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17/03/2017 | FRANCE | N°408899

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 17 mars 2017, 408899


Vu la procédure suivante :

M. F...E...et Mme A...C...épouse E...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution des arrêtés du 20 décembre 2016 par lesquels le ministre de l'intérieur a prolongé leurs assignations à résidence sur le territoire de la commune de Maubeuge (Nord), au-delà d'une année et pour une durée de 90 jours, avec obligation de présentation quotidienne au commissariat de police, en deuxième lieu de suspendre

l'exécution de la décision du 3 janvier 2017 refusant d'aménager les co...

Vu la procédure suivante :

M. F...E...et Mme A...C...épouse E...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution des arrêtés du 20 décembre 2016 par lesquels le ministre de l'intérieur a prolongé leurs assignations à résidence sur le territoire de la commune de Maubeuge (Nord), au-delà d'une année et pour une durée de 90 jours, avec obligation de présentation quotidienne au commissariat de police, en deuxième lieu de suspendre l'exécution de la décision du 3 janvier 2017 refusant d'aménager les conditions d'assignation à résidence de M. E..., et enfin de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 janvier 2017 interdisant à M. E...d'entrer en contact avec M. B...D....

Par une ordonnance nos 1701154, 1701156 du 13 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 16 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant comme juge des référés, de faire droit à leurs demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, leur avocat, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière, faute pour le juge des référés du tribunal administratif de Lille d'avoir visé et analysé les conclusions présentées par M. E...tendant à la suspension de la décision du 3 janvier 2017 refusant d'aménager les modalités de son assignation à résidence ;

- le juge des référés a méconnu son office dès lors qu'il était tenu soit de suspendre les mesures litigieuses, soit de prescrire d'autres mesures conservatoires dans l'attente que le Conseil constitutionnel statue sur la question prioritaire de constitutionnalité dont il était saisi au titre du II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 ;

- la condition d'urgence est présumée remplie ;

- les actes contestés portent une atteinte grave et manifestement illégale à leurs libertés fondamentales ;

- les mesures d'assignation à résidence ont été prolongées en l'absence de production, par le ministre de l'intérieur, d'éléments nouveaux attestant de l'existence de raisons sérieuses de penser que leur comportement actuel constituerait une menace pour la sécurité et l'ordre publics ;

- les mesures litigieuses ont été édictées sur la base d'allégations floues, générales et imprécises dont il est impossible de rapporter la preuve contraire ;

- les décisions du 20 décembre 2016, prolongeant leurs assignations à résidence, prises sur le fondement de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, ne satisfont pas aux exigences constitutionnelles requises pour pouvoir être regardées comme ne portant pas une atteinte excessive à leur liberté d'aller et venir ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés à l'appui de celle-ci n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;

- la loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 ;

- la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ;

- la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 ;

- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme E..., d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 17 mars 2017 à 9H30 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et MmeE... ;

- M. et MmeE... ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

Sur le cadre juridique du litige :

2. En application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain et prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis prorogé à nouveau pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016, une durée de deux mois à compter du 26 mai 2016 par l'article unique de la loi du 20 mai 2016 et pour une durée de six mois à compter du 21 juillet 2016 par l'article 1er de la loi du 21 juillet 2016. L'article 1er de la loi du 19 décembre 2016 a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017.

3. Aux termes de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2016 : " Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. (...) / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. (...) / L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés (...) / A compter de la déclaration de l'état d'urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de douze mois. ".

4. Aux termes du II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 dans sa rédaction résultant de son abrogation partielle par la décision du Conseil Constitutionnel n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 : " Par dérogation aux quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, toute personne qui, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, a été assignée à résidence plus de douze mois sur le fondement de l'état d'urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 peut faire l'objet d'une nouvelle mesure d'assignation s'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette nouvelle assignation ne peut excéder une durée de quatre-vingt-dix jours ".

5. La décision citée ci-dessus du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, qui constitue le fondement légal des mesures de prolongation d'assignation à résidence contestées, de réserves d'interprétation dont il résulte qu'une telle mesure d'assignation à résidence ne saurait être renouvelée au-delà de douze mois, sauf à porter une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir, sous réserve, d'une part, que le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, d'autre part, que l'autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires de nature à justifier la prolongation de l'assignation à résidence, et enfin, que soient prises en compte, dans l'examen de la situation de la personne concernée, la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de cette mesure et les obligations complémentaires dont celle-ci a été assortie.

