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17/03/2017 | FRANCE | N°396001

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 17 mars 2017, 396001


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 janvier 2016, 16 mars 2016 et 1er février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Allianz I.A.R.D. et la société Allianz Vie demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social portant extension d'avenants et d'un accord, conclus dans le cadre de la convention collective nationale des

industries et du commerce de la récupération et du recyclage (n° 637) ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 janvier 2016, 16 mars 2016 et 1er février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Allianz I.A.R.D. et la société Allianz Vie demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social portant extension d'avenants et d'un accord, conclus dans le cadre de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération et du recyclage (n° 637) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 ;

- le décret n° 2014-1498 du 11 décembre 2014 ;

- le décret n° 2015-13 du 8 janvier 2015 ;

- le décret n° 2017-162 du 9 février 2017 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 ;

- le code de justice administrative, notamment son article R. 771-2 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la Fédération des entreprises du recyclage en France, de la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et de la CFTC FGT SNED.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées, notamment, par voie de conventions ou d'accords collectifs. Le I de l'article L. 912-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2013, dispose que : " Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, prévoir l'institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif, pouvant notamment prendre la forme d'une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d'une politique de prévention ou de prestations d'action sociale. / Dans ce cas, les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances (...) ", sous réserve du respect des conditions de mise en concurrence et d'égalité définies au II du même article.

2. En application du premier alinéa de l'article L. 2261-15 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 911-3 du code de la sécurité sociale et aux termes duquel : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective ", le ministre chargé du travail a, par un arrêté du 2 novembre 2015, étendu les stipulations de l'avenant du 9 décembre 2014 à l'accord du 9 avril 2008 relatif au régime de prévoyance conclu dans le cadre de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération et du recyclage. L'avenant ainsi étendu procède notamment, en application de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, à la recommandation de l'institution de prévoyance Humanis Prévoyance pour l'assurance des garanties capital décès, allocation obsèques et frais de santé ainsi que pour la gestion de l'ensemble des garanties, à la recommandation de l'Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (OCIRP) pour l'assurance des garanties rente éducation et rente handicap et désigne Humanis Prévoyance pour procéder, y compris auprès des entreprises non adhérentes à cette institution au titre du régime conventionnel de prévoyance, à l'appel des cotisations relatives au fonds de solidarité de la branche qu'il institue. Les sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté d'extension.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

3. Les sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie, qui sont régies par le code des assurances, sont concurrentes des organismes recommandés par l'avenant faisant l'objet de l'arrêté d'extension pour l'assurance des garanties capital décès, allocation obsèques et frais de santé et pour l'assurance des garanties rente éducation et rente handicap ainsi que pour la gestion de l'ensemble des garanties et proposent des prestations concurrentes de celles qui sont couvertes par le fonds de solidarité de branche. Dès lors, la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, la CFTC FGT SNED, la Fédération des entreprises de recyclage en France et le ministre chargé du travail ne sont pas fondés à soutenir que ces sociétés ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent.

Sur les interventions :

4. L'Association pour la promotion de la concurrence dans le secteur de l'assurance collective, le syndicat professionnel Planète courtier, la Chambre syndicale des courtiers d'assurance, la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance et la Fédération française de l'assurance justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, leurs interventions sont recevables.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

5. En premier lieu, le II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale prévoit que la recommandation d'un organisme ou d'une institution, permise par le I du même article cité au point 1, " doit être précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre candidats et selon des modalités prévues par décret ". L'article D. 912-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret 8 janvier 2015, dispose que : " Lorsque les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs demandent l'extension d'une convention ou d'un accord collectif comportant une clause de recommandation (...), ils joignent à leur demande les pièces afférentes à la procédure de mise en concurrence dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé du budget et du ministre chargé du travail. " Les dispositions de l'article D. 912-13 du code de la sécurité sociale ont pour seul objet de permettre au ministre chargé du travail, saisi d'une demande d'extension d'un accord comportant une clause de recommandation, de vérifier que celle-ci a été adoptée au terme d'une procédure de mise en concurrence régulière, en l'absence de laquelle il ne peut légalement l'étendre. Si les parties à l'accord doivent pouvoir justifier de l'organisation d'une procédure de mise en concurrence conforme au II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et si le ministre est en droit de refuser l'extension d'un accord lorsque les pièces mentionnées à l'article D. 912-13 ne sont pas jointes à la demande d'extension, la seule circonstance que le ministre se serait prononcé sans disposer de ces pièces n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité l'arrêté pris sur cette demande. Le moyen tiré par les requérantes de ce que l'arrêté attaqué serait illégal de ce seul fait ne peut dès lors qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article D. 2261-3 du code du travail : " Lorsqu'un arrêté d'extension ou d'élargissement est envisagé, il est précédé de la publication au Journal officiel de la République française d'un avis. Cet avis invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que l'extension par l'arrêté attaqué de l'avenant du 9 décembre 2014 a été précédée de la publication au Journal officiel de la République française le 2 avril 2015 d'un avis, d'ailleurs visé par l'arrêté attaqué, conforme à ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être regardé comme pris au terme d'une procédure irrégulière faute de mentionner le respect de la formalité prévue à l'article D. 2261-3 du code du travail manque en fait.

