Par un mémoire, enregistré le 7 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B...A...demande au Conseil d'État, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 19° au 21° du I et du II de l'article 258 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du travail ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, notamment son article 258 ;
- la décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que les 19° à 21° du I et le II de l'article 258 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ont inséré dans le code du travail un ensemble de dispositions créant un statut de défenseur syndical reconnu aux personnes qui, inscrites sur une liste par l'autorité administrative sur proposition des organisations représentatives des salariés et des employeurs, peuvent exercer des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale ; que l'article L. 1453-6 du code du travail, issu du 21° du I de l'article 258 de cette loi, prévoit, en particulier, que : " Le temps passé par le défenseur syndical hors de l'entreprise pendant les heures de travail pour l'exercice de sa mission est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise. / Ces absences sont rémunérées par l'employeur et n'entraînent aucune diminution des rémunérations et avantages correspondants. / Les employeurs sont remboursés par l'État des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l'exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants. / (...) " ; que les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail, issus de la même disposition, précisent que " le défenseur syndical est tenu au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. / Il est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d'une négociation " ;
Sur les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail :
3. Considérant que le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 258 de la loi du 6 août 2015 ; que, par suite, en l'absence de circonstances nouvelles, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M. A...est, dans cette mesure, devenue sans objet ;
Sur les autres dispositions contestées :
4. Considérant, d'une part, qu'en prévoyant une dérogation au monopole, reconnu aux avocats, d'assistance et de représentation des parties au profit des défenseurs syndicaux, le législateur a entendu permettre la désignation par les organisations représentatives de salariés et d'employeurs de personnes dont les connaissances acquises et l'expérience professionnelle leur permettent d'assurer la représentation et l'assistance de parties à titre non habituel et devant les seules juridictions statuant sur le contentieux du travail ; que le législateur a ainsi suffisamment défini les conditions d'exercice de la représentation des parties devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que les dispositions précitées méconnaîtraient la compétence que le législateur tient de la Constitution et, par suite, le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
5. Considérant, d'autre part, que les dispositions critiquées ne soumettent, par elles-mêmes, à aucune charge particulière ou sujétion les avocats souhaitant assurer la représentation des parties devant les juridictions statuant en matière prud'homale ; qu'au demeurant, les avocats, professionnels du droit exerçant leur mission d'assistance et de représentation des justiciables devant les juridictions à titre libéral, se trouvent dans une situation différente de celle des défenseurs syndicaux qui réalisent, à côté de leur activité professionnelle, des missions ponctuelles de représentation des justiciables devant les juridictions statuant en matière prud'homale ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en prévoyant que la rémunération des absences des défenseurs syndicaux par leurs employeurs fait l'objet d'un remboursement par l'État, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité devant la loi ou le principe d'égalité devant les charges publiques ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au ministre de l'économie et des finances, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.