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16/12/2016 | FRANCE | N°393186

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 16 décembre 2016, 393186


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 septembre 2015 et 10 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la beauté demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 25 février 2015 relatif à la qualification professionne

lle des évaluateurs de la sécurité des produits cosmétiques pour la santé humain...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 septembre 2015 et 10 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la beauté demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 25 février 2015 relatif à la qualification professionnelle des évaluateurs de la sécurité des produits cosmétiques pour la santé humaine, ainsi que la décision du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes du 10 juillet 2015 rejetant son recours gracieux dirigé contre cet arrêté ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation du 2 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques dispose, à son paragraphe 2, que : " L'évaluation de la sécurité du produit cosmétique (...), est effectuée par une personne titulaire d'un diplôme ou autre titre sanctionnant une formation universitaire d'enseignement théorique et pratique en pharmacie, toxicologie, médecine ou dans une discipline analogue, ou une formation reconnue équivalente par un État membre ". L'article L. 5131-2 du code de la santé publique, applicable aux produits cosmétiques, dispose, à son troisième alinéa, que : " Les personnes qualifiées chargées de l'évaluation de la sécurité doivent posséder une formation universitaire mentionnée à l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques, ou une formation équivalente figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de la santé, de l'industrie et de l'enseignement supérieur, ou une formation reconnue équivalente par un Etat membre de l'Union européenne ".

2. Par l'arrêté attaqué du 25 février 2015, les ministres compétents ont fixé une liste de formations reconnues équivalentes à la formation universitaire prévue à l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 et à l'article L. 5131-2 du code de la santé publique, comprenant, en premier lieu, le diplôme français d'Etat de docteur vétérinaire, le diplôme d'Etat de vétérinaire ou l'un des diplômes, certificats ou titres de vétérinaire délivrés par les autres Etats membres de l'Union européenne, les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou la Confédération suisse, en deuxième lieu, le diplôme national de doctorat français ou l'un des diplômes, certificats ou titres de niveau comparable au doctorat français délivrés par les autres Etats membres de l'Union européenne, les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou la Confédération suisse, sanctionnant des travaux de recherche dans le champ de la toxicologie ou de l'écotoxicologie, en troisième lieu, le diplôme national de master français ou l'un des diplômes, certificats ou titres délivrés par les autres Etats membres de l'Union européenne, les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou la Confédération suisse reconnus, par l'Etat qui le délivre, de niveau master (conférant 120 crédits européens ECTS après un premier diplôme conférant lui-même 180 crédits ECTS), permettant de justifier d'au moins 60 crédits européens ECTS validés dans le domaine de la toxicologie ou de l'écotoxicologie et dans le domaine de l'évaluation des risques, en quatrième lieu, le diplôme d'études approfondies (DEA) de toxicologie ou d'écotoxicologie et, en dernier lieu, le diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) de toxicologie ou d'écotoxicologie.

3. En outre, le dernier alinéa de l'article L. 613-3 du code de l'éducation dispose que : " Toute personne peut également demander la validation des études supérieures qu'elle a accomplies, notamment à l'étranger ". L'article L. 613-4 du même code précise que : " La validation prévue à l'article L. 613-3 est prononcée par un jury dont les membres sont désignés par le président de l'université ou le chef de l'établissement d'enseignement supérieur en fonction de la nature de la validation demandée (...) ". Ces dispositions permettent notamment la reconnaissance de l'équivalence entre une formation qui n'est pas dispensée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, un Etat partie à l'Espace économique européen ou la Confédération suisse et un diplôme délivré par une université ou un établissement d'enseignement supérieur établi en France.

Sur la compétence des signataires de l'arrêté attaqué :

4. Il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur général de la santé, le directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et le directeur général des entreprises, dont les actes de nomination ont été publiés au Journal officiel de la République française respectivement les 23 octobre 2013, 12 juillet 2012 et 10 décembre 2012, avaient du fait de leur nomination qualité pour signer l'arrêté attaqué au nom des ministres chargés de la santé, de l'enseignement supérieur et de l'industrie. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été signé par des autorités incompétentes.

Sur la conformité de l'arrêté attaqué au règlement (CE) n° 1223/2009 :

5. La fédération requérante soutient que l'arrêté attaqué méconnaît le paragraphe 2 de l'article 10 du règlement du 30 novembre 2009, cité au point 1, d'une part, en ce qu'il détermine les " disciplines analogues " à la pharmacie, à la toxicologie et à la médecine, notamment l'écotoxicologie, d'autre part, en ce qu'il reconnaît l'équivalence de formations dispensées au sein de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, alors que la reconnaissance d'équivalence de formations ne peut concerner que des diplômes délivrés dans des Etats tiers.

6. Toutefois, s'il résulte des stipulations de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que les règlements sont directement applicables dans tout Etat membre, les dispositions du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 renvoient toutefois aux Etats membres le soin de reconnaître les formations équivalentes aux diplômes et autres titres sanctionnant une formation universitaire d'enseignement théorique et pratique en pharmacie, toxicologie, médecine ou dans une discipline analogue, que doit posséder la personne chargée de l'évaluation de la sécurité du produit cosmétique. Dans ces conditions, quand bien même les formations équivalentes mentionnées par ces dispositions ne viseraient que des formations dispensées dans des Etats auxquels le règlement ne s'applique pas, il pourrait également être considéré que l'exécution pleine et entière de ces dispositions impose, pour permettre la reconnaissance de l'équivalence des formations, de préciser préalablement tant le contenu de la notion de " disciplines analogues " que les niveaux de qualification requis pour satisfaire aux exigences du règlement.

7. La réponse aux moyens soulevés par la fédération requérante dépend ainsi du point de savoir, en premier lieu, si la reconnaissance d'équivalence des formations à laquelle les Etats membres peuvent procéder en application du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 ne peut concerner que les formations délivrées dans les Etats tiers à l'Union européenne, en deuxième lieu, si les dispositions du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement autorisent un Etat membre à déterminer des disciplines susceptibles d'être regardées comme " analogues " à la médecine, à la pharmacie ou à la toxicologie, au sens du règlement, et des niveaux de qualification satisfaisant aux exigences du règlement et, en troisième lieu, dans l'affirmative, selon quels critères des disciplines peuvent être regardées comme " analogues ".

8. Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat et présentent une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de la Fédération des entreprises de la beauté.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la Fédération des entreprises de la beauté, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1. La reconnaissance d'équivalence des formations à laquelle les Etats membres peuvent procéder en application du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques ne concerne-t-elle que les formations délivrées dans les Etats tiers à l'Union européenne '

2. Les dispositions du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement autorisent-elles un Etat membre à déterminer des disciplines susceptibles d'être regardées comme " analogues " à la médecine, à la pharmacie ou à la toxicologie et des niveaux de qualification satisfaisant aux exigences du règlement '

3. En cas de réponse affirmative à la deuxième question, selon quels critères des disciplines peuvent-elles être regardées comme " analogues " à la médecine, à la pharmacie ou à la toxicologie '

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des entreprises de la beauté, à la ministre des affaires sociales et de la santé, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et au greffier en chef de la Cour de justice de l'Union européenne.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393186
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2016, n° 393186
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:393186.20161216
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