Vu la procédure suivante :
L'association des musulmans de Villejuif a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Villejuif a délivré un permis de construire à la société civile immobilière de construction vente Villejuif 132-136 Gorki pour la construction d'une résidence étudiante, d'un ensemble de logements en colocation, d'un ensemble d'habitations, d'un local associatif culturel et d'un local commercial sur un terrain situé 132-136 bis boulevard Maxime Gorki à Villejuif. Par une ordonnance n° 1503362 du 5 novembre 2015, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté cette requête pour irrecevabilité manifeste.
Par une ordonnance n° 16PA00075 du 14 janvier 2016, enregistrée le 19 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 821-1, R. 351-2 et R. 811-1-1 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 5 janvier 2016 au greffe de la cour, présenté par l'association des musulmans de Villejuif. Par ce pourvoi et par deux mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 16 mars et 13 avril 2016, l'association des musulmans de Villejuif demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Melun du 5 novembre 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Villejuif et de la SCICV Villejuif 132-136 Gorki la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'association des musulmans de Villejuif, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la commune de Villejuif et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCICV Villejuif 132-136 Gorki ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ". Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 222-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006: " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
2. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions du code de justice administrative citées au point 1 sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association des musulmans de Villejuif a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Villejuif a délivré un permis de construire à la SCICV Villejuif 132-136 Gorki. Cette société ainsi que la commune de Villejuif ont soulevé, devant le tribunal administratif, une fin de non recevoir tirée de ce que l'association requérante ne leur avait pas notifié sa requête en méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Le tribunal administratif a communiqué ces mémoires à l'association des musulmans de Villejuif les 29 mai et 16 juin 2015, en l'invitant à produire ses observations dans un délai de trente jours. Cette communication ne comportait aucune invitation faite à l'association requérante de régulariser sa requête par la production des pièces justifiant qu'elle avait accompli, dans les délais imposés par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, la formalité prévue à cet article ni aucune indication sur les conséquences susceptibles de s'attacher à l'absence de régularisation de sa requête dans le délai imparti. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête de cette association comme manifestement irrecevable, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son ordonnance.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L 821-2 du code de justice administrative.
5. Il ressort des pièces du dossier que, malgré les fins de non-recevoir de la SCICV Villejuif 132-136 Gorki et de la commune de Villejuif, rappelées au point 3, l'association des musulmans de Villejuif n'a pas justifié avoir accompli, dans les délais imposés par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, la formalité prévue par cet article et rappelée, conformément aux dispositions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, par les mentions figurant sur l'affichage du permis de construire délivré par l'arrêté du 2 mars 2015. Sa requête est par suite irrecevable et doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des musulmans de Villejuif la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser, à hauteur de 2 000 euros pour chacune, à la commune de Villejuif et à la SCICV Villejuif 132-136 Gorki.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 5 novembre 2015 de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : La requête présentée par l'association des musulmans de Villejuif devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : L'association des musulmans de Villejuif versera respectivement à la commune de Villejuif et à la SCICV Villejuif 132-136 Gorki la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association des musulmans de Villejuif, à la commune de Villejuif et à la société civile immobilière de construction Villejuif 132-136 Gorki.