La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2016 | FRANCE | N°395826

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 05 décembre 2016, 395826


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 395826, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 4 janvier et 26 septembre 2016, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2015 du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, relatif aux tarifs des courses de taxi ;

2° Sous le n° 395868, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier, 4 avril et 7 octobre 2016, la Chambre syndicale des cocher

s chauffeurs de voitures de places CGT-taxis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 395826, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 4 janvier et 26 septembre 2016, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2015 du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, relatif aux tarifs des courses de taxi ;

2° Sous le n° 395868, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier, 4 avril et 7 octobre 2016, la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 2 novembre 2015 ainsi que l'arrêté du 3 décembre 2015 du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique relatif aux tarifs des courses de taxi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

3° Sous le n° 396804, par une requête, enregistrée le 5 février 2016, M. C... B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 3 décembre 2015 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des transports ;

- le décret n° 2015-1252 du 7 octobre 2015 ;

- l'arrêté du 10 novembre 1972 portant sur l'organisation de l'industrie du taxi dans la région parisienne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Union nationale des industries du taxi ;

1. Considérant que l'Union nationale des industries du taxi justifie d'un intérêt suffisant au maintien des arrêtés attaqués ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 7 octobre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi : " Le ministre chargé de l'économie fixe chaque année par arrêté, en fonction de l'évolution du prix des carburants, du prix des véhicules automobiles ainsi que de leurs frais de réparation et d'entretien et du tarif des assurances, la variation du tarif d'une course type de taxi. Cet arrêté précise les conditions et délais dans lesquels cette variation est appliquée dans les arrêtés préfectoraux prévus à l'article 5. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même décret, le même ministre " arrête le tarif minimum, majorations et suppléments inclus, susceptible d'être perçu pour une course. / Il peut définir la période d'attente commandée par le client mentionnée à l'article 1er et déterminer les conditions d'application des majorations mentionnées à l'article 1er et des suppléments mentionnés à l'article 2. Il peut également fixer le montant de ces majorations et le prix de ces suppléments. / (...) " ; que les arrêtés contestés du 2 novembre et 3 décembre 2015 du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, relatifs aux tarifs des courses de taxi, ont été pris en application de ces dispositions ; que les requêtes de M.A..., de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis et de M. B...sont dirigées contre ces arrêtés ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les arrêtés des 2 novembre et 3 décembre 2015 ont été pris exclusivement en application des articles 3 et 4 du décret du 7 octobre 2015 qui confient au seul ministre chargé de l'économie le soin de fixer par arrêté différentes règles relatives à la tarification ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des arrêtés attaqués en ce qu'ils ne comportent pas les signatures du ministre de l'intérieur, du secrétaire d'Etat chargé des transports et du secrétaire d'Etat chargé du commerce et de l'artisanat ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que par sa décision n° 395086 de ce jour, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté la requête de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis dirigée contre le décret du 7 octobre 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués encourent l'annulation par voie de conséquence de l'annulation, à la demande de la chambre syndicale requérante, du décret du 7 octobre 2015 ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 octobre 2015 : " Le tarif de la course de taxi comprend un prix maximum du kilomètre parcouru. Pour les périodes où la marche du véhicule est ralentie et pour la période d'attente commandée par le client, ce prix est remplacé par un prix maximum horaire. / Des majorations de ces prix peuvent être prévues : / 1° Pour la course de nuit ; / 2° Pour la course qui impose un retour à vide ou pour la course qui dessert des zones périphériques ou extérieures au ressort géographique de l'autorisation de stationnement ; / 3° Le cas échéant, pour la course effectuée sur route enneigée ou verglacée ; / 4° Pour les courses effectuées aux heures de pointe. " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le tarif de la course de taxi comprend un prix maximum de prise en charge. / Des suppléments peuvent être prévus pour : / 1° La prise en charge de passagers supplémentaires. Si ce supplément est prévu, il ne peut l'être qu'à partir du quatrième passager transporté ; / 2° La prise en charge d'animaux ; / 3° La prise en charge de bagages suivant leur poids et leur encombrement ; / 4° La réservation du taxi. " ; qu'aux termes de son article 3 : " Le ministre chargé de l'économie fixe chaque année par arrêté, en fonction de l'évolution du prix des carburants, du prix des véhicules automobiles ainsi que de leurs frais de réparation et d'entretien et du tarif des assurances, la variation du tarif d'une course type de taxi. Cet arrêté précise les conditions et délais dans lesquels cette variation est appliquée dans les arrêtés préfectoraux prévus à l'article 5. / Il définit la course type mentionnée au premier alinéa en tenant compte des profils de courses habituellement effectuées par les taxis. La course type comprend la prise en charge, une ou plusieurs distances kilométriques et une ou plusieurs périodes d'attente ou de marche au ralenti, selon l'heure ou la localisation des trajets. / Il peut définir des courses types et des variations de leur tarif différenciées selon les zones géographiques, pour tenir compte des spécificités dans la structure des courses dans ces zones. / Les majorations de prix mentionnées à l'article 1er varient dans la même proportion que celle prévue pour le tarif de la course type. " ; qu'aux termes de son article 4 : " Le ministre chargé de l'économie arrête le tarif minimum, majorations et suppléments inclus, susceptible d'être perçu pour une course. / Il peut définir la période d'attente commandée par le client mentionnée à l'article 1er et déterminer les conditions d'application des majorations mentionnées à l'article 1er et des suppléments mentionnés à l'article 2. Il peut également fixer le montant de ces majorations et le prix de ces suppléments. / Par dérogation aux dispositions de l'article 1er, il peut instituer des tarifications forfaitaires pour la desserte de certains lieux ou sites faisant l'objet d'une fréquentation régulière ou élevée. Il détermine les conditions dans lesquelles la variation des forfaits peut s'écarter de celle du tarif de la course type mentionnée à l'article 3. " ; qu'aux termes de son article 5 : " Les préfets dans leur département et le préfet de police dans sa zone de compétence déterminent chaque année par arrêté : / 1° Le prix maximum du kilomètre parcouru, le prix maximum horaire et le prix maximum de prise en charge, dans le respect de la variation de la course type mentionnée à l'article 3 ; / 2° Les conditions d'application de la période d'attente commandée par le client, des majorations et des suppléments, sous réserve des décisions arrêtées par le ministre en application de l'article 4 ; / 3° Le montant des majorations et le prix des suppléments, lorsqu'ils ne sont pas fixés par le ministre en application de l'article 4. " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que peuvent s'ajouter au tarif de la course de taxi différents suppléments, pour la prise en charge de passagers supplémentaires à partir du quatrième passager, la prise en charges d'animaux, la prise en charge de bagages et la réservation du taxi ; qu'il est loisible au ministre chargé de l'économie d'autoriser ou non chacun de ces suppléments, et de prévoir les modalités de leur application, le cas échéant en fonction des spécificités de zones géographiques qu'il lui appartient de déterminer ; qu'il pouvait légalement, par conséquent, ainsi qu'il l'a fait par l'arrêté du 2 novembre 2015, prévoir un traitement différent, en ce qui concerne les suppléments autorisés, selon que le taxi dépend ou non du ressort géographique parisien ; qu'il a, notamment, par l'article 6 de l'arrêté attaqué, réservé aux seuls taxis parisiens la possibilité de percevoir un supplément au titre de la réservation du taxi ; qu'inversement, il a réservé aux seuls taxis non parisiens le supplément pour la prise en charge d'animaux et la prise en charge de bagages ; qu'enfin, alors que, en vertu de l'arrêté attaqué, les taxis non parisiens peuvent bénéficier du supplément pour la prise en charge des passagers dès le quatrième passager, les taxis parisiens ne le peuvent qu'à partir du cinquième ; que ces différences de traitement, qui doivent être appréhendées globalement, sont justifiées à la fois par la spécificité de la circulation à Paris, caractérisée par la densité du trafic et la relative faiblesse des distances à parcourir, et par l'importance de sa fréquentation touristique ; que ces différences sont ainsi justifiées par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de l'arrêté et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des motifs qui la justifient ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 2 novembre 2015 : " La période d'attente commandée par le client correspond à toute période, comprise entre le début et la fin de la prestation, pendant laquelle le taxi est à l'arrêt ou en stationnement à la demande du client. Le prix maximum horaire applicable est celui prévu pour les périodes où la marche du véhicule est ralentie. / On entend par ''début de la prestation'' au sens du présent article : / (...) / 2° Pour une réservation immédiate, l'heure à laquelle le client est informé que le taxi est arrivé au lieu de rendez-vous ; / (...) " ; que ces dispositions impliquent que lorsqu'il effectue sa réservation le client donne au taxi un moyen de le joindre afin de l'informer de son arrivée au lieu de rendez-vous ; que le moyen tiré de ce que le client pourrait refuser de donner au taxi un moyen permettant de le joindre est inopérant, dans la mesure où un tel refus reviendrait à refuser la prestation demandée ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la notion de " ressort géographique des taxis parisiens " qui figure à l'article 11 de l'arrêté du 2 novembre 2015 attaqué est précisément définie par l'arrêté du 10 novembre 1972 portant sur l'organisation de l'industrie du taxi dans la région parisienne, qui liste nommément chacune des communes concernées ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme doit être écarté ;

