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29/03/2017 | FRANCE | N°392292

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 29 mars 2017, 392292


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 392292, par une requête enregistrée le 3 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République portant nomination de magistrats du 27 juillet 2015 en tant qu'il nomme vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris M. J...L..., Mme M...U..., Mme I...R..., M. O...H..., Mme E...D..., Mme N...T..., Mme I...S..., Mme P... K...;

2°) d'enjoindre à l'

administration de procéder à sa nomination en qualité de vice-président chargé de...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 392292, par une requête enregistrée le 3 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République portant nomination de magistrats du 27 juillet 2015 en tant qu'il nomme vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris M. J...L..., Mme M...U..., Mme I...R..., M. O...H..., Mme E...D..., Mme N...T..., Mme I...S..., Mme P... K...;

2°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa nomination en qualité de vice-président chargé des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, sous astreinte de 2 000 euros par semaine de retard.

2° Sous le n° 394531, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 novembre 2015 et 24 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 4 novembre 2015, en tant qu'elle propose la nomination de Mme B...Q...et de M. F...A...comme vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, ainsi que le décret du Président de la République du 23 décembre 2015 en tant qu'il procède à ces nominations ;

2°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa nomination en qualité de vice-président chargé des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, sous astreinte de 2 000 euros par semaine de retard.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 64 et 65 ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. G...C..., magistrat, a été nommé vice-président placé près le premier président de la cour d'appel de Paris, par décret du Président de la République du 21 août 2012, pour une prise de fonctions le 1er septembre 2012 ; qu'il s'est porté candidat, en vue des affectations de magistrats devant intervenir en juillet 2015, pour occuper le poste de vice-président chargé des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, en se prévalant du bénéfice des dispositions du 9ème alinéa de l'article 3-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas proposé sa nomination sur ce poste ; que, par décret du 27 juillet 2015 portant nomination de magistrats, le Président de la République a nommé M. J...L..., Mme M...U..., Mme I...R..., M. O...H..., Mme E...D..., Mme N...T..., Mme I...S..., Mme P...K...vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris ; que M. C...s'est de nouveau porté candidat, pour occuper le poste de vice-président chargé des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, en se prévalant du bénéfice des mêmes dispositions, en vue des nominations devant intervenir en décembre 2015 ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, dans sa décision du 4 novembre 2015 relative aux projets de nomination, n'a pas proposé sa nomination sur ce poste, mais celle de Mme B...Q...et de M. F...A...; que, par décret du 27 juillet 2015 portant nomination de magistrats, le Président de la République a nommé Mme B...Q...et de M. F...A...vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris ; que, par des requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, M. C...demande, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir du décret du Président de la République du 27 juillet 2015 en tant qu'il procède à ces huit nominations, d'autre part, de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 4 novembre 2015 en tant qu'elle propose la nomination de Mme B...Q...et de M. F...A..., ainsi que du décret du Président de la République du 23 décembre 2015 en tant qu'il procède à ces deux nominations ;

Sur la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 4 novembre 2015 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 27-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Le projet de nomination à une fonction du premier ou du second grade et la liste des candidats à cette fonction sont communiqués pour les postes du siège ou pour ceux du parquet à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. / Ce projet de nomination est adressé aux chefs de la Cour de cassation, aux chefs des cours d'appel et des tribunaux supérieurs d'appel, à l'inspecteur général des services judiciaires ainsi qu'aux directeurs et chefs de service de l'administration centrale du ministère de la justice, qui en assurent la diffusion auprès des magistrats en activité dans leur juridiction, dans le ressort de leur juridiction ou de leurs services. Ce document est adressé aux syndicats et organisations professionnelles représentatifs de magistrats et, sur leur demande, aux magistrats placés dans une autre position que celle de l'activité. / Toute observation d'un candidat relative à un projet de nomination est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Conseil supérieur de la magistrature (....) " ; qu'aux termes de l'article 28 de la même ordonnance dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Les décrets de nomination aux fonctions de président d'un tribunal de grande instance ou d'un tribunal de première instance ou de conseiller référendaire à la Cour de cassation sont pris par le Président de la République sur proposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. / Les décrets portant promotion de grade ou nomination aux fonctions de magistrat autres que celles mentionnées à l'alinéa précédent sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège et après avis de la formation compétente du Conseil supérieur pour ce qui concerne les magistrats du parquet. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la proposition de nomination du garde des sceaux, ministre de la justice, constitue un acte préparatoire au décret de nomination du Président de la République ; qu'une telle proposition n'a, dès lors, pas le caractère de décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que M. C...n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 4 novembre 2015, en tant qu'elle propose la nomination de Mme B...Q...et de M. F...A...comme vice-présidents chargés des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris ; que ses conclusions dirigées contre cette décision doivent donc être rejetées ;