7. En troisième lieu, les requérantes se bornent à soutenir que rien n'établit que l'avis rendu par la Commission nationale de la négociation collective au vu duquel l'arrêté attaqué a été pris serait suffisamment motivé. Un tel moyen, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

8. En premier lieu, si l'article L. 2261-25 du code du travail dispose que : " le ministre chargé du travail peut exclure de l'extension (...) les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales ", ces dispositions n'interdisent pas au ministre chargé du travail, en l'absence de disposition contraire, d'étendre un accord ou une convention valablement conclu mais dont la seule procédure d'adoption ne serait pas conforme à des dispositions législatives ou réglementaires entrées en vigueur entre la date de leur conclusion et celle de l'arrêté d'extension. En prévoyant au II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2013, que la recommandation d'un organisme ou d'une institution " doit être précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre candidats et selon des modalités prévues par décret ", le législateur a entendu faire désormais du respect de cette procédure de mise en concurrence une condition de validité de l'accord procédant à une telle recommandation. Toutefois, en précisant au II de l'article 14 de la même loi que la nouvelle rédaction que celle-ci donnait à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale s'appliquerait " aux accords conclus à compter du 1er janvier 2014 ", le législateur, intervenant à la suite de la décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel avait déclaré les dispositions antérieures de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale contraires à la Constitution, a nécessairement entendu permettre, d'une part, que les accords qui seraient conclus entre l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et l'intervention du décret auquel cet article a renvoyé la définition des modalités de la procédure de mise en concurrence le soient de façon valable dès lors qu'ils ont été précédés d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés menée dans des conditions suffisantes de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre candidats et, d'autre part, que ces accords valablement conclus puissent être légalement étendus même après l'intervention du décret d'application du II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

9. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que la procédure de mise en concurrence définie par les parties à l'avenant a respecté les principes de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats fixés par le II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans des conditions d'ailleurs similaires à celles qui ont été ultérieurement définies par le décret du 8 janvier 2015, sans que la mention à l'article 17.1 de l'avenant du caractère paritaire de l'organisme en définitive recommandé ne soit de nature à établir que la procédure de mise en concurrence aurait fait du caractère paritaire des organismes candidats un critère d'éligibilité ou d'appréciation des candidatures en méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats. Par suite, les sociétés requérantes ne sont fondées à soutenir ni que l'avenant conclu le 9 décembre 2014 serait illégal faute que le décret d'application du II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ait été pris à cette date, ni que le ministre chargé du travail n'aurait pu légalement l'étendre postérieurement à l'intervention de ce décret le 8 janvier 2015.