10. Considérant, en sixième lieu, que l'article 2 du décret du 7 octobre 2015 prévoit la possibilité d'instituer un supplément pour la prise en charge de passagers supplémentaires à partir du quatrième passager ; qu'il s'ensuit qu'il est loisible au ministre chargé de l'économie, ainsi qu'il l'a fait à l'article 9 de l'arrêté du 2 novembre 2015 attaqué, de ne prévoir, pour les taxis parisiens, ce supplément qu'à partir du cinquième passager ;

11. Considérant, en septième lieu, qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 4 du décret du 7 octobre 1977, il appartient au ministre chargé de l'économie d'instituer des tarifications forfaitaires pour la desserte de certains lieux ou sites faisant l'objet d'une fréquentation régulière ou élevée, comme c'est le cas des aéroports parisiens ; que dans ce cadre, il pouvait, ainsi qu'il l'a fait, prévoir des montants de forfaits différents selon que le trajet consiste à relier les aéroports parisiens à la rive gauche ou à la rive droite de la Seine à Paris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'auteur de l'arrêté du 2 novembre 2015 attaqué aurait méconnu, en distinguant la zone " rive droite " de la zone " rive gauche ", les dispositions du décret du 7 octobre 2015 ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, enfin, que l'institution, par les arrêtés attaqués, d'un système de tarifications forfaitaires pour la desserte des aéroports parisiens, est justifiée par des motifs d'intérêt général, en particulier en matière de protection du consommateur ; que si M. B...soutient que ce système entraîne une perte de revenus importante pour les taxis, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de l'arrêté qu'il attaque aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en instituant un système de tarifications forfaitaires pour la desserte des aéroports parisiens ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requêtes de M.A..., de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis et de M. B...doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'Union nationale des industries du taxi est admise.

Article 2 : les requêtes de M.A..., de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT-taxis et de M. B...sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M.A..., à la Chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de places CGT taxis, à M.B..., à l'Union nationale des industries du taxi et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395826
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 déc. 2016, n° 395826
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:395826.20161205
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award