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07/02/2017 | FRANCE | N°395588

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 07 février 2017, 395588


Vu les procédures suivantes :

1° La société Casino de Trouville a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant de cette décision, une indemnité de 34,65 euros par jour de maintien

de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400120 du 20 mai 2015, le pré...

Vu les procédures suivantes :

1° La société Casino de Trouville a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant de cette décision, une indemnité de 34,65 euros par jour de maintien de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400120 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15NT02289 du 27 octobre 2015, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Casino de Trouville contre ce jugement.

Sous le n° 395588, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2015 et 29 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Casino de Trouville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° La société Casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013, par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant de cette décision, une indemnité de 5 601,23 euros par jour de maintien de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400119 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15NT02288 du 27 octobre 2015, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Casino de Deauville contre ce jugement.

Sous le n° 395589, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2015, 29 mars 2016 et 14 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Casino de Deauville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° La société Casino de Ouistreham a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013, par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que de la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant de cette décision, une indemnité de 1 035,36 euros par jour de maintien de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400121 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15NT02290 du 27 octobre 2015, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Casino de Ouistreham contre ce jugement.

Sous le n° 395596, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2015 et 29 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Casino de Ouistreham demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° La société Luc-sur-Mer Loisirs a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler la lettre du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant de cette décision, une indemnité de 2 199,65 euros par jour de maintien de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400137 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15NT02272 du 27 octobre 2015, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Luc-sur-Mer Loisirs contre ce jugement.

Sous le n° 395628, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2015, 29 mars 2016 et 5 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Luc-sur-Mer Loisirs demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° La société Villers-sur-Mer Loisirs a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler la lettre du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ainsi que la lettre du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat, en réparation du préjudice résultant de cette décision, à lui verser une indemnité de 1 382,50 euros par jour de maintien de l'interdiction. Par une ordonnance n° 1400138 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15NT02275 du 27 octobre 2015, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Villers-sur-Mer Loisirs contre ce jugement.

Sous le n° 395629, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2015 et 29 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Villers-sur-Mer Loisirs demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Casino de Trouville, de la société Casino de Deauville, de la société Casino de Ouistreham et à la SCP Gaschignard, avocat de la société Luc-sur-mer Loisirs et de la société Villers-sur-Mer Loisirs.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des lettres du 23 août 2013 rédigées en termes identiques, le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé à chacune des sociétés Casino de Trouville, Casino de Deauville, Casino de Ouistreham, Luc-sur-Mer Loisirs et Villers-sur-Mer Loisirs de veiller à ce qu'aucune machine à sous ne soit installée dans les espaces réservés aux fumeurs au sein des casinos qu'elles exploitent ; que les recours gracieux des sociétés ont été rejetés par des lettres du 25 novembre 2013 du ministre de l'intérieur ; que les sociétés ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'ensemble de ces courriers et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'ils leur avaient causés ; que, par ordonnances du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a rejeté ces demandes comme manifestement irrecevables, au motif qu'elles étaient dirigées contre des actes insusceptibles de recours ; que les sociétés se pourvoient en cassation contre les ordonnances du 27 octobre 2015 par lesquelles le président de la 4e chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé par le même motif les décisions du premier juge ; que leurs pourvois présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les courriers litigieux des 23 août et 25 novembre 2013 ont eu pour objet d'informer les sociétés requérantes que, contrairement à ce qu'elles avaient cru pouvoir déduire d'un courrier du 28 avril 2011 adressé au Syndicat des casinos de France par le secrétaire d'Etat chargé de la santé, les dispositions du code de la santé publique et de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation sur les jeux dans les casinos interdisent d'installer des machines à sous dans des espaces fumeurs ; que ces courriers, par lesquels le ministre a fait connaître la portée qu'il fallait selon lui donner aux dispositions en cause et a invité les sociétés à se conformer à cette interprétation sous peine de sanctions prises au titre de ses pouvoirs de police spéciale des jeux, étaient, eu égard à leur caractère impératif, susceptibles de recours ; qu'en jugeant qu'il s'agissait d'un simple rappel de la réglementation applicable, pour en déduire que les conclusions à fin d'annulation étaient irrecevables comme dirigées contre des actes ne faisant pas grief et que les conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de décisions prises par le ministre de l'intérieur reposaient sur des moyens inopérants, le président de la 4e chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les courriers litigieux et commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, ses ordonnances doivent être annulées ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros chacune à verser aux sociétés Casino de Trouville, Casino de Deauville, Casino de Ouistreham, Luc-sur-Mer Loisirs et Villers-sur-Mer Loisirs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les ordonnances n° 15NT02289, n° 15NT02288, n° 15NT02290, n° 15NT02272 et n° 15NT02275 du 27 octobre 2015 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulées.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Casino de Trouville, à la société Casino de Deauville, à la société Casino de Ouistreham, à la société Luc-sur-Mer Loisirs et à la société Villers-sur-Mer Loisirs la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Casino de Trouville, à la société Casino de Deauville, à la société Casino de Ouistreham, à la société Luc-sur-Mer Loisirs, à la société Villers-sur-Mer Loisirs et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395588
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-01 PROCÉDURE. INTRODUCTION DE L'INSTANCE. DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS. ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS. - CAS DE COURRIERS INFORMANT DES SOCIÉTÉS DE L'INTERPRÉTATION DE LA RÉGLEMENTATION FAITE PAR L'ADMINISTRATION ET LES INVITANT À S'Y CONFORMER [RJ1].

54-01-01-01 Cas de courriers du directeur de cabinet du ministre de l'intérieur informant des sociétés exploitant des casinos de ce que, contrairement à ce qu'elles avaient cru pouvoir déduire d'un courrier du 28 avril 2011 adressé au Syndicat des casinos de France par le secrétaire d'Etat chargé de la santé, les dispositions du code de la santé publique et de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation sur les jeux dans les casinos interdisent d'installer des machines à sous dans des espaces fumeurs. Ces courriers, par lesquels le ministre a fait connaître la portée qu'il fallait selon lui donner aux dispositions en cause et a invité les sociétés à se conformer à cette interprétation sous peine de sanctions prises au titre de ses pouvoirs de police spéciale des jeux, étaient, eu égard à leur caractère impératif, susceptibles de recours.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 11 octobre 2012, société Casino Guichard-Perrachon, n° 357193, p.361.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2017, n° 395588
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Leforestier
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395588.20170207
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