10. En deuxième lieu, le II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le ou les organismes ou institutions faisant l'objet d'une recommandation " ne peuvent refuser l'adhésion d'une entreprise relevant du champ d'application de l'accord. Ils sont tenus d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés ". Les quatrième et cinquième alinéas de l'article 16.4 de l'avenant étendu, relatif aux conditions de reprise des risques en cours à la date d'effet du régime, stipulent que " ces dispositions ne seront accordées qu'aux entreprises qui adhéreront au présent régime au plus tard à la date du 1er avril 2015. / Au-delà de cette date, la prise en compte des garanties décès au titre des arrêts de travail en cours sera conditionnée au règlement par l'entreprise d'une cotisation spécifique correspondant à la couverture de ces risques, calculée par les organismes recommandés ". Les sociétés requérantes soutiennent que l'arrêté d'extension attaqué ne pouvait légalement étendre cette clause de l'avenant en cause, dès lors qu'elle méconnaîtrait l'obligation faite par le deuxième alinéa du II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale à l'organisme recommandé par l'accord d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés. La question de savoir si ces stipulations ont méconnu les dispositions du deuxième alinéa du II de l'article L. 912-1 de la sécurité sociale présente à juger une difficulté sérieuse, qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire de trancher et qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie. Il en va de même de la question de savoir si les parties à l'avenant pouvaient laisser aux organismes recommandés le soin de déterminer le montant d'une cotisation spécifique, au surplus postérieurement à la procédure de mise en concurrence.

11. En troisième lieu, le IV de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dispose que : " Les accords mentionnés au I peuvent prévoir que certaines des prestations nécessitant la prise en compte d'éléments relatifs à la situation des salariés ou sans lien direct avec le contrat de travail les liant à leur employeur sont financées et gérées de façon mutualisée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, pour l'ensemble des entreprises entrant dans leur champ d'application ".

12. Le décret du 11 décembre 2014 relatif aux garanties collectives présentant le degré élevé de solidarité mentionné à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale a, d'une part, inséré dans ce code l'article R. 912-1, aux termes duquel : " Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 912-1 prévoient la part de la prime ou de la cotisation acquittée qui sera affectée au financement de prestations mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article R. 912-2 ainsi que, le cas échéant, à d'autres actions équivalentes procédant d'un objectif de solidarité qu'ils stipulent. / Sont regardés comme présentant un degré élevé de solidarité au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 912-1 les accords pour lesquels la part de ce financement est au moins égale à 2 % de la prime ou de la cotisation ". Il a inséré dans ce même code, d'autre part, l'article R. 912-2, aux termes duquel : " Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 912-1 peuvent prévoir, en vue de comporter des garanties présentant un degré élevé de solidarité au sens des dispositions de cet alinéa : / 1° Une prise en charge, totale ou partielle, de la cotisation de tout ou partie des salariés ou apprentis pouvant bénéficier des dispenses d'adhésion prévues au b du 2° de l'article R. 242-1-6, ainsi que de la cotisation de tout ou partie des salariés, apprentis ou anciens salariés dont la cotisation représente au moins 10 % de leurs revenus bruts ; / 2° Le financement d'actions de prévention concernant les risques professionnels ou d'autres objectifs de la politique de santé, relatifs notamment aux comportements en matière de consommation médicale. (...) / 3° La prise en charge de prestations d'action sociale, comprenant notamment : / a) Soit à titre individuel : l'attribution, lorsque la situation matérielle des intéressés le justifie, d'aides et de secours individuels aux salariés, anciens salarié et ayants droit ; / b) Soit à titre collectif, pour les salariés, les anciens salariés ou leurs ayants droit : l'attribution suivant des critères définis par l'accord d'aides leur permettant de faire face à la perte d'autonomie, y compris au titre des dépenses résultant de l'hébergement d'un adulte handicapé dans un établissement médico-social, aux dépenses liées à la prise en charge d'un enfant handicapé ou à celles qui sont nécessaires au soutien apporté à des aidants familiaux. / Les orientations des actions de prévention ainsi que les règles de fonctionnement et les modalités d'attribution des prestations d'action sociale sont déterminées par la commission paritaire de branche, en prenant en compte, le cas échéant, les objectifs d'amélioration de la santé définis dans le cadre de la politique de santé à la mise en oeuvre desquels ces orientations contribuent dans le champ professionnel ou interprofessionnel qu'elles couvrent. / La commission paritaire de branche contrôle la mise en oeuvre de ces orientations par les organismes auprès desquels les entreprises organisent la couverture de leurs salariés ".

