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19/07/2016 | FRANCE | N°383488

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 19 juillet 2016, 383488


Vu la procédure suivante :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions des 2 juillet et 19 novembre 2009 par lesquelles la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a mis fin par anticipation à son contrat individuel de résident au Cameroun et de condamner l'AEFE à lui verser une somme de 11 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement n° 0904728, 100321 du 11 décembre 2012, le tribunal administratif a annulé les décisions litigieuses mais a rejeté les conclusions indemni

taires de M. B....

Par un arrêt n° 13NT00421 du 18 juillet 2014, la...

Vu la procédure suivante :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions des 2 juillet et 19 novembre 2009 par lesquelles la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a mis fin par anticipation à son contrat individuel de résident au Cameroun et de condamner l'AEFE à lui verser une somme de 11 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement n° 0904728, 100321 du 11 décembre 2012, le tribunal administratif a annulé les décisions litigieuses mais a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B....

Par un arrêt n° 13NT00421 du 18 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel formé par l'AEFE contre ce jugement en tant qu'il lui faisait grief, a annulé ce jugement et rejeté l'appel incident formé par M. B...ainsi que les conclusions dirigées par celui-ci contre les décisions litigieuses.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 6 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'AEFE et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de l'AEFE la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de M. B...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., professeur certifié d'allemand, a été placé le 9 novembre 2007 en position de service détaché auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour la période du 1er décembre 2007 au 31 août 2010 et a été affecté au lycée français de Douala (Cameroun) dans le cadre d'un contrat individuel de résident conclu le 16 octobre 2007 avec l'agence. Par une première décision du 2 juillet 2009, la directrice de l'AEFE a mis fin par anticipation à son contrat à compter du 31 août 2009. Par une seconde décision du 19 novembre 2009, la même directrice a retiré la première décision et mis à nouveau fin à l'engagement de M. B... avec prise d'effet immédiate. Par un jugement du 11 décembre 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions mais a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. B.... Celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'AEFE, annulé ce jugement, rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 2 juillet et 19 novembre 2009, et rejeté son appel incident tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des illégalités fautives commises par l'AEFE.

2. En premier lieu, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé qu'il résultait de l'instruction que la réalité et la violence de l'agression dont M. B...avait été victime le 4 juin 2009 à son domicile à Douala ressortaient des divers documents médicaux et administratifs produits, notamment d'un certificat mentionnant une tentative de strangulation, de la note du 25 juin 2009 du conseiller culturel de l'ambassade de France et du rapport circonstancié du proviseur du lycée français de Douala du 5 octobre 2009 décrivant l'attitude de l'intéressé à la suite de cet incident. Ces documents faisaient mention d'interrogations sur la qualité du suivi médical dont M. B...pouvait faire l'objet localement, de menaces pesant sur sa sécurité et de certaines activités de son proche entourage. Ils faisaient également état de réserves sur la capacité de M.B..., en raison de ces difficultés, à prendre en charge des élèves au Cameroun. Par suite, en jugeant que l'AEFE n'avait pas fondé ses décisions mettant fin par anticipation à sa mission sur les éléments reflétés par les seules déclarations de l'intéressé, faites alors qu'il était atteint d'un choc post-traumatique, mais principalement sur ce que ces déclarations révélaient du traumatisme résultant de l'agression subie, de la fragilité psychologique de M.B..., mise en évidence par les documents médicaux, de l'incapacité à enseigner en résultant ainsi que des craintes invoquées par l'intéressé lui-même pour sa sécurité, la cour n'a pas dénaturé les faits et les pièces du dossier.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du 19 novembre 2009 procédant au retrait de la décision du 2 juillet 2009 a été contestée le 7 janvier 2010 devant le tribunal administratif de Nantes. Par suite, cette décision de retrait n'avait pas acquis, à la date à laquelle la cour s'est prononcée, un caractère définitif emportant la disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de la décision du 2 juillet 2009. Dès lors, la cour n'a commis aucune erreur de droit en se prononçant sur la régularité de la décision du 2 juillet 2009.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que M. B... a été informé, le 16 juin 2009, par le conseiller culturel de l'ambassade de France au Cameroun de ce que sa mutation à Yaoundé était refusée et qu'il devrait regagner la France dans l'intérêt du service et, d'autre part, que préalablement à la décision du 2 juillet 2009, prise après examen du cas de l'intéressé en commission consultative paritaire centrale réunie en urgence le même jour, M. B...a été auditionné le 29 juin 2009, a pu présenter ses observations et a été à même de demander la communication de son dossier. Par suite, la cour n'a pas dénaturé les faits en jugeant qu'il n'était pas établi que la décision du 2 juillet 2009 avait été prise au terme d'une procédure irrégulière.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement à l'étranger : " L'agent peut, dans les conditions prévues par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, être suspendu par le directeur de l'agence. L'agent suspendu conserve son traitement, l'indemnité prévue (expatriation ou spécifique), les majorations ou avantages familiaux. Sa situation doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par le directeur de l'agence, l'intéressé, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. L'agent qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, est remis à disposition de son administration d'origine. ". Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai le conseil de discipline ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucune faute grave justifiant l'intervention d'une mesure de suspension temporaire de son contrat n'a été imputée à M. B... par l'AEFE. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de juger que seule une suspension de son contrat pouvait être prononcée par l'AEFE ne peut qu'être écarté.

6. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le proviseur du lycée français de Douala, dans un rapport circonstancié du 5 octobre 2009, a émis de fortes réserves sur la capacité de M. B... à continuer d'enseigner au Cameroun ainsi que sur l'effectivité d'un suivi psychologique sur place. Par suite, la cour a pu, sans dénaturer les faits et les pièces du dossier, tenir compte des conclusions de ce rapport dans son appréciation du bien-fondé de la décision de la directrice de l'AEFE de mettre fin dans l'intérêt du service au contrat de M. B....

7. En sixième lieu, la cour a relevé que la lettre de mission accompagnant le contrat de M. B... précisait qu'en qualité d'agent de l'Etat en mission à l'étranger, ses actes et propos étaient susceptibles de revêtir une signification et d'avoir un retentissement dépassant la simple expression d'un individu et qu'il lui incombait dès lors de respecter une obligation de réserve et de retenue. Elle a également relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, notamment d'un courriel du 19 juin 2009, que M. B... avait reconnu que le message dans lequel il faisait part à ses destinataires de ses soupçons au regard des motivations politiques de ses agresseurs et de ses craintes pour sa sécurité, avait fait l'objet d'une large diffusion. Par suite, la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de qualification juridique des faits ni de dénaturation, que le comportement de M. B... avait porté préjudice à l'image de la coopération culturelle et éducative française et constituer ainsi un des motifs justifiant la décision de la directrice de l'AEFE de mettre fin dans l'intérêt du service à son contrat.

8. En dernier lieu, la cour a pu juger, sans entacher son arrêt de dénaturation ni de contradiction de motifs, que les décisions contestées par M. B..., se prévalant seulement de son " mariage coutumier " avec une ressortissante tchadienne et de l'adoption du fils majeur de celle-ci, n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme demandée par l'AEFE au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'AEFE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE).


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 383488
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2016, n° 383488
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : DELAMARRE ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383488.20160719
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