Vu la procédure suivante :
M. A...B...et Mme C...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre, d'une part, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de les admettre dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile et de leur accorder le bénéfice de l'allocation allouée aux demandeurs d'asile, d'autre part, au préfet de l'Hérault de les convoquer sans délai en vue de l'enregistrement de leur demande d'asile. Par une ordonnance n° 1604813 du 26 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a enjoint au préfet de l'Hérault de leur indiquer un lieu susceptible de les accueillir avec leurs deux enfants mineurs et rejeté le surplus de leur demande.
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 29 septembre, le 3 et le 5 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle n'a fait que partiellement droit à leur demande ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'OFII la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'hébergement de la famille demeure aléatoire et que les conditions matérielles d'accueil, qui incluent une allocation journalière et la prise en charge spécifique de la nourriture et des soins, n'ont pas été mises en oeuvre en dépit de l'injonction au préfet d'y procéder ;
- le refus de l'OFII de leur reconnaître le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et à son corollaire, le droit à l'accueil du demandeur d'asile, ainsi qu'au principe de continuité de l'hébergement d'urgence ;
- le retard d'enregistrement de leur demande d'asile par le préfet méconnaît l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les dispositions de l'article L. 744-1, L. 744-9 et D. 744-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles prévoient le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile à terme échu, méconnaissent la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 29 septembre 2016, l'association la Cimade demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête. Elle se réfère aux moyens exposés dans la requête de M. et MmeB....
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 17 et 19 octobre 2016, l'OFII conclut au non-lieu à statuer sur la requête, dès lors que les requérants ont été admis dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile, que leur demande d'asile a été enregistrée et qu'ils se sont vu reconnaître le droit au bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile. L'OFII précise que, dans l'attente de la perception effective de l'allocation des demandeurs d'asile, M. et Mme B...se sont vu attribuer des " tickets-service ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au non-lieu à statuer sur la requête pour les mêmes motifs.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme B..., d'autre part, le ministre de l'intérieur et l'OFII.
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 octobre 2016 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Jehannin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et MmeB... ;
- le représentant de la Cimade ;
- les représentants du ministre de l'intérieur,
- la représentante de l'OFII ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au mercredi 19 octobre 2016 à 20 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Sur l'intervention de la Cimade :
1. Considérant que la Cimade justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance au soutien des conclusions de la requête, que son intervention est, par suite, recevable ;
Sur l'appel de M. et MmeB... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
3. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants albanais, sont, selon leurs déclarations, entrés en France avec leurs enfants âgés de deux ans et six ans, respectivement, les 9 et 11 septembre 2016 ; qu'ils ont sollicité le bénéfice de l'asile le 19 septembre 2016 et ont été invités à se présenter le 5 octobre 2016 auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de l'Hérault ; qu'ils ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'enjoindre, d'une part, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de les admettre dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile et de leur accorder le bénéfice de l'allocation allouée aux demandeurs d'asile, d'autre part, au préfet de l'Hérault de les convoquer en vue de l'enregistrement de leur demande d'asile dans un délai de 24 heures ; que, par une ordonnance du 26 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a enjoint au préfet de l'Hérault de leur indiquer, dans un délai de 24 heures, un lieu susceptible de les accueillir avec leur enfant mineur et a rejeté le surplus de leur demande ; qu'ils relèvent appel de cette ordonnance dans cette mesure ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de leur appel, la demande d'asile des requérants a été enregistrée à la préfecture de l'Hérault le 5 octobre 2016 et qu'ils ont été admis, avec leurs enfants mineurs, dans un centre d'hébergement pour demandeurs d'asile le 6 octobre 2016 ; que, dans ces conditions, leurs conclusions d'appel tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'enjoindre , d'une part, au préfet d'enregistrer leur demande d'asile, d'autre part, à l'OFII de leur procurer un hébergement sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre " ; qu'aux termes de l'article L. 744-9 du même code : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) " ; que ce même article renvoie à un décret la détermination des modalités de versement de l'allocation pour demandeur d'asile ; que l'article D. 744-33 du même code prévoit que " L'allocation pour demandeur d'asile est versée mensuellement sur la base de cette transmission, à terme échu, par alimentation d'une carte de retrait " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que la demande d'asile de M. er Mme B...a été enregistrée le 5 octobre 2016 ; qu'à cette même date, les intéressés ont formellement accepté les conditions matérielles d'accueil qui leur ont été proposées par l'OFII ; qu'ils ont été mis en possession d'une carte de retrait en vue de la perception de l'allocation pour demandeur d'asile dont le bénéfice leur a été accordé au regard de leur absence de ressources ; que compte tenu de la règle de versement à terme échu de cette allocation et des délais liés à la mise en oeuvre des règles de la comptabilité publique, la perception effective de cette allocation n'interviendra, selon l'OFII, qu'au début du mois de novembre 2016 ; que les requérants soutiennent qu'un tel délai entre l'enregistrement de leur demande d'asile et le versement effectif de l'allocation pour demandeurs d'asile, en ce qu'il les laisse sans aucune ressource pendant plusieurs semaines, porte une atteinte grave au droit à l'accueil des demandeurs d'asile et que cette atteinte est manifestement illégale, les dispositions de l'article D. 744-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant incompatibles avec les objectifs du I de l'article 17 de la directive du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, qui prévoit que les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil " lorsqu'ils présentent leur demande de protection internationale " ; qu'il résulte toutefois des indications non contredites de l'OFII que les requérants ont, dans l'attente du versement effectif de l'allocation pour demandeurs d'asile, été mis en possession de " tickets-service " pour un montant de 280,60 euros, non récupérables sur l'allocation qu'ils percevront ; que dans ces conditions, le délai avec lequel le versement effectif de l'allocation pour demandeur d'asile ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme constitutif d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour enjoindre à l'OFII le versement de cette allocation dans un délai de 24 heures ne peuvent qu'être rejetées ;
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de l'OFII au versement d'une somme au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B...dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2016 et tendant à ce que le juge des référés prononce une injonction aux fins d'hébergement des intéressés et d'enregistrement de leur demande d'asile.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B..., à Mme C... B..., à la Cimade, au ministre de l'intérieur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.