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14/06/2017 | FRANCE | N°405088

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 14 juin 2017, 405088


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 30 août 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer et invité la partie la plus diligente à saisir le juge administratif de la question de la légalité de la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger en tant qu'elle instaure une décote annuelle et fixe un taux de décote qui n'est pas prévu par la loi.

Par un mémoire

et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 novembre 2016 et le 26 avril...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 30 août 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer et invité la partie la plus diligente à saisir le juge administratif de la question de la légalité de la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger en tant qu'elle instaure une décote annuelle et fixe un taux de décote qui n'est pas prévu par la loi.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 novembre 2016 et le 26 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société anonyme Banque populaire Méditerranée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger et de déclarer que les énonciations de cette circulaire qui instituent une décote et qui en fixent le taux à 7 % sont entachées d'illégalité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des douanes ;

- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de la société Banque Populaire Côte d'Azur et de la société Banque Populaire Mediterranée (SA) et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du ministre de l'action et des comptes publics.

Considérant ce qui suit :

1. Saisi d'un litige relatif à des droits de passeport réclamés par l'administration des douanes à la société Banque populaire Côte d'Azur, devenue Banque populaire Méditerranée, au titre de navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger, le tribunal de grande instance de Marseille, par un jugement en date du 30 août 2016, a sursis à statuer sur ce litige et invité la partie la plus diligente à saisir le juge administratif de la question préjudicielle relative à la légalité de la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger, au motif que celle-ci instaure une décote annuelle, dont elle fixe le taux, sur la valeur des navires retenue pour déterminer le bénéfice de l'exonération du droit de passeport.

2. Aux termes de l'article 49 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction. / Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

3. Il est constant, en l'espèce, que la saisine du juge administratif ne procède pas directement d'une transmission du juge judiciaire, telle que prévue par les dispositions précitées, mais de la société Banque populaire Méditerranée. Toutefois, eu égard au dispositif du jugement rappelé au point 1, la saisine du juge administratif par la société Banque populaire Méditerranée doit être regardée, compte tenu de ses effets qui sont similaires à la mise en oeuvre des dispositions précitées, comme équivalente à la transmission organisée par celles-ci.

4. Aux termes du troisième alinéa de l'article 238 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 : " (...) Sont exonérées de droit de passeport les sociétés propriétaires d'un navire de plaisance ou de sport d'une valeur inférieure à 500 000 euros hors taxes faisant l'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail conclu avec une personne physique n'ayant pas sa résidence principale en France ou avec une personne morale ne disposant pas d'établissement en France, à l'exclusion de celles qui seraient contrôlées directement ou indirectement par une personne physique ayant sa résidence principale en France ".

5. Selon les énonciation du A du II de la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger, l'octroi de l'exonération du droit de passeport pour un navire de plaisance ou de sport est apprécié au regard du contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail le plus récent qui s'y rapporte et, au titre de l'année 2010, la valeur plafond de 500 000 € du navire est définie comme étant le montant hors taxes facturé au locataire à titre définitif et correspondant au financement du navire pour toute la durée du contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail du navire, cette valeur reprenant tous les éléments facturés (apport, loyers...) au locataire et devant être expressément mentionnée sur le contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail le plus récent. Aux termes du même A du II : " (...) pour la détermination de la valeur du navire au 1er janvier 2010, un dispositif de décote est mis en place pour les navires dont le contrat de LOA ou de crédit-bail, conclu antérieurement à cette date, était toujours en vigueur en 2010 (voir point C ) ". Le C du II de cette circulaire précise : " (...) Afin de prendre en compte la dépréciation de la valeur d'un navire de plaisance ou de sport au titre de l'année 2010, il est instauré une décote annuelle de 7 % sur la valeur hors taxes mentionnée sur le dernier contrat de LOA ou de crédit-bail pour le navire considéré. Elle est à calculer chaque 1er janvier, arrondie à l'euro le plus proche (la fraction d'euro égale à 0,50 compte pour 1) (...) ".

6. Quelles que soient les modalités de calcul de la valeur inférieure à 500 000 euros hors taxes faisant l'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou de crédit-bail conclu avec une personne physique mentionnée à l'article 238 du code des douanes, il ne résulte ni des termes de cet article ni d'aucune autre disposition législative que cette valeur doive être diminuée d'une décote annuelle de 7 %. Par suite, les énonciations de la circulaire citées au point 5, qui prévoient l'application d'une décote annuelle sur le prix facturé pour le navire afin de tenir compte de sa dépréciation, ont été édictées par une autorité incompétente. Ainsi, cette circulaire est, dans cette mesure, entachée d'illégalité.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Banque populaire Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que la circulaire du 18 avril 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relative au régime administratif et fiscal des navires de plaisance ou de sport sous pavillon étranger est entachée d'illégalité en tant qu'elle prévoit l'application d'une décote annuelle à la valeur du navire pour le bénéfice de l'exonération de droit de passeport prévue à l'article 238 du code des douanes.

Article 2 : L'Etat versera à la société Banque populaire Méditerranée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Banque populaire Méditerranée, au ministre de l'action et des comptes publics et au tribunal de grande instance de Marseille.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405088
Date de la décision : 14/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2017, n° 405088
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP LEVIS ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:405088.20170614
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