La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2016 | FRANCE | N°389733

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 28 novembre 2016, 389733


Vu la procédure suivante :

M. C...B...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 13 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré pour fraude la qualité de réfugié qu'il lui avait reconnue par décision du 7 août 2012 et de lui rétablir cette qualité.

Par une décision n° 13024407 du 27 février 2015, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à la demande de M. B...et l'a rétabli dans sa qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoir

e complémentaire, enregistrés les 23 avril et 22 juillet 2015 au secrétariat du contentieux ...

Vu la procédure suivante :

M. C...B...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 13 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré pour fraude la qualité de réfugié qu'il lui avait reconnue par décision du 7 août 2012 et de lui rétablir cette qualité.

Par une décision n° 13024407 du 27 février 2015, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à la demande de M. B...et l'a rétabli dans sa qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 22 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision n° 13024407 du 27 février 2015 de la Cour nationale du droit d'asile ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Me Delamarre, avocat de M. C...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 7 août 2012, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a reconnu la qualité de réfugié à M. C... B...qui, dans sa demande, s'était présenté sous l'identité de son frère, CebrailB.... La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a émis, le 27 février 2013, un avis favorable, sous la réserve du retrait de son statut de réfugié, à la demande d'extradition formulée par les autorités turques contre M.B..., à la suite de la disparition de sa belle-soeur, Mme A...B..., à Istanbul, le 7 décembre 2011. La qualité de réfugié a été retirée pour fraude à M. B...par une décision du 19 août 2013 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'Office se pourvoit en cassation contre la décision du 27 février 2015 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision de son directeur général et rétabli M. B... dans sa qualité de réfugié.

2. Aux termes des stipulations du paragraphe A, 2° de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés, doit être considérée comme réfugié toute personne qui " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes de celles du paragraphe F de l'article 1er de la même convention : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées ".

3. Si, d'une part, l'article 1er C de cette convention énumère les motifs permettant le retrait du bénéfice du statut de réfugié, cette mesure reste en outre possible, en application des principes gouvernant le retrait des actes administratifs, au cas où les circonstances de l'affaire révèleraient que la demande au vu de laquelle le statut a été conféré à l'intéressé était entachée de fraude. Il revient alors à la Cour nationale du droit d'asile, qui doit se prononcer sur l'ensemble des circonstances de fait et de droit de l'espèce, d'apprécier si le demandeur, qui s'était vu reconnaître la qualité de réfugié sur le fondement de déclarations frauduleuses, est encore en mesure de faire valoir des éléments suffisamment crédibles, tenant à son parcours personnel et aux menaces susceptibles de peser sur lui en cas de retour dans son pays, pour pouvoir conserver sa qualité de réfugié.

4. Si, d'autre part, la Cour nationale du droit d'asile, eu égard à son office, n'est pas liée par l'avis émis par le juge judiciaire en réponse à une demande d'extradition visant un demandeur d'asile, il lui appartient, néanmoins, de prendre en compte l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, y compris ceux figurant dans le dossier d'extradition s'il est produit devant elle, pour apprécier s'il y a des raisons sérieuses de penser que l'intéressé a commis un crime grave de droit commun au sens des stipulations du b) du paragraphe F de l'article 1er de la convention de Genève.

5. C'est ainsi sans commettre d'erreur de droit, que la Cour a pu juger, d'une part, que malgré la fausse identité utilisée par M. B...dans le cadre de sa demande initiale d'asile, les éléments non entachés de fraude qui la fondaient étaient suffisants pour justifier le maintien de sa qualité de réfugié, et que, d'autre part, les pièces figurant à son dossier, parmi lesquelles se trouvait le dossier de demande d'extradition des autorités turques, ne comportaient pas d'éléments suffisants pour justifier de raisons sérieuses de penser que l'intéressé aurait commis un crime grave dans son pays d'origine. Toutefois, au regard des critères de droit et de l'ensemble des pièces du dossier, notamment la concomitance du départ de M. B...de son pays d'origine avec l'engagement des poursuites criminelles à son encontre et les éléments rassemblés dans l'avis de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas légalement justifié sa décision rétablissant M. B...dans sa qualité de réfugié.

6. Il résulte de ce qui précède que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 27 février 2015 rétablissant M. B...dans sa qualité de réfugié. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision n° 13024407 du 27 février 2015 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. C...B....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 389733
Date de la décision : 28/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- CAS OÙ LE DEMANDEUR D'ASILE FAIT L'OBJET D'UNE DEMANDE D'EXTRADITION - OFFICE DE L'OFPRA ET DE LA CNDA.

095-04-01-01-02-03 Demandeur d'asile faisant l'objet d'une demande d'extradition.,,,Si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), eu égard à leur office, ne sont pas liés par l'avis émis par le juge judiciaire en réponse à une demande d'extradition visant un demandeur d'asile, il leur appartient, néanmoins, de prendre en compte l'ensemble des éléments qui leur sont soumis, y compris ceux figurant dans le dossier d'extradition s'ils en disposent, pour apprécier s' il y a des raisons sérieuses de penser que l'intéressé a commis un crime grave de droit commun au sens des stipulations du b) du paragraphe F de l'article 1er de la convention de Genève.

- FACULTÉ - EXISTENCE - CONDITION - ABSENCE - EN DEHORS DES ÉLÉMENTS FRAUDULEUX - D'ÉLÉMENTS DE NATURE À JUSTIFIER L'OCTROI DE LA PROTECTION.

095-04-02-03-02 Si l'article 1er C de la convention de Genève énumère les motifs permettant le retrait du bénéfice du statut de réfugié, cette mesure reste en outre possible, en application des principes gouvernant le retrait des actes administratifs, au cas où les circonstances de l'affaire révèleraient que la demande au vu de laquelle le statut a été conféré à l'intéressé était entachée de fraude.... ,,Il y a lieu alors d'apprécier si le demandeur, qui s'était vu reconnaître la qualité de réfugié sur le fondement de déclarations frauduleuses, est encore en mesure de faire valoir des éléments suffisamment crédibles, tenant à son parcours personnel et aux menaces susceptibles de peser sur lui en cas de retour dans son pays, pour pouvoir conserver sa qualité de réfugié.

ÉTRANGERS - EXTRADITION - CAS D'UNE DEMANDE D'EXTRADITION VISANT UN DEMANDEUR D'ASILE - OFFICE DE L'OFPRA ET DE LA CNDA.

335-04 Demandeur d'asile faisant l'objet d'une demande d'extradition.,,,Si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), eu égard à leur office, ne sont pas liés par l'avis émis par le juge judiciaire en réponse à une demande d'extradition visant un demandeur d'asile, il leur appartient, néanmoins, de prendre en compte l'ensemble des éléments qui leur sont soumis, y compris ceux figurant dans le dossier d'extradition s'ils en disposent, pour apprécier s' il y a des raisons sérieuses de penser que l'intéressé a commis un crime grave de droit commun au sens des stipulations du b) du paragraphe F de l'article 1er de la convention de Genève.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2016, n° 389733
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389733.20161128
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award