Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 juin et 18 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...et la société Bryan A...and co Limited demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la décision du 11 janvier 2016 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, d'une part, infligé à la société Bryan A...un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 70 000 euros et à M. A...un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 30 000 euros et, d'autre part, a ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'AMF, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la première phrase de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, dans sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, notamment son article 5A ;
- le code monétaire et financier, notamment son article L. 621-10, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...et autre et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de la première phrase de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier relatif aux pouvoir d'enquête et de contrôle de l'Autorité des marchés financiers, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2004, applicable à l'enquête ayant donné lieu à la procédure de sanction dont le requérant a fait l'objet : " Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et en obtenir la copie " ; que, si ces dispositions reprennent les dispositions du troisième alinéa de l'article 5A de l'ordonnance du 28 septembre 1967, applicables à la Commission des opérations de bourse, dans leur rédaction issue de la loi du 22 janvier 1988, que le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 87-240 DC du 19 janvier 1988, la loi de sécurité financière du 1er août 2003 créant l'Autorité des marchés financiers a toutefois conféré à cette nouvelle autorité des pouvoirs plus étendus que ceux de la Commission des opérations de bourse ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 621-10, applicables au litige, ne peuvent être regardées comme ayant déjà été déclarées conformes à la Constitution ;
3. Considérant que M. A...et autre soutiennent que la première phrase de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier porte atteinte au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que, toutefois, d'une part, les dispositions contestées, qui ne sont pas relatives à l'entrée dans un lieu à usage d'habitation, permettent uniquement, pour les nécessités de l'enquête, la communication de documents professionnels et non de documents protégés par le droit au respect de la vie privée ; que, d'autre part, si elles imposent de remettre aux enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers les documents dont ces derniers sollicitent la communication, elles ne leur confèrent ni un pouvoir d'exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents, ni un pouvoir général d'audition ou un pouvoir de perquisition ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...et autre.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la société Bryan A...et à l'Autorité des marchés financiers.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.