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23/11/2016 | FRANCE | N°398068

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 novembre 2016, 398068


Vu la procédure suivante :

La SCI CT Vendeville a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Vendeville (Nord) a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la modification et du changement de destination d'un entrepôt, ainsi que celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au maire de Vendeville de procéder à un réexamen de sa demande d

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Vu la procédure suivante :

La SCI CT Vendeville a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Vendeville (Nord) a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la modification et du changement de destination d'un entrepôt, ainsi que celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au maire de Vendeville de procéder à un réexamen de sa demande de permis de construire dans un délai de quinze jours. Par une ordonnance n° 1600958 du 29 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 31 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI CT Vendeville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 29 février 2016 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vendeville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SCI CT Vendeville, et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de Vendeville.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la SARL Contrôle technique poids lourds du Valenciennois (CTPLV) a repris, en vertu d'un jugement du tribunal de commerce du 2 avril 2014, l'exploitation d'un centre de contrôle technique de véhicules légers installé dans un bâtiment situé 1 rue du Fort à Vendeville, pour lequel elle a obtenu l'agrément du préfet du Nord à compter du 26 septembre 2014. Cette exploitation étant fortement perturbée par les actes d'un concurrent et par l'occupation sans titre des lieux par des gens du voyage, la SCI CT Vendeville, filiale créée à cette fin en novembre 2014, a fait l'acquisition le 6 février 2015 d'un entrepôt implanté sur un terrain situé 70 bis rue de Fâches à Vendeville, en vue de le louer à la SARL CTPLV pour que celle-ci y transfère son activité exercée rue du Fort. Sans avoir obtenu ni même sollicité d'autorisation d'urbanisme, la requérante a entrepris des travaux sur l'entrepôt acquis rue de Fâches. Le maire de Vendeville ayant pris un arrêté interruptif de travaux le 18 mars 2015, la requérante a déposé une demande de permis de construire le 30 avril 2015 afin de régulariser les travaux entrepris, de transformer une partie des locaux en établissement recevant du public et de créer des places de stationnement. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2015, un incendie a détruit le bâtiment situé rue du Fort. Le 20 octobre 2015, le maire de Vendeville a refusé le permis de construire sollicité. Le 3 février 2016, après le rejet du recours gracieux qu'elle avait formé, la SCI CT Vendeville a saisi le juge des référés d'une demande de suspension du refus opposé à sa demande de permis de construire.

3. Si, ainsi qu'il a été dit, l'activité exploitée par la SARL CTPLV rue du Fort était déjà à tout le moins compromise lorsque la SCI CT Vendeville qu'elle détient a fait l'acquisition des locaux situés rue de Fâches, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés que cette activité avait d'ores et déjà cessé lors de l'incendie survenu dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2015. En estimant que la société requérante avait fait preuve d'une imprudence caractérisée, notamment en ne prenant pas la précaution d'insérer dans l'acte d'achat des locaux de la rue de Fâches une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, en ne déposant pas une demande de certificat d'urbanisme en vue de s'assurer de la faisabilité de l'opération projetée au regard des règles d'urbanisme et en ne se rapprochant pas des services de la mairie pour leur présenter son projet et recueillir leurs éventuelles objections, et qu'elle se trouvait ainsi exclusivement à l'origine de la situation dans laquelle elle était placée, alors que l'incendie ayant détruit le bâtiment de la rue du Fort, dont il n'est pas soutenu qu'il aurait été dû à une imprudence de sa part, n'avait pu que contribuer à aggraver l'urgence à disposer de locaux propres à permettre le transfert de l'activité du centre de contrôle technique, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que la SCI CT Vendeville est fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 29 février 2016. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. En ce qui concerne une décision de refus de permis de construire, il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi d'une demande de suspension, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. À cette fin, l'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d'un permis de construire provisoire à l'issue d'un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés.

7. Pour justifier l'urgence qui s'attacherait à la suspension de la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Vendeville a refusé de lui accorder un permis de construire, la SCI CT Vendeville fait valoir que, du fait de la survenue de l'incendie ayant affecté le site de la rue du Fort, ce refus rend impossible la poursuite de l'exploitation de l'activité de contrôle technique qui y était installée, faute de lieu d'exploitation, et que cette situation porte atteinte de manière grave et immédiate à sa situation et à celle de sa société mère, la SARL CTPLV.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, comme l'indique la société requérante elle-même, que l'activité sur le site de la rue du Fort était, à la date d'acquisition du site de la rue de Fâches, déjà contrariée par des problèmes concurrentiels et l'installation de gens du voyage et que la requérante, qui n'a sollicité un permis de construire qu'après l'arrêté ordonnant l'interruption des travaux entrepris sans autorisation, s'est, par son imprudence, privée des moyens susceptibles de lui permettre de s'assurer que le nouveau local dont elle faisait l'acquisition serait propre à permettre d'y transférer l'activité de contrôle technique automobile à laquelle elle le destinait. D'autre part, si la société requérante fait valoir les coûts supportés par la SARL CTPLV en raison du retard apporté au transfert de cette activité, elle n'apporte pas d'élément de nature à attester qu'il en résulterait une atteinte grave et immédiate à l'équilibre financier de cette société, qui gère plusieurs centres de contrôle technique. Par suite, la demande de la SCI CT Vendeville ne présente pas le caractère d'urgence requis par l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

9. L'une des conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension de l'exécution d'un acte n'étant pas remplie, il n'est pas nécessaire d'examiner si la société requérante fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. La demande de la SCI CT Vendeville tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Vendeville a refusé de lui accorder un permis de construire doit ainsi être rejetée.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI CT Vendeville la somme que la commune de Vendeville demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, par ailleurs, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Vendeville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la SCI CT Vendeville devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCI CT Vendeville et de la commune de Vendeville présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI CT Vendeville et à la commune de Vendeville.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 398068
Date de la décision : 23/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2016, n° 398068
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sabine Monchambert
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:398068.20161123
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