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26/10/2016 | FRANCE | N°403566

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 octobre 2016, 403566


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a décidé, d'une part, qu'il serait suspendu pour une durée de deux ans du droit d'exercer l'activité chirurgicale complexe de l'aorte

thoracique et abdominale et la chirurgie de la carotidienne et des vaissea...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a décidé, d'une part, qu'il serait suspendu pour une durée de deux ans du droit d'exercer l'activité chirurgicale complexe de l'aorte thoracique et abdominale et la chirurgie de la carotidienne et des vaisseaux du cou et du droit de réaliser tout geste invasif et devrait suivre une formation au cours de cette période et, d'autre part, que la reprise de l'ensemble de son activité serait subordonnée à la justification par celui-ci du respect de ces obligations de formation, dans les conditions prévues à l'article R. 4124-3-6 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision contestée le prive du droit d'exercer son activité de chirurgien ainsi que de sa rémunération et est susceptible d'entrainer sa radiation du collège de chirurgie vasculaire ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- la procédure suivie devant le Conseil national de l'ordre des médecins a méconnu tant les droits de la défense et l'article R. 4112-5 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article R. 4112-5-1 du même code, que le secret médical et les articles L. 1110-4 et R. 1111-1 du code de la santé publique ;

- la décision litigieuse est entachée de détournement de pouvoir ;

- cette décision méconnaît l'article L. 4124-3-5 du code de la santé publique ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le rapport du collège d'experts ne recommandait pas la suspension et ne contenait aucun élément permettant au Conseil national de l'ordre des médecins de prononcer une suspension du droit d'exercer son activité professionnelle ;

- il n'a jamais fait l'objet de poursuites disciplinaires ;

- la suspension prononcée à son encontre est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2016, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 octobre 2016 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction ;

Vu les nouvelles pièces, enregistrées le 14 octobre 2016, produites par le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu les observations, enregistrées le 24 octobre 2016, présentées par M. A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il résulte des dispositions citées au point 1 que l'urgence est de nature à justifier la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte attaqué sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I.- En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée (...). VI - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. VII - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié (...) avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, par la décision litigieuse, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a fait usage à l'égard de M. A...des pouvoirs que cette instance tient de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, en cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession. Elle a ainsi suspendu ce praticien, pour deux ans, du droit d'exercer l'activité chirurgicale complexe de l'aorte thoracique et abdominale et la chirurgie de la carotidienne et des vaisseaux du cou et du droit de réaliser tout geste invasif. Cette mesure de suspension, qui a été assortie d'obligations de formation, a également prévu que la reprise par M. A...de l'ensemble de ses activités chirurgicales serait subordonnée à la justification de ce qu'il se serait soumis aux obligations ainsi prescrites. Par une lettre du 24 août 2016, le directeur du centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet a fait savoir à M. A... que son contrat ne serait pas renouvelé au-delà de son terme, soit le 31 octobre 2016.

5. Pour soutenir qu'il y a urgence à suspendre l'exécution de la décision litigieuse, M. A...fait essentiellement valoir que la décision attaquée, en faisant temporairement obstacle à ce qu'il exerce ses activités chirurgicales, a été à l'origine du non-renouvellement du contrat le liant au centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet et le privera de la rémunération correspondante à compter du 1er novembre 2016.

6. Il résulte toutefois de l'instruction, en premier lieu, que le " contrat de recrutement de clinicien hospitalier " conclu le 8 octobre 2014 entre M. A...et le centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet a pris effet à compter du 1er novembre 2014 pour une durée d'un an renouvelable une seule fois. Dès lors M. A...ne tenait de ce contrat aucun droit à ce que sa collaboration avec ce centre hospitalier soit prolongée au-delà du 1er novembre 2016. Cette collaboration n'avait d'ailleurs vocation à se poursuivre que pour autant que l'intéressé subisse avec succès, avant le terme du contrat, les épreuves du concours de praticien hospitalier, auquel il ne s'est pas présenté depuis le 1er novembre 2014. En second lieu, si la mesure de suspension critiquée est de nature à faire obstacle à ce que M. A...accomplisse divers actes de chirurgie, elle ne privera pas l'intéressé de la possibilité d'exercer les autres activités professionnelles auxquelles la possession de son diplôme de docteur en médecine lui donne accès, et par conséquent de percevoir des revenus de ces activités. Enfin il résulte également de l'instruction que, depuis plusieurs années, les conditions dans lesquels M. A...a réalisé, dans des établissements où il exerçait, certaines interventions de chirurgie vasculaire et pris en charge des patients qui lui étaient confiés ont à plusieurs reprises suscité des difficultés sérieuses, notamment des complications postopératoires. Un rapport circonstancié, établi à Marseille le 16 mai 2016 par trois praticiens spécialistes de chirurgie vasculaire après un examen de plusieurs dossiers médicaux de patients de M. A...et un entretien avec celui-ci, a relevé l'existence de ces anomalies dans son exercice professionnel et a conclu à ce qu'il était indispensable qu'il remette à jour et complète sa formation.

7. Lorsqu'un praticien suspendu en application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique saisit le juge administratif d'une demande de référé suspension, il appartient à celui-ci, afin d'apprécier si la condition d'urgence est remplie, de prendre en considération non seulement la situation et les intérêts du praticien, mais aussi l'intérêt général qui s'attache au respect des exigences de la santé publique, qui sont susceptibles de justifier, même en l'absence de poursuites disciplinaires, que ce praticien soit invité à compléter et actualiser ses connaissances et à approfondir sa pratique professionnelle, avant de pouvoir reprendre le cours normal de ses activités. En l'espèce et compte-tenu des éléments relevés au point 6, les exigences impérieuses de la santé publique et la sauvegarde des intérêts des patients conduisent en l'état de l'instruction à regarder la condition d'urgence, appréciée au sens objectif et global, comme n'étant en tout état de cause pas satisfaite.

8. Par suite et dès lors que l'une des deux conditions exigées par L. 521-1 du code de justice administrative fait défaut, la demande de suspension formée par M. A...ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le Conseil national de l'ordre des médecins.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 403566
Date de la décision : 26/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2016, n° 403566
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:403566.20161026
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