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17/03/2017 | FRANCE | N°386772

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 17 mars 2017, 386772


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2014 et 26 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Voyages Masson ", la société Privilèges Voyages, la société Richoux Voyages et l'association Tourcom demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 2009 relatif aux conditions de fixation de la garantie financière des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séj

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2014 et 26 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Voyages Masson ", la société Privilèges Voyages, la société Richoux Voyages et l'association Tourcom demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 2009 relatif aux conditions de fixation de la garantie financière des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 ;

- le code du tourisme ;

- le décret n° 2014-646 du 20 juin 2014 ;

- le décret n° 2014-1105 du 1er octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-1111 du 2 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait : " L''organisateur et/ou le détaillant partie au contrat justifient des garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur " ; que 1'article L. 211-18 du code du tourisme, qui a été pris pour la transposition de cette directive, dispose : " I - Les personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 211-1 sont immatriculées au registre prévu au a de l'article L. 141-3. 1 II. - Afin d'être immatriculées, ces personnes doivent: 1 a) Justifier, à l'égard des clients, d'une garantie financière suffisante, spécialement affectée au remboursement des fonds reçus au titre des forfaits touristiques et de ceux des services énumérés à l'article L. 211-1 qui ne portent pas uniquement sur un transport. Cette garantie doit résulter de l'engagement d'un organisme de garantie collective, d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurance établis sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Elle doit couvrir les frais de rapatriement éventuel (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 211-26 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " La garantie financière prévue au a du 11 de l'article L. 211-18 résulte d'un engagement écrit de cautionnement pris : / 1° Soit par un organisme de garantie collective doté de la personnalité juridique. au moyen d'un fonds de garantie constitué à cet effet ; / 2° Soit par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances habilités à donner une garantie financière ; / 3° Soit par un groupement d'associations ou d'organismes sans caractère lucratif ayant fait l'objet d'une autorisation particulière par un arrêté du ministre chargé du tourisme et disposant d'un fonds de solidarité suffisant. / La garantie financière est spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l'opérateur de voyages au titre des engagements qu'il a contractés à l'égard de sa clientèle ou de ses membres pour des prestations en cours ou à servir et permet d'assurer notamment en cas de cessation de paiements ayant entraîné un dépôt de bilan, le rapatriement des voyageurs. / L'engagement de garantie financière doit répondre à toutes les dispositions réglementaires de la présente section. / (...) " ; que l'article R. 211-30 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose que : " Toute personne physique ou morale immatriculée au registre mentionné au a de l'article L. 141-3 doit posséder une garantie financière délivrée par un seul garant. La garantie financière s'étend aux activités qui sont exercées par les établissements secondaires tels que succursale ou point de vente. / Un arrêté du ministre chargé du tourisme détermine le montant minimum de la garantie financière en fonction de la nature des activités. Il définit, en outre, les modalités de calcul de la garantie en fonction du volume d'affaires réalisé annuellement par l'opérateur de voyages. (...) " ; qu'en application de ces dispositions, le a) de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 23 décembre 2009 relatif aux conditions de fixation de la garantie financière des agents de voyages et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours a fixé à 10 % du volume d'affaire, tel que défini à l'article 3 du même arrêté, la base de calcul de la garantie qui doit être souscrite au titre des voyages dits " à forfait " ; qu'un arrêté conjoint du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ainsi que du ministre des affaires étrangères et du développement international du 29 octobre 2014 a, par le 1° de son article 1er et le 1° de son article 3, porté ce montant à 20 % ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre :

2. Considérant, en premier lieu, que l'intervention du décret du 2 septembre 2015 relatif à la garantie financière et à la responsabilité civile professionnelle des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours n'a pas privé d'objet la présente requête ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celle-ci ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard aux moyens qu'ils soulèvent à l'appui de leur requête, la société Voyages Masson et autres doivent être regardés comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de l'ensemble de l'arrêté ou, à titre subsidiaire, en tant qu'il a pour objet de fixer à 20 % le montant du chiffre d'affaires servant de base de calcul à la garantie ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants ne seraient pas recevables à contester ce montant dès lors qu'ils n'ont expressément demandé l'annulation que de l'article 3 de l'arrêté attaqué, qui n'a pas pour objet de fixer ce taux, ne peut qu'être écartée ;

Sur le fond :

4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, il résulte de l'article 2 du décret du 1er octobre 2014 relatif aux attributions déléguées au secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger et de l'article 1er du décret du 20 juin 2014 relatif aux attributions déléguées à la secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire que ces secrétaires d'Etat étaient compétents pour signer l'arrêté attaqué ;

5. Considérant, toutefois, en deuxième lieu, que les requérantes soutiennent que le taux de 20 % mentionné ci-dessus est disproportionné au regard des risques courus, ne tient pas compte de la diversité des situations des opérateurs, selon leur type d'activité, que l'administration n'a pas justifié le doublement du taux précédent et que le montant moyen des sinistres des opérateurs ayant un chiffre d'affaires d'au moins 4 millions d'euros est de l'ordre de 250 000 euros par an seulement ; qu'en réponse à cette argumentation, qui est suffisamment étayée, le ministre s'est borné à faire valoir, de manière générale, d'une part, que certaines catégories d'opérateurs bénéficient déjà de modalités différenciées de calcul de leur garantie et qu'il n'est pas envisageable d'étendre cette différenciation dans le sens souhaité par les requérantes, d'autre part, qu'une étude du montant des sinistres rapporté au montant de la garantie nominale a montré que la constitution, au titre des voyages à forfait, d'une garantie de 10 % du chiffre d'affaires était insuffisante ; qu'il n'a pas produit l'étude invoquée et n'a fourni au Conseil d'Etat aucun élément précis de nature à justifier que le doublement uniforme de ce taux était nécessaire pour protéger le consommateur, malgré la mesure d'instruction diligentée à cette fin par la 6ème chambre de la section du contentieux ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en tant qu'il fixe à 20 % du chiffre d'affaires le montant de la garantie à constituer par les opérateurs de voyage au titre des voyages à forfait, doit être accueilli ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Voyages Masson et autres sont fondées à demander l'annulation des dispositions du 1° de l'article 1er et du 1° de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2014, qui sont divisibles des autres dispositions de l'arrêté;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

D E C I D E :

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Article 1er : Les 1° de l'article 1er et 1° de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 2009 relatif aux conditions de fixation de la garantie financière des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Voyages Masson, à la société Privilèges Voyages, à la société Richoux Voyages et à l'association Tourcom la somme de 800 euros chacune au titre de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Voyages Masson, à la société Privilèges Voyages, à la société Richoux Voyages, à l'association Tourcom et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386772
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 386772
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Françoise Guilhemsans
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:386772.20170317
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