Sur le décret du Président de la République portant nomination de magistrats du 27 juillet 2015 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 64 de la Constitution : " Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. / Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. / Une loi organique porte statut des magistrats. / Les magistrats du siège sont inamovibles. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 65 de la Constitution : " Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet " ; qu'aux termes du quatrième alinéa de ce même article : " La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. " ; qu'aux termes du dernier alinéa de cet article : " La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " I. - Le corps judiciaire comprend : (...) 2° Les magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel et ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés et dans l'ensemble des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même ordonnance, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, " La hiérarchie du corps judiciaire comprend deux grades (...) " ; qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article 3-1 de la même ordonnance, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, qui prévoit la possibilité pour les magistrats mentionnés au 2° de l'article 1er d'exercer temporairement certaines fonctions à titre de remplacement ou de renfort : " Après deux ans d'exercice dans leurs fonctions et sur leur demande, ces magistrats sont nommés au tribunal de grande instance du siège de la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés ou au tribunal de grande instance le plus important du département où est située ladite cour. La nomination intervient sur le premier emploi vacant respectivement du siège ou du parquet du niveau hiérarchique auquel ces magistrats appartiennent et pour lequel ils se sont portés candidats, à l'exception des emplois de chef de juridiction, premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance. " ;

6. Considérant que l'exigence de l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations des magistrats du siège, prévue par l'article 65 de la Constitution, est une garantie essentielle de l'indépendance de l'autorité judiciaire et concourt au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ; que l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 cité ci-dessus, auquel l'article 3-1 ne déroge pas, prévoit de façon générale que toute nomination d'un magistrat du siège est soumise à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un magistrat ayant exercé les fonctions prévues par l'article 3-1 de l'ordonnance organique, a le droit, à l'issue d'un délai de deux ans dans l'exercice de ces fonctions et sur sa demande, d'être nommé au tribunal de grande instance du siège de la cour d'appel à laquelle il est rattaché ou au tribunal de grande instance le plus important du département où est située ladite cour ; qu'il a, en outre, vocation à être nommé, dans cette juridiction, sur le premier emploi vacant du niveau hiérarchique auquel il appartient et pour lequel il s'est porté candidat ; que l'administration est, en principe, tenue de proposer la nomination d'un magistrat qui se porte candidat à un tel emploi, lorsque sa candidature satisfait aux conditions posées par l'article 3-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; que toutefois, il en va différemment lorsque le Conseil supérieur de la magistrature s'est déjà récemment prononcé par un avis non conforme sur l'aptitude de l'intéressé à exercer de telles fonctions ;

8. Considérant que M. C...fait valoir, à l'appui des conclusions dirigées contre le décret attaqué, qu'il s'était lui-même porté candidat sur cet emploi et remplissait les conditions posées par l'article 3-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour disposer d'un droit de priorité sur celui-ci ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le Conseil supérieur de la magistrature avait émis, le 25 juin 2014, lors d'une récente procédure de nomination, un an auparavant, un avis non conforme à sa nomination sur de telles fonctions ; que le garde des sceaux, ministre de la justice n'était donc pas tenu de proposer une nouvelle fois sa candidature sur le même poste dans ce délai, contrairement à ce que soutient M. C...; qu'ainsi, ses conclusions tendant à l'annulation du décret attaqué doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur le décret du Président de la République portant nomination de magistrats du 23 décembre 2015 :

9. Considérant, en premier lieu, que M. C...fait valoir, à l'appui des conclusions dirigées contre le décret attaqué, qu'il s'était lui-même porté candidat sur cet emploi et remplissait les conditions posées par l'article 3-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour disposer d'un droit de priorité sur celui-ci ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le Conseil supérieur de la magistrature avait émis, le 25 juin 2014, lors d'une procédure de nomination ayant eu lieu un an et demi auparavant, un avis non conforme à sa nomination sur de telles fonctions ; que, dans les circonstances de l'espèce, cet avis peut être regardé comme suffisamment récent, alors au demeurant que l'évaluation des magistrats n'est établie, sauf exceptions, en application des dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, que tous les deux ans ; que le garde des sceaux, ministre de la justice n'était donc pas tenu de proposer une nouvelle fois sa candidature sur le même poste dans ce délai ;

10. Considérant, en second lieu, que le garde des sceaux, ministre de la justice a pu légalement estimer qu'il n'existait pas d'éléments nouveaux intervenus depuis l'avis non conforme du Conseil supérieur de la magistrature du 25 juin 2014 de nature à conduire à une appréciation différente sur la situation de M. C...et, par suite, ne pas retenir sa candidature ; que M. C...n'est pas davantage fondé à soutenir que le décret attaqué du Président de la République, pris sur la proposition du garde des sceaux et après avis du Conseil supérieur de la magistrature, serait entaché d'erreur d'appréciation en tant qu'il n'a pas retenu sa candidature ;

11. Considérant qu'il suit de là M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. C...sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. G...C..., à M. J...L..., à Mme M...U..., à Mme I...R..., à M. O...H..., à Mme E...D..., à Mme N...T..., à Mme I...S..., à Mme P...K..., à Mme B...Q..., à M. F...A..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392292
Date de la décision : 29/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 2017, n° 392292
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392292.20170329
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