Vu la procédure suivante :
La Société internationale de diffusion et d'édition a demandé au tribunal administratif de Paris :
- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté sa demande d'indemnité ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 427 857 euros, sous réserve d'actualisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'octroi d'une aide illégale à la Coopérative d'exportation du livre français (CELF) ;
- d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte, de lui verser les dommages et intérêts précités ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 000 euros à titre de provision ;
- d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte, de lui verser la provision précitée.
Par un jugement n° 0911778/7-1 du 15 décembre 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 12PA00767 du 12 mai 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris par la Société internationale de diffusion et d'édition.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 juillet et 9 octobre 2014 et les 14 avril et 14 août 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société internationale de diffusion et d'édition demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la Société internationale de diffusion et d'édition et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de la culture et de la communication ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la décision de la Commission européenne en date du 14 décembre 2010, déclarant que l'aide accordée par l'Etat français à la Coopérative d'exportation du livre français pour les petites commandes de livres à l'exportation était illégale, car non notifiée et incompatible avec le marché intérieur, la Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE), dont il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'elle était alors le seul concurrent de la Coopérative d'exportation du livre français sur le marché de l'exportation des livres français, a demandé à l'Etat l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'octroi de cette aide illégale. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mai 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.
2. Il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement tant l'existence d'un lien de causalité entre une illégalité et un préjudice que l'utilité d'une mesure d'instruction pour justifier de ce lien. Ils doivent établir leur conviction au vu de l'ensemble des pièces produites à l'instance. Dans l'exercice de leurs pouvoirs généraux de direction de la procédure, ils peuvent ordonner toutes les mesures d'instruction qu'ils estiment nécessaires à la solution des litiges qui leur sont soumis, et notamment requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, la communication des documents qui leur permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir leur conviction.
3. Après avoir estimé qu'un lien de causalité entre l'aide illégale et les pertes de clients alléguées par la SIDE ne pouvait être établi qu'en démontrant que la Coopérative d'exportation du livre français avait capté une partie de la clientèle de la SIDE grâce à des prix plus attractifs rendus possibles par les subventions dont elle avait bénéficié, la cour a relevé que la SIDE avait produit ses documents comptables mais ne disposait pas de l'ensemble des éléments qui auraient permis de justifier du lien entre d'une part, l'évolution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice pendant la période au cours de laquelle l'aide a été accordée et, d'autre part, les subventions de l'Etat à la Coopérative d'exportation du livre français. Elle a rejeté en conséquence sa demande en refusant d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par la société requérante, au seul motif, s'agissant de la demande de production de la comptabilité du CELF auprès du liquidateur de cet organisme, que ce dernier n'était pas partie à l'instance. Ce faisant, la cour a méconnu son office, dès lors qu'il lui était loisible d'ordonner une telle mesure à l'égard d'un tiers à l'instance, ainsi que cela a été dit au point 2. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la SIDE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SIDE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le ministre de la culture et de la communication au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 mai 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la Société internationale de diffusion et d'édition au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la ministre de la culture et de la communication présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société internationale de diffusion et d'édition et à la ministre de la culture et de la communication.