Sur le litige soulevé par l'appel de M. et MmeE... :

6. Il résulte de l'instruction que, sur le fondement des dispositions mentionnées au point 2, M. et Mme E...ont fait l'objet d'arrêtés d'assignation à résidence le 23 décembre 2015, les astreignant à résider sur le territoire de la commune de Maubeuge (Nord), à se présenter trois fois par jour, respectivement à 8 heures, 15 heures et 19 heures pour M. E..., et à 8 heures, 12 heures et 19 heures pour Mme E...au commissariat de police de cette commune tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés et à demeurer à leur domicile tous les jours, de 20 heures à 6 heures, avec interdiction de se déplacer de leur lieu d'assignation à résidence sans avoir obtenu préalablement l'autorisation écrite du préfet du Nord. Les mesures d'assignation à résidence de M. et Mme E... ont été renouvelées dans les mêmes conditions par des arrêtés du 24 février et du 24 mai 2016. Par un arrêté du 26 mai 2016, le ministre de l'intérieur a modifié les horaires de pointage de Mme E...à 8 heures, 15 heures et 19 heures. Les mesures d'assignation à résidence de M. et Mme E... ont été renouvelées, dans les mêmes conditions, par des arrêtés du 22 juillet 2016. Par un arrêté du 25 août 2016, afin de tenir compte de la grossesse de MmeE..., le ministre de l'intérieur a réduit son obligation de passage au commissariat à une présentation quotidienne à 15 heures. Les mesures d'assignation à résidence de M. et Mme E...ont été renouvelées, dans les mêmes conditions, par des arrêtés du 20 décembre 2016, pour une durée de 90 jours, en application des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016. En outre, par une décision du 3 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a refusé d'aménager les conditions d'assignation à résidence de M.E..., celui-ci ayant obtenu une promesse d'embauche émanant de la société " K One ", exploitant un établissement de restauration rapide. Enfin, par un arrêté du 24 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a assorti la mesure d'assignation à résidence de M. E...de l'obligation pour l'intéressé de ne plus se trouver en relation, directement ou indirectement, avec M. B...D....

7. M. et Mme E...relèvent appel de l'ordonnance du 13 février 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes, présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés du 20 décembre 2016, de la décision du 3 janvier 2017 et de l'arrêté du 24 janvier 2017.

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

8. D'une part, la circonstance que le Conseil constitutionnel ait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016, à la date à laquelle le juge des référés du tribunal administratif a examiné la demande de M. et MmeE..., ne lui imposait ni de suspendre les mesures litigieuses ni de prescrire d'autres mesures conservatoires, dans l'attente que le Conseil constitutionnel statue sur cette question prioritaire de constitutionnalité. Le juge des référés n'a dès lors pas méconnu son office en rejetant la demande formée devant lui, sans attendre la décision du Conseil constitutionnel.

9. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 7, M. E...avait notamment demandé au juge des référés du tribunal administratif de suspendre l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur du 3 janvier 2017 rejetant la demande par laquelle l'intéressé, souhaitant travailler pour la société " K One " exploitant un établissement de restauration rapide, avait sollicité à cette fin l'aménagement des conditions de son assignation à résidence. Au point 11 de son ordonnance, le juge des référés a examiné le bien-fondé du moyen soulevé par M. E...à l'appui de ces conclusions, lesquelles ont été rejetées par l'article 2 du dispositif de cette ordonnance. Dès lors que le juge des référés a, ainsi qu'il y était tenu, répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant lui et intégralement statué sur les conclusions dont il était saisi, la circonstance qu'il n'ait pas mentionné la décision du 3 janvier 2017 dans les visas de son ordonnance résulte d'une simple omission matérielle laquelle, dans les circonstances propres à l'espèce, n'a pas entaché celle-ci d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

10. Il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que ce soit dans son appréciation de la menace que constitue le comportement de l'intéressée, compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, ou dans la détermination des modalités de l'assignation à résidence. Le juge des référés, s'il estime que les conditions définies à l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont réunies, peut prendre toute mesure qu'il juge appropriée pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle il a été porté atteinte.

