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31/03/2017 | FRANCE | N°406904

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 31 mars 2017, 406904


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 17 janvier et 28 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2016-1537 du 16 novembre 2016 relatif aux recherches impliquant la personne humaine, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des disposit

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Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 17 janvier et 28 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2016-1537 du 16 novembre 2016 relatif aux recherches impliquant la personne humaine, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 1121-1 et L. 1121-4 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- les articles L. 1121-1 et L. 1121-4 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche impliquant la personne humaine ". / Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : / 1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ; / 2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; / 3° Les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. (...) ". Aux termes de l'article L. 1124-4 du même code : " La recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1 ne peut être mise en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1 et autorisation de l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 1123-12. (...) / Les recherches mentionnées au 2° de l'article L. 1121-1 et les recherches non interventionnelles ne peuvent être mises en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1. (...) / Lorsque les recherches mentionnées au 2° de l'article L. 1121-1 figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le comité de protection des personnes concerné s'assure auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé que l'utilisation des produits sur lesquels porte la recherche ne présente que des risques minimes. / En cas de doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l'article L. 1121-1, le comité de protection des personnes concerné saisit pour avis l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ".

3. La Fédération des entreprises de la beauté fait valoir qu'en subordonnant les recherches mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique à l'avis favorable du comité de protection des personnes, les dispositions des articles L. 1121-1 et L. 1121-4 de ce code portent à la liberté d'entreprendre des fabricants et des organismes de recherche du secteur de la cosmétique une atteinte qui est injustifiée et disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par le législateur.

4. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

5. Il résulte de l'article L. 1123-7 du code de la santé publique que les comités de protection des personnes ont pour mission, lorsqu'ils sont saisis d'un projet de recherche en application de l'article L. 1121-4, d'examiner notamment les modalités de protection des participants au projet, l'adéquation, l'exhaustivité et l'intelligibilité des informations qui leur sont fournies ainsi que la procédure à suivre pour obtenir leur consentement éclairé, les modalités de leur indemnisation, la pertinence de la recherche, la pertinence scientifique et éthique des projets de constitution d'échantillons biologiques et la pertinence des données à caractère personnel collectées au regard de l'objectif de la recherche. L'article L. 1121-4 permet, en outre, au comité de vérifier à laquelle des catégories définies par l'article L. 1121-1 appartient chacun des projets de recherche qui lui sont soumis et, s'agissant de certaines des recherches visées par le 2° de l'article L. 1121-1, de demander le cas échéant à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé son avis sur l'importance des risques encourus. Il suit de là que la soumission des trois catégories de recherches énumérées à l'article L. 1121-1 à la procédure d'avis favorable du comité de protection des personnes est justifiée par l'objectif d'intérêt général de protection des personnes qui participent aux recherches et par la préoccupation d'assurer que chaque projet est soumis à un type de contrôle correspondant à la nature des risques courus par ces participants. Si la fédération requérante soutient que la contrainte administrative impliquée par cette procédure est disproportionnée au regard de cet objectif, elle ne peut utilement invoquer les modalités réglementaires qui gouvernent cette procédure pour contester la constitutionnalité de la loi. Par ailleurs, d'une part, les dispositions critiquées, applicables aux recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales, ne s'appliquent pas aux études qui visent seulement à recueillir l'opinion des utilisateurs des produits et, d'autre part, l'article L. 1121-16-2 du code de la santé publique prévoit que l'article L. 1121-4 n'est pas applicable " aux recherches non interventionnelles portant sur des produits cosmétiques ou alimentaires lorsque ces recherches figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé ". Il suit de là que le législateur a, lui-même, prévu que seraient exclues de la procédure d'avis favorable les recherches non interventionnelles menées dans le secteur de la cosmétique pour lesquelles cette procédure ne paraîtrait pas nécessaire. La soumission des recherches visées aux 2° et 3° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique à la procédure d'avis favorable des comités de protection des personnes, qui répond ainsi à l'objectif poursuivi par le législateur, ne porte pas, en elle-même, compte tenu notamment des dérogations prévues par l'article L. 1121-16-2, une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

6. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 1121-1 et L. 1121-4 du code de la santé publique porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des entreprises de la beauté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des entreprises de la beauté et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 406904
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2017, n° 406904
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sabine Monchambert
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406904.20170331
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