Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 décembre 2015 et le 9 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Coordination rurale - Union nationale (CRUN) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 relative à la cartographie et à l'identification des cours d'eau et à leur entretien ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
1. Considérant que, par l'instruction du Gouvernement attaquée, du 3 juin 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a prescrit aux préfets et aux services déconcentrés de l'Etat la réalisation, avant le 15 décembre 2015, dans les départements ou parties de départements où cela est possible sans difficulté majeure, d'une cartographie complète des cours d'eau et, dans les autres départements ou parties de départements, l'élaboration d'une méthode d'identification des cours d'eau ainsi que l'élaboration d'un guide à l'attention des propriétaires riverains de cours d'eau ;
2. Considérant que, pour l'application des articles L. 215-1 et suivants et R. 214-1 et suivants du code de l'environnement, relatifs notamment au régime d'autorisation ou de déclaration des installations, ouvrages, travaux et activités, aux obligations imposées aux propriétaires en matière d'entretien régulier des cours d'eau et aux compétences de l'autorité administrative en matière de conservation et de police des cours d'eau, constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année ;
3. Considérant que l'instruction attaquée, dans les éléments de cadrage qu'elle communique aux services pour l'identification des cours d'eau et leur cartographie, rappelle la définition donnée au point 2 ci-dessus en relevant le caractère cumulatif des critères qu'elle prévoit ;
4. Considérant, en premier lieu, que, si l'instruction précise que le critère de l'alimentation par une source peut être rempli dans le cas où la source n'est pas nécessairement localisée mais peut être l'exutoire d'une zone humide ou un affleurement de nappe souterraine, elle ne méconnaît ainsi ni le sens ni la portée de la définition des cours d'eau résultant des règles rappelées au point 2 ci-dessus, qui n'excluent pas la prise en compte de telles hypothèses ; que, de même, si l'instruction prescrit, dans l'appréciation du critère suivant lequel un cours d'eau doit présenter un débit suffisant la majeure partie de l'année, d'apprécier ce point en l'absence de précipitations significatives, et indique que des précipitations peuvent, en général, être regardées comme significatives au-delà de 10 millimètres, tout en invitant à la prise en compte des conditions géoclimatiques locales, elle se borne ainsi à livrer aux services, sans méconnaître le sens et la portée des règles applicables, des orientations destinées à les éclairer dans la mise en oeuvre de ces règles ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'instruction attaquée, après avoir rappelé les critères applicables pour la définition des cours d'eau, invite les services à prendre en considération, dans les cas résiduels où ces critères ne permettent pas de déterminer avec une certitude suffisante si un écoulement doit ou non être qualifié de cours d'eau, un faisceau d'indices de manière à pouvoir apprécier indirectement si ces critères sont remplis, notamment la présence de berges et d'un lit au substrat spécifique, la présence de vie aquatique ou la continuité de l'écoulement d'amont en aval ; que, dès lors que ces éléments ne sont pas présentés comme se substituant à l'application des critères posés par les règles rappelées au point 2, mais comme des indices destinés à déterminer s'ils sont ou non remplis, l'instruction attaquée ne méconnaît pas le sens et la portée des règles applicables ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'instruction attaquée a pu, sans méconnaître le sens et la portée des règles rappelées plus haut, prescrire de prendre pour base de la cartographie des cours d'eau " les référentiels disponibles, et notamment les cartographies au 1/25000e de l'IGN ", dès lors qu'elle ne leur attache pas de portée juridique et rappelle aux services les critères sur lesquels ils doivent légalement fonder leur appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que l'instruction attaquée prévoit que " les cartographies devront comprendre a minima les masses d'eau identifiées au titre de la directive cadre sur l'eau et les cours d'eau déjà identifiés dans les réglementations, notamment celles instaurant des catégories de cours d'eau " qu'elle énumère, à titre d'exemples : " cours d'eau pour les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), points d'eau pour les zones non traitées (ZNT), cours d'eau pour la mise en oeuvre de la directive nitrates, cours d'eau Grenelle, cours d'eau au titre de la continuité [écologique] " ; que la requérante soutient qu'en prescrivant ainsi une cartographie des cours d'eau incluant des écoulements qui sont définis en application de règles législatives et réglementaires retenant des critères différents de ceux prévus par les règles rappelées au point 2 ci-dessus, l'instruction attaquée en méconnaît le sens et la portée ; que, cependant, il était loisible à l'auteur de l'instruction attaquée de prescrire l'élaboration par les services de l'Etat d'une cartographie de l'ensemble des catégories de cours d'eau définies par les réglementations existantes, dès lors qu'il ne modifiait ni le sens ni la portée de ces réglementations et n'excédait pas ainsi sa compétence ; que l'instruction attaquée a pour seul objet de prescrire l'élaboration d'une cartographie destinée à servir de point de référence dans l'application des réglementations en cause mais non à se substituer à l'appréciation des services dans cette application ; qu'elle n'impose pas non plus à la mise en oeuvre de la police de l'eau, qui repose sur la définition des cours d'eau rappelée au point 2, des règles de définition des cours d'eau provenant d'autres réglementations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction attaquée serait entachée d'incompétence doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre chargé de l'environnement, la Coordination rurale - Union nationale n'est pas fondée à demander l'annulation de l'instruction attaquée ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la Coordination rurale - Union nationale est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Coordination rurale - Union nationale et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.