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13/01/2017 | FRANCE | N°389710

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 13 janvier 2017, 389710


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de son incarcération au sein de la maison d'arrêt de Rouen. Par un jugement n° 1301358 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif a rejeté la demande de M.A....

Par un pourvoi, enregistré le 26 mars 2015 au greffe de la cour d'appel de Douai, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Eta

t, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) rég...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de son incarcération au sein de la maison d'arrêt de Rouen. Par un jugement n° 1301358 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif a rejeté la demande de M.A....

Par un pourvoi, enregistré le 26 mars 2015 au greffe de la cour d'appel de Douai, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'indemnisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été incarcéré au sein de la maison d'arrêt de Rouen à partir du 11 avril 2012. Après avoir vainement présenté au garde des sceaux, ministre de la justice une demande d'indemnisation, il a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4 200 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de conditions de détention portant atteinte à la dignité humaine. Il se pourvoit en cassation à l'encontre du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de l'article D. 189 du code de procédure pénale qu'" à l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale ". Aux termes de l'article D. 349 du même code : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques ". Aux termes des articles D. 350 et D. 351 du même code, d'une part, " les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " et, d'autre part, " dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus ".

3. En raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ainsi que la prévention de la récidive. Les conditions de détention s'apprécient au regard de l'espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du respect de l'intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l'accès à la lumière, de l'hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage. Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et des dispositions précitées du code de procédure pénale, révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime.

4. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est fondé, pour apprécier si les conditions de détention de M. A...caractérisaient ou non une atteinte à la dignité humaine, sur plusieurs éléments relatifs à la surface des cellules occupées par le détenu, au nombre de personnes partageant cet espace et à la configuration des locaux. Ce faisant, il n'a entaché son jugement d'aucune erreur de droit.

5. En second lieu, le tribunal administratif a relevé, au terme d'une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, d'une part, qu'en dépit de la sur-occupation des cellules successivement occupées par le requérant, celui-ci n'avait jamais bénéficié d'un espace individuel inférieur à trois mètres carrés et, d'autre part, que ces cellules avaient fait l'objet de travaux récents de rénovation, qui ont notamment permis de réaliser un cloisonnement partiel des toilettes. En déduisant de ces constatations que les conditions de détention de M. A...à la maison d'arrêt de Rouen n'avaient pas porté atteinte à la dignité humaine et ne caractérisaient dès lors aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, le tribunal administratif de Rouen n'a pas entaché son jugement d'une inexacte qualification juridique des faits. La seule circonstance qu'il ait relevé, dans le jugement attaqué, l'absence d'atteinte grave à la dignité humaine ne révèle pas une erreur de droit dans le maniement des conditions d'engagement de la responsabilité de la puissance publique.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389710
Date de la décision : 13/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 2017, n° 389710
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Jolivet
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:389710.20170113
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