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16/12/2016 | FRANCE | N°403899

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 16 décembre 2016, 403899


Vu la procédure suivante :

La commune de Rouen, en défense à la demande de l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 6 juillet 2015 du conseil municipal de la commune de Rouen fixant les tarifs du conservatoire de cette ville pour l'année 2015/2016, a produit un mémoire, enregistré le 13 juin 2016 au greffe du tribunal administratif de Rouen, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnali

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Par une ordonnance n° 1503810 du 29 septembre 2016, enregistr...

Vu la procédure suivante :

La commune de Rouen, en défense à la demande de l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 6 juillet 2015 du conseil municipal de la commune de Rouen fixant les tarifs du conservatoire de cette ville pour l'année 2015/2016, a produit un mémoire, enregistré le 13 juin 2016 au greffe du tribunal administratif de Rouen, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1503810 du 29 septembre 2016, enregistrée le 30 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Rouen, avant qu'il soit statué sur la demande de l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la combinaison des articles L. 132-2 et L. 211-8 du code de l'éducation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'éducation, notamment ses articles L. 132-2 et L. 211-8 ;

- l'arrêté du 31 juillet 2002 du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et du ministre de la culture et de la communication relatif aux classes à horaires aménagés pour les enseignements artistiques renforcés destinés aux élèves des écoles et collèges ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-François Mourier, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-2 du code de l'éducation : " L'enseignement est gratuit pour les élèves des lycées et collèges publics qui donnent l'enseignement du second degré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-8 du même code : " L'Etat a la charge : / (...) 3° De la rémunération du personnel exerçant dans les collèges, sous réserve des dispositions des articles L. 213-2-1 et L. 216-1 ; (...) / 5° Des dépenses de fonctionnement à caractère directement pédagogique dans les collèges, (...) dont celles afférentes aux ressources numériques, incluant les contenus et les services, spécifiquement conçues pour un usage pédagogique, ainsi que de la fourniture des manuels scolaires dans les collèges (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour les élèves des collèges publics, les dépenses d'enseignement qui, en raison de la gratuité de cet enseignement, sont à la charge des collectivités publiques, ne sont à la charge de l'Etat que si elles figurent parmi celles mentionnées à l'article L. 211-8 du code de l'éducation ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 juillet 2002 du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et du ministre de la culture et de la communication relatif aux classes à horaires aménagés pour les enseignements artistiques renforcés destinés aux élèves des écoles et collèges : " Des classes à horaires aménagés peuvent être organisées dans les écoles élémentaires et les collèges afin de permettre aux élèves de recevoir, dans le cadre des horaires et programmes scolaires, un enseignement artistique renforcé. / (...) Cet enseignement est dispensé avec le concours des conservatoires nationaux de région, écoles nationales de musique et de danse, écoles municipales agréés gérés par les collectivités territoriales (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de la délibération du 6 juillet 2015 du conseil municipal de Rouen fixant les tarifs de ce conservatoire pour l'année 2015/2016, en tant que ces tarifs s'appliquent aux élèves qui sont inscrits au conservatoire au titre de leur scolarité en classe à horaires aménagés ; que l'association requérante a soutenu, devant le tribunal administratif, que le principe de gratuité de l'enseignement public faisait obstacle à ce que les tarifs du conservatoire s'appliquent aux élèves des classes de collège à horaires aménagés ; qu'en défense devant le tribunal, la commune de Rouen a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité, transmise au Conseil d'Etat sous le présent numéro, tirée de ce qu'en mettant à la charge de collectivités publiques autres que l'Etat les dépenses issues, notamment, de l'inscription au conservatoire des élèves des classes à horaires aménagés, la combinaison des dispositions des articles L. 132-2 et L. 211-8 du code de l'éducation méconnaîtrait les articles 34, 72 et 72-2 de la Constitution et le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

5. Considérant, toutefois, que la question ainsi soulevée, relative à la désignation d'une collectivité publique appelée à supporter le cas échéant, au titre de la gratuité de l'enseignement public, le coût d'inscription au conservatoire de certains élèves de collège, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la délibération de la collectivité gestionnaire de ce conservatoire ayant fixé les tarifs d'inscription ; qu'ainsi, ni les dispositions de l'article L. 211-8 du code de l'éducation relatives aux dépenses d'enseignement à la charge de l'Etat ni, par suite, la combinaison de ces dispositions avec celles de l'article L. 132-2 du même code, qui met en oeuvre l'obligation constitutionnelle d'organiser un enseignement public gratuit, ne peuvent être regardées comme applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Rouen ;

6. Considérant que la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; que les conclusions présentées par l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen et la fédération des usagers du spectacle enseigné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée ; que par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Rouen.

Article 2 : Les conclusions de l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen et de la fédération des usagers du spectacle enseigné présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rouen, à l'association des parents d'élèves du conservatoire de Rouen et à la fédération des usagers du spectacle enseigné.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu'au tribunal administratif de Rouen.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 403899
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2016, n° 403899
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:403899.20161216
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