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31/03/2017 | FRANCE | N°395625

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31 mars 2017, 395625


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 août 2011 par laquelle le président du conseil général de la Drôme a prononcé son licenciement à titre disciplinaire. Par un jugement n° 1106717 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du président du conseil général de la Drôme du 25 août 2011.

Par un arrêt n° 13LY02448 du 22 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, à la demande du département de la Drôme, a annulé ce

jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2013 et rejeté la demand...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 août 2011 par laquelle le président du conseil général de la Drôme a prononcé son licenciement à titre disciplinaire. Par un jugement n° 1106717 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du président du conseil général de la Drôme du 25 août 2011.

Par un arrêt n° 13LY02448 du 22 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, à la demande du département de la Drôme, a annulé ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2013 et rejeté la demande de MmeB....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2015, 29 mars 2016 et 6 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département de la Drôme et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge du département de la Drôme la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de Mme B...et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département de la Drôme.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a été recrutée par le département de la Drôme à compter du 1er juillet 2009, en qualité d'assistante familiale agréée. Par une décision du 25 août 2011, le président du conseil général de la Drôme a prononcé son licenciement pour faute grave, alors qu'elle était enceinte. Elle demande l'annulation de l'arrêt du 22 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, annulant le jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Grenoble, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant son licenciement.

2. Aux termes de l'article 41 du décret du 15 février 1988, applicable, en vertu de l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, aux assistants maternels et familiaux employés par des collectivités territoriales : " Aucun licenciement ne peut être prononcé lorsque l'agent se trouve en état de grossesse médicalement constatée ou en congé de maternité (...) / L'engagement peut toutefois être résilié dans les conditions prévues aux articles R. 1225-2, L. 1225-4, L. 1225-5, L. 1225-6, R. 1225-10 et L. 1225-39 du code du travail ". L'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose que : " Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. / Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa ". Aux termes de l'article L. 1225-19 du même code : " Lorsque, avant l'accouchement, la salariée elle-même ou le foyer assume déjà la charge de deux enfants au moins ou lorsque la salariée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables, le congé de maternité commence huit semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix-huit semaines après la date de celui-ci. / (...) La période de huit semaines de congé de maternité antérieure à la date présumée de l'accouchement peut être augmentée d'une durée maximale de deux semaines. La période de dix-huit semaines postérieure à la date de l'accouchement est alors réduite d'autant ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1225-24 du code du travail : " Le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail. La salariée avertit l'employeur du motif de son absence et de la date à laquelle elle entend y mettre fin ". Enfin, il résulte des articles D. 1225-4-1 et R. 1225-3 du même code que la salariée avertit son employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé et que la formalité est réputée accomplie au jour de l'expédition de la lettre recommandée.

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'un employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée enceinte, même pour faute grave non liée à l'état de grossesse, si la rupture du contrat de travail prend effet ou est notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit et, d'autre part, que la salariée qui assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou qui a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables a droit à un congé de maternité qui commence, au choix de l'intéressée, entre huit et dix semaines avant la date présumée de l'accouchement.

4. La cour administrative d'appel de Lyon, qui a fait application à MmeB..., enceinte de son quatrième enfant, des dispositions applicables aux mères d'au moins deux enfants, a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, qu'il résultait du certificat médical produit par l'intéressée que la date présumée de son accouchement était fixée au 23 octobre 2011 et qu'elle avait adressé à son employeur, le 24 août 2011, un courrier recommandé indiquant qu'elle se trouvait en congé maternité. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le début de son congé maternité devait être fixé non au 24 août 2011, date d'expédition de la lettre avertissant son employeur de son absence pour ce motif à compter du même jour, ainsi que l'article L. 1225-19 du code du travail le lui permettait, mais seulement au 28 août 2011, début de la période de huit semaines précédant la date présumée de l'accouchement, ce dont elle a déduit que le département avait pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 1225-4 du même code, la licencier par une décision du 25 août 2011 prenant effet le 26 août suivant et notifiée avant le 28 août 2011.

5. MmeB..., qui soutenait devant les juges du fond que son licenciement avait été prononcé en méconnaissance de l'article L. 1225-4 du code du travail, est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 octobre 2015. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 2 000 euros à verser à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du département de la Drôme présentées au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le département de la Drôme versera à Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du département de la Drôme présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au département de la Drôme.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395625
Date de la décision : 31/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2017, n° 395625
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395625.20170331
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