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13/04/2017 | FRANCE | N°407227

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 13 avril 2017, 407227


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 23 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 4 du décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l'article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale, en tant qu'il crée le 2ème alinéa de l'article 1444-3 et le 2ème alinéa de l'article 1145 du code de procédure civile.

Vu les autres pièces du dossier ;

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- l'ordonnance n° 58-1...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 23 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 4 du décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l'article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale, en tant qu'il crée le 2ème alinéa de l'article 1444-3 et le 2ème alinéa de l'article 1145 du code de procédure civile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- la loi du 25 ventôse an XI ;

- l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 ;

- la décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 4 du décret du 28 décembre 2016, qui a pour objet de préciser la procédure applicable au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, prévu par les articles 229-1 à 229-4 du code civil, en tant qu'il crée le 2ème alinéa de l'article 1444-3 et le 2ème alinéa de l'article 1145 du code de procédure civile ;

2. Considérant que M. B...soutient que le décret qu'il attaque a été pris sur le fondement des dispositions du 5° de l'article 229-3 du code civil ainsi que de l'article 710-1 et du deuxième alinéa de l'article 835 du même code, dispositions dont il soutient qu'elles méconnaissent la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ainsi que le principe d'égalité, garanti par son article 6 ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 229-3 du code civil : " Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas. / La convention comporte expressément, à peine de nullité : / (...) 4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s'il y a lieu au versement d'une prestation compensatoire ; / 5° L'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation (...) " ; qu'aux termes de l'article 710-1 du même code : " Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative. (...) " ; que l'article 835 de ce code dispose que : " Si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties. / Lorsque l'indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, l'acte de partage est passé par acte notarié. " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1144-3 du code de procédure civile, créé par le décret attaqué : " La convention de divorce précise la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire. / Lorsque ceux-ci sont soumis à la publicité foncière, l'attribution est opérée par acte dressé en la forme authentique devant notaire, annexé à la convention. " ; qu'aux termes de l'article 1145 du même code : " La convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble, en trois exemplaires. / Le cas échéant, y sont annexés le formulaire signé et daté par chacun des enfants mineurs, l'état liquidatif de partage en la forme authentique et l'acte authentique d'attribution de biens soumis à publicité foncière. (...) " ; que l'obligation de recourir à un notaire, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, pour l'établissement de l'état liquidatif du régime matrimonial lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière résulte de l'article 229-3 précité et, pour l'attribution à titre de prestation compensatoire de biens ou droits soumis à la publicité foncière, de l'article 710-1 précité ; que l'article 835 du même code ne peut donc être regardé comme applicable au litige ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016 a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 50 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a introduit, dans le code civil, l'article 229-3 ; qu'aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

7. Considérant en troisième lieu, d'une part, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

8. Considérant qu'en réservant notamment aux notaires la réception des actes authentiques devant donner lieu aux formalités de publicité foncière par l'article L. 710-1 du code civil, le législateur a entendu protéger la propriété foncière en conférant à ces actes la force exécutoire susceptible d'être attachée aux actes notariés ainsi que la sécurité juridique renforcée que garantit leur contrôle par des officiers publics ministériels spécialement qualifiés ; qu'en effet, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, " les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions " ; que les actes notariés sont revêtus d'une valeur probante particulière et peuvent avoir force exécutoire, en vertu des articles 1371 du code civil et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, et sont soumis à une obligation de conservation, en application de l'article 26 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires ; que les notaires remplissent les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance prévues par l'article 4 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat ; qu'ils sont soumis au devoir de conseil et doivent respecter les règles contenues dans le règlement national des notaires, à peine de sanctions disciplinaires prononcées par le conseil de l'ordre en vertu de l'article 5-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée ; qu'ainsi, et alors que M. B... ne précise pas quelles contraintes matérielles ou juridiques l'obligation de recourir à la forme notariée pour les actes soumis aux formalités de publicité foncière ferait peser sur les intéressés, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle ;

9. Considérant d'autre part, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

10. Considérant que M. B...soutient que l'obligation de recourir à un acte notarié pour l'attribution, à titre de prestation compensatoire, de biens ou droits soumis à la publicité foncière porterait atteinte au principe d'égalité entre les couples engagés dans une procédure de divorce par consentement mutuel selon qu'ils sont ou non propriétaires de biens immobiliers et peuvent ainsi, dans ce dernier cas, n'avoir recours qu'à un acte contresigné par un avocat ; que cette différence de traitement, qui résulte de l'application de l'article 710-1 du code civil précité, est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, rappelé ci-dessus, et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation et du motif d'intérêt général poursuivi ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 710-1 du code civil méconnaîtraient le principe d'égalité pour ce motif ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, que le moyen tiré de ce que le 5° de l'article 229-3, l'article 710-1 et le 2ème alinéa de l'article 835 du code civil portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ; que M.B..., qui ne soulève pas d'autre moyen à l'appui de sa requête, n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 407227
Date de la décision : 13/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2017, n° 407227
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:407227.20170413
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