Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 15 novembre et 13 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme B...A...demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du paragraphe 90 de l'instruction du ministre des finances et des comptes publics publiée au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 4 mars 2015 sous la référence BOI-CF-INF-10-40-30, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts dans ses rédactions issues de l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, d'une part, et de l'article 12 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, d'autre part.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 1736 ;
- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, notamment son article 14 ;
- la loi n° 2013-1177 du 6 décembre 2013, notamment son article 12 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des tequêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts : " L'administrateur d'un trust défini à l'article 792-0 bis dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé est tenu d'en déclarer la constitution, le nom du constituant et des bénéficiaires, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes. ". Aux termes du IV bis de l'article 1736 du même code dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi de finances rectificative pour 2011 et applicable aux déclarations à déposer antérieurement au 8 décembre 2013 : " Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 10 000 euros ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés. ". Aux termes de ce même IV bis dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et applicable aux déclarations à déposer à compter du 8 décembre 2013 : " Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 20 000 euros ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 12,5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés ". En vertu de ces dispositions, les administrateurs de trusts sont tenus de déclarer à l'administration fiscale les constitutions, modifications ou extinctions de trusts, ainsi que, chaque année, les informations relatives aux biens, droits et produits placés dans les trusts et, à défaut de respecter ces obligations déclaratives, sont passibles d'une amende.
3. MmeA..., à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du paragraphe 90 de l'instruction du ministre des finances et des comptes publics publiée au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 4 mars 2015 sous la référence BOI-CF-INF-10-40-30 qui commente les amendes applicables en cas d'infractions à l'article 1649 AB du code général des impôts dans ses rédactions successives, soutient que le IV bis de l'article 1736 du même code dans ses rédactions issues de l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, d'une part, et de l'article 12 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, d'autre part, méconnaît les principes de proportionnalité des peines et d'égalité devant la loi garantis respectivement par les articles 8 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
4. Le IV bis de l'article 1736 du code général des impôts est applicable au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans ses rédactions issues de l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 et de l'article 12 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme A...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Premier ministre.