 prévoient que tout assemblage de plusieurs pièces, contenant des gaz à effet de serre fluorés, d'un climatiseur fixe sur le lieu de son utilisation future doit être réalisé par un professionnel certifié ; que son article 11 soumet la vente à l'utilisateur final des équipements de climatisation fixes à l'obligation d'établir que leur installation sera réalisée par un professionnel certifié lorsque toutes les parties qui composent l'équipement contenant des gaz à effet de serre fluorés n'ont pas été préalablement rendues hermétiques par soudure ou brasage ou par une technique similaire assurant un assemblage permanent du climatiseur ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 543-78 et R. 543-84 du code de l'environnement, rappelées au point 2, dans leur rédaction issue du décret attaqué, qu'elles soumettent, ainsi que le prévoit le règlement, la commercialisation des équipements de climatisation fixes à l'obligation de recourir à un professionnel certifié pour leur installation ou leur mise en service lorsque celle-ci implique l'assemblage de plusieurs parties de l'équipement contenant des gaz à effet de serre fluorés ; qu'elles prévoient, symétriquement, que le recours à un opérateur n'est pas obligatoire pour la mise en service d'équipements à circuit hermétique préchargés en fluide frigorigène lorsque leur mise en service consiste exclusivement en un raccordement à des réseaux électrique, hydraulique ou aéraulique ; que ces dispositions, qui se bornent ainsi à expliciter la portée des obligations rappelées ci-dessus, n'ont pas eu pour objet, ni ne sauraient avoir pour effet de prévoir des conditions plus restrictives que celles fixées par le règlement du 16 avril 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait sur ce point les dispositions des articles 2 et 11 du règlement du 16 avril 2014 doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il découle de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions des articles R. 543-78 et R. 543-84 du code de l'environnement n'ajoutent aux prescriptions du règlement du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés aucune règle technique nouvelle dont l'adoption aurait dû être préalablement notifiée à la Commission européenne ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des points 1 et 2 de l'article 25 du règlement du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, les États membres déterminent le régime des sanctions applicables en cas de violation du règlement et notifient ce dispositif à la Commission européenne au plus tard le 1er janvier 2017 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions, qui visent à assurer une bonne information de la Commission européenne, n'imposent pas, à peine d'irrégularité du décret attaqué, que les sanctions qu'il prévoit fassent l'objet d'une notification à la Commission préalablement à leur adoption ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Star Light tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2015 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'État sur le fondement de l'illégalité fautive du décret du 28 décembre 2015 :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la société Star Light n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'État sur le fondement de l'illégalité du décret du 28 décembre 2015 ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'État sur le fondement de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, durant la phase d'élaboration du règlement 517/2014 du 16 avril 2014, la directrice générale de la prévention des risques a informé la société Star Light, par lettre du 28 octobre 2013, que les autorités françaises étaient favorables à ce que l'obligation d'installation par un professionnel ne s'applique plus aux équipements de climatisation multi-blocs dont les conditions d'installation permettent de garantir un confinement comparable à celui des équipements hermétiquement scellés et qu'une telle évolution de la réglementation devrait bénéficier aux climatiseurs produits par la société ; que cette lettre précisait toutefois qu'une telle disposition, pour être intégrée dans la version finale du règlement, nécessiterait l'accord d'une majorité qualifiée de membres de l'Union européenne ; qu'une telle lettre ne pouvait être regardée comme l'assurance donnée par l'administration d'une évolution de la réglementation applicable aux climatiseurs fabriqués par la société requérante ; que, par lettre du 12 février 2015, la directrice générale de la prévention des risques a confirmé à la société requérante que le règlement du 16 avril 2014, dont les dispositions sont très similaires sur ce point à celles du règlement 842/2006 du 17 mai 2006 qu'il remplace, n'assimile pas les équipements fabriqués par la société à des équipements hermétiquement scellés ; que, par une lettre du 29 juillet 2015 adressée à un élu régional, le ministre chargé de l'environnement a indiqué que s'il n'avait pas d'objection à ce que la commercialisation des climatiseurs produits par la société Star Light puisse se poursuivre sur le territoire national, le procédé utilisé ne constituait pas, selon la Commission européenne, un système hermétiquement scellé et nécessitait par suite une installation par un professionnel après commercialisation ; que cette lettre rappelait la portée de la réglementation applicable sur laquelle la société et son conseil ne pouvaient pas se méprendre ; que, lors d'échanges ultérieurs, l'administration a confirmé la portée des dispositions du règlement du 16 avril 2014 et du code de l'environnement ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration ne lui a donné aucune assurance qu'elle ne pouvait légalement respecter, ni pris des positions contradictoires en méconnaissance du principe de confiance légitime et plus largement du principe de sécurité juridique ; que, par suite, elle n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État sur ce fondement ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que les conclusions indemnitaires de la société Star Light doivent être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la société Star Light doivent être rejetées, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n° 379194 et n° 404444 sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Star Light, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397194
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 397194
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397194.20170621
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