11. Il résulte de l'instruction, en particulier de plusieurs " notes blanches " des services de renseignement soumis au débat contradictoire, que M. et Mme E...sont proches de la mouvance islamiste, fréquentent des personnes en lien avec l'organisation dite " Etat islamique ", consultent régulièrement des sites relayant les activités et mots d'ordre de cette organisation terroriste, et consultent également la publication " Dar Al Islam " prônant la guerre sainte et publiant des consignes à l'usage des individus projetant de commettre des attentats entre autres sur le territoire de la République. L'exploitation du téléphone portable de Mme E...a fait apparaître qu'après les attentats commis à Paris le 13 novembre 2015 elle a écrit un message où il était indiqué notamment : " C'est pas encore la fin du monde, j'imagine même pas quand çà le sera mort de rire " et que " les gens morts faisaient des choses futiles comme regarder un match ou écouter de la musique " en souhaitant qu' " Allah leur fasse miséricorde mais non beaucoup d'entre elles auront l'enfer pour destination " et que " si ces personnes sont mortes c'est parce que c'était la volonté d'Allah ". Quant à M.E..., il a notamment publié sur son compte Facebook des images et textes favorables au djihad mené en Syrie, et s'est livré avec des personnes partageant la même idéologie à des entrainements paramilitaires dans le bois de Marpent (Nord). Une perquisition administrative conduite à leur domicile, le 21 novembre 2015, a conduit à la saisie, sur l'ordinateur familial, de supports informatiques comportant plusieurs centaines de fichiers relatifs à l'organisation mentionnée ci-dessus. Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, M. et Mme E...doivent être regardés comme représentant une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics laquelle justifie qu'ils fassent l'objet d'une surveillance renforcée impliquant que soient prises à leur endroit des mesures d'assignation à résidence.

12. Il résulte également de l'instruction, en premier lieu, qu'une autre perquisition du domicile de M. et MmeE..., diligentée le 20 septembre 2016, a donné lieu à une exploitation de l'ordinateur familial ayant permis de trouver trace de multiples consultations de sites djihadistes. En deuxième lieu, les intéressés ont en novembre 2016 changé de domicile sans solliciter au préalable, ainsi qu'ils y étaient tenus, l'autorisation de l'autorité administrative. Enfin, M. E...a méconnu une autre de ses obligations résultant de son assignation à résidence et a été condamné, à ce titre, le 27 janvier 2017 à un mois de prison ferme par le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe. Ces faits, au regard de la menace que M. et Mme E... représentent pour la sécurité et l'ordre publics, constituent des éléments tout à la fois nouveaux et complémentaires par rapport à ceux qui avaient initialement fondé l'intervention des assignations à résidence dont les intéressés ont fait l'objet et justifient la prolongation pour trois mois de ces mesures au-delà de la durée de douze mois.

13. Au regard des modalités dont les mesures d'assignation à résidence sont assorties, M. et Mme E...critiquent la décision du 3 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'aménagement des conditions d'assignation formée par M. E..., au motif que celles-ci rendraient difficile l'exercice d'un emploi pour lequel il postulerait au sein de la société de restauration rapide " K One ". Ils contestent également la décision du 24 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a modifié les conditions de l'assignation à résidence de M. E...pour lui interdire d'avoir des contacts directs ou indirects avec M. B...D..., gérant de la société " K One ". Il résulte toutefois de l'instruction que M. D... est placé sous contrôle judiciaire du chef de financement d'une entreprise terroriste au motif qu'il a transmis des fonds à un membre de sa famille combattant au Moyen-Orient dans les rangs de l'organisation dite " Etat islamique ", et que l'établissement de restauration en cause est défavorablement connu des services de police, dès lors qu'y est fréquemment relevée la présence de personnes appartenant à la mouvance salafiste. Il s'en suit, comme l'a relevé le ministre, que la fréquentation de M. D...et l'exercice de l'emploi auquel prétendait M. E...auraient permis à l'intéressé de nouer des contacts ou d'intensifier ses relations avec des personnes se réclamant de l'idéologie djihadiste. Les mesures ainsi prises sont par suite justifiées eu égard au but poursuivi et ne sont pas disproportionnées. Si toutefois M. E...devait ultérieurement faire état d'une nouvelle promesse d'embauche, il appartiendrait à l'autorité administrative d'apprécier quels aménagements à l'assignation à résidence justifierait l'exercice par l'intéressé d'une activité professionnelle insusceptible de menacer la sécurité et l'ordre public.

14. Eu égard à ce qui a été dit aux points 11 à 13, et bien que les intéressés aient été assignés à résidence depuis un premier arrêté du 23 décembre 2015, le ministre de l'intérieur, en estimant qu'il résultait de l'ensemble des éléments ainsi rappelés un faisceau d'indices, propres à la situation actuelle de M. et Mme E...et suffisamment sérieux et convergents pour justifier que soient prises à leur encontre les décisions critiquées, n'a pas porté à une liberté fondamentale dont ceux-ci peuvent utilement se prévaloir, notamment la liberté d'aller et venir ainsi que la liberté de mener une vie privée et familiale, une atteinte grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dans les conditions mentionnées au point 11.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la somme qu'ils demandent à ce titre soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F...E..., à Mme A... C... épouse E...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 408899
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 408899
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rémy Schwartz
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408899.20170317
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