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01/02/2017 | FRANCE | N°384483

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 01 février 2017, 384483


Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires a porté plainte contre M. B... A...et d'autres vétérinaires devant la chambre régionale de discipline de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 7 juin 2013, cette chambre a infligé à M. A...la sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois, assortie du sursis pour une durée de deux mois, sur le territoire des départements métropolitains

et d'outre-mer.

Par une décision du 15 juillet 2014, la chambre supérieure...

Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires a porté plainte contre M. B... A...et d'autres vétérinaires devant la chambre régionale de discipline de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 7 juin 2013, cette chambre a infligé à M. A...la sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois, assortie du sursis pour une durée de deux mois, sur le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer.

Par une décision du 15 juillet 2014, la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires a, sur appel de M. A...et du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires, infligé à M. A...la sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois sur le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 15 septembre et 15 octobre 2014 et les 7 mai et 24 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle lui inflige une sanction ;

2°) de mettre à la charge du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A...et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires et du conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2017, présentée par M.A... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 7 juin 2013, la chambre régionale de discipline de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires a infligé à M.A..., en même temps que d'autres sanctions visant d'autres vétérinaires, la sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois, dont deux mois assortis du sursis ; que, saisie d'un appel de l'intéressé et d'un appel du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires, la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires a, par une décision du 15 juillet 2014, infirmé la décision de la chambre régionale de discipline et, en même temps qu'elle prononçait d'autres sanctions visant d'autres vétérinaires, prononcé à l'encontre de M. A...une sanction de suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois ; que M. A...demande l'annulation de cette décision du 15 juillet 2014 en tant qu'elle le concerne ;

2. Considérant qu'il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel, lorsqu'il n'est régulièrement saisi que du seul recours de la personne frappée par la sanction ; que, pour l'application de cette règle, relative à la compétence du juge d'appel et dont la méconnaissance doit le cas échéant être relevée d'office par le juge de cassation, la gravité d'une sanction d'interdiction prononcée par la juridiction disciplinaire s'apprécie au regard de son objet et de sa durée, celle-ci s'entendant indépendamment des modalités d'exécution de la sanction, notamment l'octroi éventuel d'un sursis ; que lorsque le juge d'appel ne modifie pas la sanction prononcée en première instance, il ne saurait davantage aggraver la situation du professionnel sur le seul appel de celui-ci en réduisant ou en supprimant un sursis accordé en première instance ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'appel formé le 23 septembre 2013 par le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires devant la chambre supérieure de discipline ne comportait aucun moyen ; que si aucune irrecevabilité ne pouvait cependant être opposée pour ce motif par la chambre supérieure de discipline sans qu'elle ait préalablement invité le conseil régional à régulariser son appel, le juge d'appel n'était toutefois régulièrement saisi, en l'absence d'appel motivé du conseil régional, que du seul appel de M. A...lorsqu'il a statué sur la plainte concernant ce dernier ;

4. Considérant, dès lors, qu'en infligeant à M. A...la sanction d'interdiction d'exercer la profession de vétérinaire pendant une durée de trois mois sans l'assortir de sursis, alors que la même peine d'interdiction de trois mois avait, en première instance, été assortie d'un sursis de deux mois, la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires a méconnu sa compétence ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, sa décision doit être annulée en tant qu'elle prononce une sanction à l'encontre de M. A... ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des vétérinaires une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires du 15 juillet 2014 est annulée en tant qu'elle prononce une sanction à l'encontre de M.A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er, à la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires.

Article 3 : Le conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse versera à M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse.

Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 384483
Date de la décision : 01/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - INTERDICTION DE LA RÉFORMATIO IN PEJUS [RJ1] - PORTÉE - 1) INTERDICTION D'AGGRAVER LA PEINE - AU REGARD DE SON OBJET ET DE SA DURÉE - EXISTENCE [RJ2] - 2) INTERDICTION D'AGGRAVER LES MODALITÉS D'UNE PEINE INCHANGÉE - EXISTENCE.

54-07-06 Il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel, lorsqu'il n'est régulièrement saisi que du seul recours de la personne frappée par la sanction.... ,,1) Pour l'application de cette règle, relative à la compétence du juge d'appel et dont la méconnaissance doit le cas échéant être relevée d'office par le juge de cassation, la gravité d'une sanction d'interdiction prononcée par la juridiction disciplinaire s'apprécie au regard de son objet et de sa durée, celle-ci s'entendant indépendamment des modalités d'exécution de la sanction, notamment l'octroi éventuel d'un sursis.... ,,2) Lorsque le juge d'appel ne modifie pas la sanction prononcée en première instance, il ne saurait davantage aggraver la situation du professionnel sur le seul appel de celui-ci en réduisant ou en supprimant un sursis accordé en première instance.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - APPEL DE LA SEULE PERSONNE SANCTIONNÉE - INTERDICTION DE LA RÉFORMATIO IN PEJUS [RJ1] - PORTÉE - 1) INTERDICTION D'AGGRAVER LA PEINE - AU REGARD DE SON OBJET ET DE SA DURÉE - EXISTENCE [RJ2] - 2) INTERDICTION D'AGGRAVER LES MODALITÉS D'UNE PEINE INCHANGÉE - EXISTENCE.

55-04-02 Il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel, lorsqu'il n'est régulièrement saisi que du seul recours de la personne frappée par la sanction.... ,,1) Pour l'application de cette règle, relative à la compétence du juge d'appel et dont la méconnaissance doit le cas échéant être relevée d'office par le juge de cassation, la gravité d'une sanction d'interdiction prononcée par la juridiction disciplinaire s'apprécie au regard de son objet et de sa durée, celle-ci s'entendant indépendamment des modalités d'exécution de la sanction, notamment l'octroi éventuel d'un sursis.... ,,2) Lorsque le juge d'appel ne modifie pas la sanction prononcée en première instance, il ne saurait davantage aggraver la situation du professionnel sur le seul appel de celui-ci en réduisant ou en supprimant un sursis accordé en première instance.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 17 juillet 2013, M.,, n° 362481, p. 223., ,

[RJ2]

Cf. CE, 21 janvier 2015, M.,, n° 361529, T. pp. 836-860.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2017, n° 384483
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:384483.20170201
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