13. Il résulte des dispositions mêmes de ce décret qu'elles ont été édictées, de façon d'ailleurs conforme à son titre, pour préciser le " degré élevé de solidarité " que doivent présenter les garanties collectives instituées en vertu du I de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et qu'elles ne sauraient tenir lieu des dispositions également renvoyées à un décret en Conseil d'Etat pour l'application du IV de ce même article afin de préciser les modalités selon lesquelles les accords conclus au titre du I pourraient prévoir le financement et la gestion mutualisés de certaines prestations. Ces modalités ont d'ailleurs été fixées par le décret du 9 février 2017 relatif au financement et à la gestion de façon mutualisée des prestations mentionnées au IV de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

14. Il suit de là que l'article R. 912-2 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable à la gestion et au financement mutualisés de certaines prestations de solidarité instaurées par l'accord et que les sociétés requérantes ne peuvent utilement invoquer leur méconnaissance par les clauses de l'accord étendu relatives à cette gestion et à ce financement mutualisés.

15. Toutefois, il est constant que ni à la date de la conclusion de l'accord litigieux, ni même à celle de l'arrêté l'étendant, aucun décret n'était intervenu pour prévoir ces modalités de gestion et de financement mutualisés de certaines prestations, qui étaient nécessaires à l'entrée en vigueur des dispositions du IV de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, en l'absence d'un tel décret, ces dispositions n'étaient pas entrées en vigueur.

16. Dès lors, l'appréciation du bien-fondé des moyens tirés de ce que l'arrêté d'extension attaqué ne pouvait dans ces conditions légalement étendre les clauses de l'avenant en cause instituant un fonds de solidarité de branche en prévoyant les prestations qui seraient financées et gérées de façon mutualisée et en fixant lui-même les modalités de leur financement, par un prélèvement à la charge de toutes les entreprises, et de leur gestion mutualisés dépend notamment de la question de savoir si l'exercice par les parties à l'avenant du 9 décembre 2014 de leur liberté contractuelle leur permettait, en l'absence de disposition législative, de prévoir la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé. Cette question présente à juger une difficulté sérieuse, qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire de trancher et qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie.

17. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur la requête des sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie en ce qu'elle tend à l'annulation de l'arrêté en tant qu'il étend les stipulations des quatrième et cinquième alinéas de l'article 16.4 ainsi que des articles 17.3 et 18 de l'avenant, qui sont divisibles de ses autres clauses, jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur les questions préjudicielles mentionnées aux points 10 et 16.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par les intervenantes, qui n'auraient pas eu qualité pour former tierce opposition à la décision si celle-ci avait rejeté la requête et si elles n'avaient pas été présentes à l'instance et, qui, par suite, ne peuvent être regardées comme des parties pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de l'Association pour la promotion de la concurrence dans le secteur de l'assurance collective, du syndicat professionnel Planète courtier, de la Chambre syndicale des courtiers d'assurance, de la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance et de la Fédération française de l'assurance sont admises.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête des sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2015 en tant :

- premièrement, qu'il étend les stipulations des quatrième et cinquième alinéas de l'article 16.4 de l'avenant, jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris se soit prononcé sur le point de savoir si ces stipulations méconnaissent l'obligation faite par le deuxième alinéa du II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale à l'organisme recommandé par l'accord d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés et si les parties à l'avenant pouvaient laisser aux organismes recommandés le soin de déterminer le montant d'une cotisation spécifique, au surplus postérieurement à la procédure de mise en concurrence ;

- deuxièmement, qu'il étend les stipulations des articles 17.3 et 18 de l'avenant, jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris se soit prononcé sur le point de savoir si l'exercice par les parties à l'avenant du 9 décembre 2014 de leur liberté contractuelle leur permettait, en l'absence de disposition législative, de prévoir la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'Association pour la promotion de la concurrence dans le secteur de l'assurance collective, le syndicat professionnel Planète courtier, la Chambre syndicale des courtiers d'assurance, la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance et la Fédération française de l'assurance sont rejetées.

Article 4 : Il est sursis à statuer sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Allianz I.A.R.D., première requérante dénommée, à la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs ayant présenté un mémoire commun avec ce syndicat, à la Fédération des entreprises du recyclage en France, à l'Association pour la promotion de la concurrence dans le secteur de l'assurance collective, au syndicat professionnel Planète courtier, à la Chambre syndicale des courtiers d'assurance, à la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance, à la Fédération française de l'assurance, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et au président du tribunal de grande instance de Paris.

Copie en sera adressée à la CGT-FO, à la CFE-CGC, à Humanis Prévoyance et à l'Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396001
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 396001
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396001.20170317
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